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l’efpace du poliffoir, qui eft imbu de potée , pour
voir s’il n’y a point de grain ou de faleté qui puiffe
gâter le bon verre & le rayer; ce qu’on lent aifé-
ment à la main outre le criffement qu’on entend :
on le faura, s’il s’en trouve, l’endroit étant facile
à remarquer en y paffant le verre.
Le poliffoir étant affuré de la forte, on y mettra
le bon verre pour le polir, "le pouffant & le retirant
de même fortement & vivement, & condui-
fant droitement la molette d’un bord à l’autre de
la forme ; mais obfervant à chaque tour & retour
de tourner un peu la molette entre les doigts fur
fon propre axe, pour que fa pefanteur, qui ne peut
être ici que très-utile, quand elle feroit double ou
triple évidée de la main , lui faffe toujours toucher
la fuperficie de la formé.
On remettra aufli de temps en temps de la potée
fur le poliffoir, l’éprouvant à chaque fois comme
on a fait la première, pour garantir le bon verre
des accidens qui pourroient le gâter; & l’on continuera
ce travail jufqu’à ce que le verre foit parfaitement
poli.
Voici une table de verres de dijférens foyers, par
laquelle on reconnoîtra en quelle proportion un
verre convexe grofîit les objets, & au contraire
combien un verre concave les diminué.
On pourra même calculer fur cette elpèce d’échelle,
de combien d’autrés verres , à proportion
d’un foyer plus long ou plus court, grofliront ou
d minueront.
Un objet de 6 lignes de diamètre, vu avec un
verre de 12 pouces de foyer, paroît avoir 12 lignes
de diamètre.
pouces. lignes.
Un verre de 1 1 ............... 12 i
1 0 ............« ..........13
7 14 i
ü l ........... jÊ Êm
5 ...................S s g 1 4 .....«................ 16
3 m i ..........m
2. ....... 18
1 ....... ........24
Manière de centrer un verre•
Centrer un verre, c’eft faire enforte que la plus
grande épaiffeur de ce verre fe trouve au centre
de la figure, quand le verre fera travaillé.
Pour cet effet, on commencera à former le verre
fuivant la figure qu’on veut lui donner ; diminuant
peu-à-peu une partie, fuivant qu’on juge qu’elle eft
plus épaiffe qu’une autre.
Lorlqu’un côté du verre fera entièrement achevé
&, poli, on le démaftiquera & on l’examinera pour
connoître l’endroit le plus épais, fi le verre ne l’eft
pas également par-tout.
O« connoltra cet endroit, en y traçant d ’abord
un diamètre , dans lequel une ligne claire ou noire
ne paroiffe point multipliée ; ce qui fe peut toujours
trouver.
Si, dans tous les diamètres, cette ligne ne paroît
point doublée, ®n eft affuré que le verre eft bien
centré, & qu’on peut le travailler, également de
l’autre côté, pour lui ddnner fon entière perfeftion,
Cette méthode de M. de la Hire, eft fondée fur
un phénomène affez fréquemment obfervé ; c’eft
que des glaces multiplient les objets d'autant plus
que leurs furfaces antérieures & poftérieures font;
moins parallèles , & d’autant moins que les épaif.
feurs correfpondantes en font plus égales en tout
fens; ce qui donne une manière sûre de reçoit-
noître la moindre inégalité dans l’épaiffeur, &
de déterminer en quel fens & de quel côté elle
y eft.
Pour cet effet, il ne s’agit que d’expofer au verre
un objet linéaire, fi ,on peut s’exprimer ainfi, c’eft-
à-dire, long & menu : cet objet linéaire fera re*
préfenté dans le verre taillé, & fa repréfentation
en pourra être le diamètre, fi ce diamètre ne paroît
point multiplié fur le verre ; & fi en tournant
le.verre, tous les autres diamètres ne fe multiplient
point, le verre fera bien centré.
M. Caffini, dans les Mémoires de VAcadémie des
Sciences de 1710, fait voir la néceflité de bien centrer
les verres des lunettes ; l’inconvénient qui ré*
fulteroit d’fin verre de lunette mal centré, eft facile
à démontrer.
