
les outils des meuuifiers , & feront trouvés après
des fiècles, plus forts qu’i-ls n’éroient quand ils y
furent mis.
Dès que le pifé eft parvenu à la hauteur ordonnée,
il faut le couvrir ; & jufqu’à ce que la
toiture foit complette, il faut avoir toujours fous
la main un bon nombre de planches, pour défendre
l’ouvrage dans le temps des groffes pluies.
Les principales pièces du toit doivent être po-
fées avec le même foin que les poutres y & les
chevrons doivent l’être fur plate-forme alfife en
bain de mortier.
Quand l’ouvrage eft couvert, on bouche avec
foin les trous des lançonniers ; mais il ne faut
point fe preffer d’enduire les murailles : nous en
dirons les raifons en fon lieu. Paflons aux baies
à ouvrir.
Nous avons dit ci-devant que le plus expédient
étoit de laiffer à ouvrir, après coup , les portes
ordinaires & les fenêtres. Mais comme le pifé ne
fauroit faire de bons jambages ni de bons linteaux,
encore moins de bons chambranles, il faut de toute
néceffité ouvrir les baies allez larges pour y loger
les jambages, feuils, appuis, linteaux, décharges
qui doivent les terminer.
Rien n’équivaut pour toutes ces parties à la
pierre de taille : on la pofe dans la baie ouverte,
en maçonnant deffous & par derrière jufqu’à ce que
tout vide fuperflu foit rempli. On fait enforte que
la maçonnerie montante d’un & d’autre côté ,
porte la décharge des bois qui doit défendre le
linteau de pierre de l’effet de la charge fupérieure.
Mais fi l’on -ne peut fe procurer de la pierre
de taille ou de la brique propre à être râgréée,
il faut recourir au bois de charpente.
C ’eft une fâcheufe extrémité, s’il doit refter en
vue ; quelque foin qu’on mette à le couvrir de
couleur à l’huile ou d’autre enduit -propre à le
défendre de la pourriture, on ne l’empêchera pas
de fe tourmenter & d’abandonner le-pifé. Jamais
telle façade ne fera bien propre ni bien clofe.
Mais fi l’on peut recouvrir les bois de bon plâtre,
l’inconvénient difparoît en partie ; on peut afpirer
dès-lors à la décoration la plus recherchée & paf-
fablement durable. Avant que d’en venir au crépi,
il faut que nos murs aient exhalé toute leur humidité
originelle ; on peut la regarder comme
l ’eau de carrière de certaines pierres ; en e ffet,
quand la gelée les furprend dans ce premier état,
toute la partie de leur épaiffeur qu’elle pénètre
tombe en pouflière après le^dégel. Mais ce n’eft
pas là la plus forte raifon du retardement prefcrit
par rapport au crépi des murs en pifé.
Nous avons dit que tout pifé perdoit dès fes
premières dimenfions en tout fens , en perdant ce
qu’il refte d’humidité à la terre quand le pifon y
a paffé. O r , l’enduit qui feroit fec avant que cet
effet fût entièrement fini, & qui dès-lors ne feroit
plus capable de fe retirer fur foi-même, comme
le mur, fe détacheroit infenfiblement & tomberoit
en pure perte.
Pour que l’enduit s’attache plus sûrement aux
murailles, on les pique affez dru avec la pointe
d’un marteau, de manière que chaque empreinte
de cet inftrument produife un creux difpofé à
foutenir l’enduit contre fa propre pefanteur &
même à l’accrocher en lui fourniffant une forte de
petit moule où il peut mouler les crochets, qui,
devenus durs, feront autant de liens qu’il faudra
brifer pour le détacher. Il faut au moins une dixaine
de coups de pointe dans un pied carré de fuper-
ficie.
L’enduit de chaux & fable eft le plus ufité •
peut-être n’y a-t-il de bon que celui-là, & celui
de chaux & ciment ; peut-être auffi le plâtre le
vaudroit-il ; peut-être même leur feroit-il préférable
; je ne peux appuyer mes raifonnemens d’aucune
expérience ; & pour réfoudre de telles questions
, l’expérience vaut mieux que tous les rai-
fonnemens poflibles.
