
fpécieufe, & l’abus fubfifte ; mais rien ne fawroit
l’autorifer , lorfque l’on envifage l’importance de
cette opération.
D ’ailleurs, il n’eft pas difficile de fe convaincre
de l’illufion du prétexte fur lequel ils fe fondent :
ou les chevaux qu’ils doivent ferrer, font en effet
des chevaux qu’ils ferrent ordinairement ; ou ce
font des chevaux étrangers, & qui paffent.
Dans le premier cas , il eft inconteftable qu’ils
peuvent prévoir l’efpèce des fers qui conviendront,
& l ’inftant oii il faudra les renouveller, .& dès-lors
ils ne feront pas contraints d’attendre celui où les
chevaux dont ils connoiffent les pieds, leur feront
amenés, pour fe mettre à un ouvrage auquel ils
pourront fe livrer la veille du jour pris & choifi
pour les ferrer.
Dans le fécond cas, ils confommeront plus de
temps ; mais ce temps ne fera pas confidérable,
dès qu’ris auront une quantité de fers auxquels ils
auront donné d’avance une forte de contours ,
qu’ils auront dégroffis , & qu’ils ne s’agira que
d’étamper & de perfectionner.
Il n’eft donc aucune circonftance qui puiffe engager
à tolérer ces approvifionnemens fuggérés par
le defir immodéré du gain; defir qui l’emporte dans
la plus grande partie de ces artifans fur celui de
pratiquer d’une manière qui foit avantageufe au
public, bien loin de lui être onéreufe & préjudiciable.
Quoi qu’il en foit , le fer étant forgé ou préparé,
le maréchal, muni de fon tablier, ordonnera
au palefrenier ou à un aide, de lever un des
pieds de l ’animal.
Ceux de devant feront tenus Amplement avec
les deux mains ; à l’égard de ceux, de derrière, le
canon & le boulet appuieront 8c repoferont fur la
cuiffe du palefrenier, qui paffera, pour mieux s’en
affurer, fon bras gauche, s’il s’agit du pied gauche
, & fon bras droit, s’il s’agit du pied droit,
fur le jaret du cheval., i
Il eft une multitude de chevaux qui ne fuppor-
tent que très-impatiemment l’aCtion du maréchal
ferrant, & qui fe défendent violemment lorfqu’on
entreprend de leur lever les pieds. Ce vice provient
dans les uns & dans les autres, du peu de foin
que l’on a eu dans le temps qu’ils n’étoient que
poulains, de les habituer à donner & à préfenter
cette partie fur laquelle on,devoit frapper, 8c que
l’on devoit alors lever très-fouvent en les flattant.
Il peut encore reconnoître pour caufe la brutalité
des maréchaux & des palefreniers, qui bien loin
de careffer l’animal & d’en agir avec douceur, le
maltraitent & le châtient au moindre mouvement
qu’il fait ; & il eft quelquefois oecafionné par la
. contrainte dans laquelle ils le mettent 8c dans laquelle
ils le tiennent pendant un intervalle trop
long.
Quelle qu’en puifle être la fource, on doit placer
ce vice au rang des défauts lès plus effentiels ., foit
à raifon de l’embarras dans lequel il jette inévitablement,
lorfque le cheval fe déferre dans une route •
foit par rapport aux conféquences funeftes des
efforts qu’il peut faire, lorfque pour pratiquer cette
opération on eft obligé de le placer dans le travail
ou d’avoir recours à la plate-longe : foit par le
danger continuel auquel font expofés les marc-
chaux 8c leurs aides quand il eft queftion de le
ferrer.
On ne doit prendre les voies de la rigueur
qu’après avoir vainement épuifé toutes les autres.
Si celles-ci ne produifent point relativement à de
certains chevaux tout l’effet qu’on s’en promettoit
on eft toujours à temps d?en revenir aux premières
, 8c du moins n'eft-on pas dans le cas de fe
reprocher d’avoir donné lieu à la répugnance de
l’animal, ou d’avoir contribué à le confirmer dans
toutes les défenfes auxquelles il a recours pour fe
fouftraire à la main du maréchal.
J’avoue que la longue habitude de ces mêmes
défenfes préfente des obftacles très - difficiles à
furmonter; mais enfin la patience ne nuit point,
& ne fauroit augmenter un vice contre lequel les
reflources que l’on efpère de trouver dans les châ-
timens font toujours impuiffantes. Souvent elle a
ramené à la tranquillité des chevaux que les coups
auroient précipités dans les plus grands défordres.