Quand l’objeâif & l’oculaire d’un télefcope font
bien centrés , c’eft - à - dire , quand l’axe de ces
deux verres & leurs foyers font dans la même
ligne, l’oeil placé dans l’axe de la lunette, verra
les objets dans cet axe : il en fera tout autrement
fi l’un des deux verres eft mal centré, car alors
l’image ne fera plus vue dans l’axe ; de forte que
la diftance apparente entre deux aftres , obfervée
avec deux lunettes, dont l’une a fon objectif bien
centré, & > l’autre a fon objeélif mal centré, ne
fera pas leur diftance véritable.
Il y a encore quelques autres moyens de centrer
les verres : fi l’on expofe au foleil un objeftif
convexe des deux côtés, & qu’on faffe -réfléchir
l ’image du foleil fur les objets voifins , on voit
deux images : la plus vive doit être au centre de
celle qui eft la plus grande & la plus pâle : fi elles
ne font pas exactement concentriques , c’eft une
preuve que le verre eft mal centré : on peut alors
prendre un cercle de carton qui foit ouvert cir-
culairement, & le promener fur l’objeétif jufqu’à
ce que l’ouverture tombe fur une partie de verre
qui foit centrée, & l’on fe fervira feulement de
cette partie de l’objeétif : le foyer de réflexion de
la furface concave ayant le même axe que le foyer
de réflexion de la furface convexe, on eft sûr que
le verre eft bien centré.
Si l’on place un objeétif à l’extrémité d’un tube
bien rond, & qu’on faffe faire au tube un demitour
fur fon axe en regardant un objet terreftre
l’objet ne doit pas changer de place ; il paroïtra
toujours au même point des fils de réticule , fi
l’obje&if eft centré ; s’il ne l’eft pas, on le fcellera
avec de la cire molle au bout d’un tube plus étroit
que le verre, de manière qu’iL puiffe changer de
place; on fera tourner le tube en donnant mccef-
fivement différentes fituations au verre fur lé tube,
& l’oa verra celle qui eft néceffaire pour que la
portion du verre qui répond à l’ouverture du tube
faffe un objeâif bien centré : ce fera la partie du
verre dont il faudra fe fervir.
La parallaxe optique, dont M. Bouguer a beaucoup
parlé dans ion livre de la Figure de la T erre,
lui fourniffoit un troifième moyen de centrer fa
lunette. On pointe fur un objet fort éclatant ; &
ayant fixé la lunette dans une fituation invariable ,
on enfonce l’oculaire autant qu’il eft poflible, fans
ceffer d’appercevoir l’objet; on le retire enfuite,
autant qu’on le peut, toujours fans que la lunette
varie. S i, dans ce mouvement de l’oculaire, l’objet
que l’on regarde paroît toujours fur le milieu des
fils, & que la parallaxe optique fe faffe autant
d’un cçté que de l’autre, on eft affuré que le verre
eft bien centré; car les deux images que l’on voit
dans ces deux fituations, étant néceffairement fur
l’axe optique principal , ne peuvent être toutes
deux fur le milieu de la lunette, à moins que l’axe
optique ne concoure avec le rayon moyen ou avec
l’axe du cône de lumière que donne la lunette.
( Article donné par M. d e la L a n d e , dans Vancienne
Encyclopédie. )
Lunette d'approche. .
Cet utile & admirable inftrument d’optique qui
rapproche la vue des corps éloignés, n’a point été
connu des anciens , & ne l’a même été des modernes
, fous le nom de lunette de Hollande ou de
Galilée, qu’au commencement du dernier fiècle.
Le fils d’un ouvrier d’Alcmaer, nommé Jacques
Métius ; ou plutôt Jakob Metzu, qui faifoit dans
cette ville de la Nord - Hollande, des lunettes à
porter .fur le nez , tenoit d’une main un verre
convexe , comme font ceux dont fe fervent les
presbytes ou vieillards; & de l’autre main un verre
concave, qui fert pour ceux qui ont la vue courte.