Quant à l’enduit de chaux & fable, le meilleur
moyen de le rendre durable eft d’éteindre de la
bonne chaux bien triée dans une foffe, creufée
en un lieu expofé aux pluies fans l’être aux eaux
coulantes, tant fur terre que deffous; de la couvrir,
dès qu’elle-aura pris quelque confiftance, de
dix-huit à vingt pouces de fable, & de la laiffer
là trois mois au moins ; de ne la corroyer avec le
fable qu’au moment qu’on devra l’employer, &
de mouiller le moins poflible en la Corroyant. 11
faut avoir de plus de bon fable, exempt de toute
terre, & bien lavé.
Il s’agiroit préfentement de faire connoître, par
leurs caraélères diftin&ifs & conftans, les terres
propres au pifé, la bonne, la meilleure & l’excellente
; mais cet article a fes difficultés.
Je n’ignore pas que nos maçons - pifeurs nomment
terre franche ou forte, celle qu’ils emploient
comme excellente, & que Cette terre a beaucoup
d’analogie avec celle que le laboureur nomme des
mêmes noms, fi je m’en rapporte à la nouvelle
Maifon ruftique ; que fans être argileufe, elle eft
fubftantielle & onéfiieufe ; qu’en la maniant, on
lui donne aifément diverfes formes qu’elle garde;
qu’elle eft d'un jaune clair : jufques-là je n’ai rien
à ajouter, fi ce n’eft que ce jaune tire un peu fur
le gris , & qu’elle n’a cette couleur que quand
elle eft féchée, foit en oeuvre, foit dans la placé
que la nature lui a donnée, en lui fourniffant les
moyens d’y fécher : car hors delà ' elle eft de
couleur d’ocre de rue ; de plus , elle ne tient point
aux doigts à l’égal de la pâte, comme on le dit de
la terré forte du laboureur, a moins qu’on ne l’ait
corroyée en mortier , ce qui rend tenace de la
forte prefque toute terre ; mais elle a encore de
commun avec cette même terre, d’être peu péné-
trable aux influences de l’air ; car j’en connois des
maffes expofées à l’air & à fes influences, tant
bonnes que mauvaifes, depuis bien des fiècles}
& de plufieurs toifes de hauteur; coupées pref-
qu’à-plomb , affrétant l’extérieur des rochers ef-
carpés par des fentes de haut en bas , parallèles
entre elles par des lits d’épaiffeur , égales dans
toute leur étendue apparente, & par les caractères
& les formes des maffes partielles qui confervent
ces caraâères & ces formes , comme le feraient
de véritables rochers , ou peu s’en fau t, 8c qui
ne nourriffent aucun végétal, pas même la moufle;
qu’aucune racine d’arbre ne fauroit pénétrer, que
les plus longues & les plus fortes pluies ne mouillent
que de quelques lignes de profondeur, &
qui ont bientôt exhalé cette humidité accidentelle.
Il eft vrai que des maffes qui fe font détachées
de cette efpèce de rocher, par les effets de la gelée
& de l’eau réfervée dans leurs fentes, 8c qui fe
font brifées en tombant, ont d’elles-mêmes perdu,
avec le temps , cette inaptitude apparente à la
nourriture des végétaux , & font même devenues
, par la culture , de bonnes terres pour la
vigne principalement.
Je dirai encore qu’on trouve communément l’excellente
terre à pifer fous un lit épais de trois
pieds ou plus de terre fertile & meuble, ordinairement
douce, & qui ne diffère, quant à la couleur
, que par quelques nuances de moins quand
elles font humides l’une & l’autre au même point,
& quelques nuances de plus quand elles font également
dégouttées ou defféchées.
Je dirai que la terre grade, à plus forte raifon
1 argile, à plus forte raifon encore la glaife, ne valent
rien en pifé , qu’elles fe laiffent pénétrer par les
pluies, & qu’elles coulent 8c ruiffèlent avec elles,
après avoir laiffé tomber les meilleurs crépis; que
la terre à pifer eft d’autant plus excellente, qu’elle
tient moins de ces dernières, fans approcher des
terres légères & meubles naturellement; que j’en
ai vu d’excellentes , de couleur noire d’ardoife ,
étant humides, & d’un gris clair , étant sèches;
fluil peut y en avoir de toutes couleurs; mais je
n aurai point enfeigné à connoître la vraie terre
a, pifer : a u ffi crois - je fermement que dans ce
choix, on ne fe doit fier qu’à l’expérience; heu-
teufement elle eft facile à faire, & l’on peut em-
P oyer des moyens bien différens pour arriver au
meme but.