On ne court donc aucun rifque de recommander
aux palefreniers de tâcher d’adoucir la fougue de
l’animal, & de l’accoutumer infenfiblement à fe
prêter à cette opération. Ils lui manieront pour
cet effet les jambes en le careflant, en lui parlant,
& en lui donnant du pain ; ils ne lui diftribueront
jamais le fon, l’avoine , le fourrage en un mot,
que cette diftribution ne foit précédée 8c fuivie de
cette attention de leur parti.
Si le cheval ne fe révolte point, ils tenteront,
en en ufant toujours de même , de lui foulever
peu-à-peu les pieds, & de leur faire d’abord feulement
perdre terre. Ils obferveront de débuter
par l’un d’eux ; ils en viendront feulement par
gradation aux trois autres,, 8c enfin ils conduiront
d’une manière infenfibje ces mêmes pieds au degré
d’élévation néceffaire, pour être à la portée delà
main de l’ouvrier. ,
A mefure que le* palefrenier vraincra la réii.-
tance de l ’animal, il frappera légèrement fur le
pied ; les coups qu’il donnera feront fucceffivement
plus forts ; & cette conduite pourra peut-être dans
la fuite corriger un défaut dans lequel le cheval
eût perfévéré, s’il eût été pris autrement ; & |111
l’auroit même rendu inacceflible , fi l’on eut eu
recours à la force & à la violence. .
Il, en. eft qui fe laiffent tranquillement, ferrer a
l’écurie , pourvu qu’on ne les mette point hors de
leurs places : les attentions que je viens de prel_
crire , opèrent fotivçnt cet effet. D ’autres exi-
' gent Amplement un torchené ou les morailles. Les
uns ne remuent point, lorfqu’ils font montes ; w
plate-longe, le travail foumet les autres. Mais
ces dernières précautions effarouchent l’animal, 1
à craindre qu’elles ne lui foient nujfibles, fur-
tout s’il eft contraint 8c mainte,nu de façon que
les efforts qu’il peut faire pour fe dégager, puiffent
«’étendre 8c répondre à des parties eflentielles. .
Le parti de le renverfer eft encore le moins sûr
à tous égards , outre que la fituation de l’animal
couché n’eft point favorable au maréchal qui tra-
vaille» & qu’il n’eft pas poffible dans cet état de
n’omettre aucun des points que l’on doit confidérer
pour la perfection de cette opération.
Celui que quelques maréchaux prennent d’étourdir
le cheval en le faifant troter fur des cercles ,
après lui avoir mis des lunettes, & en choififfant
pour cet effet un terrain difficile , eft le dernier
auquel on doive s’arrêter. La chute provoquée du
cheval fur un pareil terrain, peut être dangereufe :
d’ailleurs , un étourdiffement ainfi oecafionné, excite
toujours le dèfordre 8c le trouble dans l’économie
animale, 8c peut fufeiter beaucoup de maux ;
tels que les vives douleurs dans la tête, le vertige
, &c. On ne doit par conféquent mettre en
pratique ces deux dernières voies, que dans l’im-
poffibiiité de rèuffir au moyen de celles dont nous
avons parlé.
Il en eft une autre qui paroît d’abord fingulière :
c’eft d’abandoriner totalement le cheval , de lui
ôter jufqu’à fon lico l, ou de ne le tenir que par
le bout de longe de ce même licou,; fan* l’attacher
en aucune façon. Plufieurs chevaux ne fe livrent
qu’à ces conditions. Ceux-ci ont été gênés & contraints
autrement dans les premiers temps où ils
ont été ferrés , & la contrainte ôc la gêne font
l’unique objet de leur crainte & de leur appréhen-
fion. J’en ai vu de cette efpèce, qu’un maréchal
tentoit inutilement de réduire après l’avoir renverfé,
& qui auroit peut-être été la viétime de cet ouvrier
, fi je n’avois indiqué cette route ; il la fuivit,
le cheval ceffa de fe défendre, & préfentoit lui-
même fes pieds.