Le jeune homme ayant mis par amufement ou par
hafard, le verre concave proche de fon oeil, &
ayant un peu éloigné le convexe qu’il tenoit au
devant de l’autre main , il s’apperçut qu’il voyait y
au travers , quelques objets éloignés beaucoup plus
grands & plus diftinâ 2 ment , qu’il ne les voyoit
auparavant à la vue fimple. Ce nouveau phénomène
le frappa; il lé fit voir, à foh père,.qui fur
la champ affembla ces mêmes verres & d’autres
lem b labiés , dans des tubes d*e'quatre ou cinq
pouces de long; & voilà la première découverte
des lunettes d'approche.
Elle fediyulguapromptemént dans toute l’Europe,
& elle fut faite, félon toute apparence, en 1609 ;
car Galilée, publiant en 1610 fes obfervations aftro-
nomiques avec les lunettes d’approche, reconnoît,
dans fon Nuncius fydereus , qu’il y avoitneuf mois
qu’il étoit inftruit de cette découverte.
Une chofe affez étonnante , c’eft comment ce
célèbre aftronome, avec une lunette qu’il avoit
faite lui-même fur le modèle de celles de Hollande,
mais très-longue, put reconnoître le mouvement
des fatellites de Jupiter.
. La lunette d'approche de Galilée avoit environ
cinq pieds de longueur; o r , plus ces fortes de
lunettes font longues , plus l’efpace qu’elles font
appercevoir eft petit.
Quoi qu’il en foit, Kepler mit tant d’application
à fonder la caufe des prodiges que les lunettes
d’approche découvroient aux y eu x , que malgré
fes travaux aux tables Rudolphiques, il trouva le
temps de compofer fon beau traité de Dioptrique ,
& de le donner en 1611 , un an après le Nuncius
fydereus de Galilée.
Defcartes parut enfuite fur les rangs, & publia
en 1637 fon ouvrage de dioptrique , dans lequel
il faut convenir qu’il a pouffé fort loin fa théorie
fur la vifion & fur la figure que doivent avoir les
lentilles des lunettes d’approche ; mais il s’eft trompé
dans les efpérances qu’il fondoit fur la conftruâion
d’ une grande lunette, avec un verre convexe pour
objeâif & un concave pour oculaire. Une lunette
de cette efpèce, ne feroit voir qu’un efpace pref-
qu’infenfible de l’objet.
Defcartes ne fongea point à l’avantage qu’il re-
tireroit de la combinaifon d’un verre convexe pour
oculaire : cependant, fans cela, ni les grandes lunettes
, ni les petites , n’auroient été d’aucun ufage
pour faire des découvertes dans le ciel & pour
i’obfervation des angles. Kepler l’avoit dit en parlant
de la combinaifon des verres lenticulaires
duobus convexis, majora & diflinila prczjlare vifibilia,
fed everfo fitu. ‘
Mais Defcartes, tout occupé de fes propres idées ,'
fongeoit rarement à lire les ouvrages des autres.
Ç ’eit donc à l’année 1611, qui eft la date de la
Dioptrique de Kepler, qu’on doit fixer l’époque de
la lunette à deux verres convexes.
L ’ouvrage du P. Reita , capucin allemand, où
l’on traite de cette efpèce de lunette , n’a paru
que long-temps après. Il eft pourtant vrai que ce
père, après avoir parlé de la lunette à deux verres
! convexes, a imaginé de mettre au devant de cette
lunette une fécondé petite lunette, compofèe pa-
reillement de deux verres convexes ; cette,fécondé
lunette renverfe le renverfement de la première ,
& fait paroître les objets dans leur pofition naturelle
, ce qui eft fort commode en plufieurs occa-
I fions ; mais cette invention eft’ d’une très-petite
utilité pour les aftres, en comparaifon de la clarté
| & de la diftin&ion qui font bien plus grandes avec
deux feuls verres qu’avec quatre, à caufe de l’é-
* paiffeur des quatre verres & des huit fuperfities ,