Voici celui que je préférerois ; je ferois pifer de
a terre à éprouver dans un moule quelconque,
acue a dépouiller néanmoins, comme dans un de
ces féaux ordinaires, qui font plus larges à l’entrée
quau fond; je laifferois fécher à couvert cette
malle, & je l’expoferois enfuite à toutes les in-
'ur,es. temps, fuivant de près les dégradations
r j.e f.ePr°uveroit • pour peu qu’elles fuffent con-
r* râbles à proportion du temps ; je rejetterois
ette terre avec jufte raifon : car il eft d’expérience
toM11 k°n P^é fe défend plufieurs années, étant
- e,iyient a découvert ; qu’il ne céderoit pas fitôt,
an"\ :Pr.0UV{?iî des gelées fortes dans les temps 4 u eit humide intérieurement.
Quant à la manière de préparer la terre pour
la fournir au pi/eur, c’eft i°. de la laiffer dans fon
humidité naturelle ; il eft bon de couvrir la foffe
pour empêcher l’évaporation de cette humeur pré-
cieufe , & de fermer tout accès au hâle ; 20. de
la divifer avec la pioche , la pelle & le rateau ,
autant qu’il eft poffible, à l’effet que le pifeur ne
trouve pas de groffes mottes fur fon pifon.
Si la terre manque d’humidité, on la peut ar-
rofer avec un arrofoir à grille-& la bien mêler.
Si elle s’attache au pifon, elle eft trop chargée
d’eau : on doit en ce cas la mêler avec fuffifante
quantité de femblable terre plus fèche.
Si quelque grande pluie a mouillé toute la terre
qu’on pouvoit employer, il vaut mieux fufpendre
l’ouvrage que de le continuer avec de la terre trop
molle.
On peut faire la foffe de manière qu’il y ait
toujours quelque endroit fec , fi les autres font
trop mouillés.
Il eft des terres à pifer de la plus excellente
qualité, qui néanmoins font fort graveleufes ; il
fuftit d’en ôter les plus gros cailloux ; l’abondance
du gravier eft plutôt un furcroît de bonne terre,
qu’un défaut ; mais elle diminue la force d’une
terre médiocre.
Si l’on a peu de bonne terre, & qu’onr puiffe
y fuppléer par de la terre médiocre , il vaut mieux
ne les poirit mêler que de n’en faire qu’une qualité
un peu meilleure que la médiocre. Mais il faut
employer la bonne pure dans les cours inférieurs
des banchées , & tâcher de la diftribuer également
dans tout le bas du pourtour de l’édifice, par la
raifon que non-feulement la charge s’y fait plus
violemment fentir , mais encore parce que les
eaux pluviales y atteignent plus abondamment que
dans les parties élevées, ( Mémoire de M. Goïffon 9
des académies de Lyon & de Met?, extrait du Jour-
nal de Phyfique, tome 1 , 1777. ) -
On voit des maifons conftruites en terre pifée,
qui fubfiftent, en bon état, depuis plus d’un fiècle.
Mais quoique cette méthode doive néceffairement
opérer la plus grande économie & promptitude
dans le travail ; cependant on ne peut efpérer d’en
introduire l ’ufage que dans les endroits où l’on
manque de pierre, & où il eft impoflible de fe
procurer de la brique.
Au furplus, ce n’eft pas d’aujourd’hui qu’on a
propofé des moyens de diminuer la grande dé-
penfe de la conftruéfion ordinaire des bâtimens.
On fait que vers la fin du fiècle dernier, on entreprit
de faire à Paris & dans fes environs, des
maifons moulées, & de conftruire une maifon ab-
folument neuve avec les matériaux de celle que
l’on étoit obligé de démolir.
Pour y parvenir, il ne s’agiffoit que de retailler
toutes les anciennes pierres, pour les employer
à la conftruéfion des fondations & des encoignures
du nouveau bâtiment; & enfuite d’exécuter tous
fes murs de face & de^refend, en employant les