Suppofons donc que l’aide ou le palefrenier foit
ï i i du pied de l’animal, le maréchal ôtera d’abord
le vieux fer. Pour y parvenir , il appuiera un
coin du tranchant du» rogne-pied, fur les uns &
les autres des rivets, & frappera avec fon bro-
choir fur ce même rogne-pied, à l’effet de détacher
les rivets.
Ces rivets détachés, il prendra avec fes triquoifes
le fer par l’une des éponges, & le foulevera ; dès-
lors ,il entraînera les lames brochées ; & en donnant
avec fes mêmes triquoifes un coup fur le fer
pour le rabattre fur l’ongle, les clous fe trouveront
dans une fituation telle qu’il pourra les pincer par
leurs têtes, 8c les arracher entièrement.
D’une, éponge il paffera à l’autre , & des deux
éponges à la pince ; & c’eft ainfi qu’il déferrera
l’animal.
Il eft bon d’examiner les lames que l’on retire ;
une portion de clou reliée dans le pied du cheval,
forme ce que nous appelions ,une retraite. Le plus
grand inconvénient qui puiffe en arriver, n’eft. pas
de gâter & d’ébrecher le boutoir du maréchal ; mais
fi malheureufement la nouvelle lame que l’on brochera,
chaffe & détermine cette retraite contre le
vif ou dans le v if, l’animal boitera, le pied fera ferré,
ou il en réfultera une plaie compliquée.
Le fer étant enlevé, il s’agira de nettoyer le pied
de toutes les ordures qui peuvent fouftraire la foie ,
la fourchete 8c les mammelles , ou le bras des quartiers
aux yeux de l’opérateur. C’eft ce qu’il fera en
partie avec fon brochoir, & en partie avec fon
rogne-pied. Il s’armera enfuite de fon boutoir pour
couper l’ongle , & pour parer le pied.
Il doit tenir cet inftrument très-ferme dans fa
main droite, en en appuyant le manche contre lu i,
8c en maintenant continuellement cet appui, qui
lui donne la force de faire à l’ongle tous les re-
tranchemens qu’il juge convenables : car ce n’eft
qu’en pouffant avec le corps , quil pourra les opérer
8c affurer fes coups ; autrement il ne pourroit
l’emporter fur la dureté de l’ongle, 8c il rifqueroit;
s’il agiffoit avec la main feule, de donner le coup à
l’aide ou au cheval, 8c d’eftropier ou de bleffer l’un
ou l’autre.
Il importe suffi , pour prévenir ces accidens
cruels, de tenir toujours les pieds de ranimai dans
un certain degré d’humidité : ce degré d’humidité
s’oppofera d’ailleurs au defféchement, fource de
mille maux, 8c on pourra les humecter davantage
quelques jours avant la ferrure. Dès' que la corne
fera ramollie, la parure en coûtera moins au maréchal.
La plupart - d’entre eux, pour hâter la befogne,
pour latisfaire leur avidité , 8c pour s’épargner une
peine qu’ils redoutent, appliquent le fer rouge fur
l’ongle , 8c continuent par ce moyen la partie qu’ils
devroient fupprimer uniquement avec le boutoir.
Rien n’eft plus dangereux que cette façon de pratiquer
; elle tend à l’altération entière du fabot, 8c
doit lui être abfolument interdite.
J’ai été témoin oculaire d’évènemens encore plus
finiftres , caufés par l’application du fer brûlant fur
la foie. La chaleur racornit cette partie, 8c fufeite
une longue claudication,. 8c fouvent les chevaux
meurent après une pareille épreuve. Ce fait attelle
par quelques-uns de nos écrivains 8c par tin auteur
moderne , auroit au moins dû, être accompagné
de leur part de quelques détails fur la manière de
remédier à cet- accident; leur filence ne fauve point
le maréchal de l’embarras dans lequel il eft plongé,
lorfqu’il a le malheur de fe trouver dans ce cas af-.
fligeantpour le propriétaire du cheval , 8c humiliant
pour lui. J’aiétè confultè dans une femblable;
occafion.
Le feu avoit voûté la- foie , de manière qu’ex-
térieurement 8c principalement dans fon milieu,,
elle paroiffoit entièrement concave : fa convexité
preffoit donc intérieurement toutes les parties qu’elle
recouvre, 8c la douleur que reffentoi: l’animal étoit
fi vive , qu’elle étoit fuivie de la fièvre 8c d’un
; battement de flanc, confidérable. Si le maréchal«