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De la plantation des bâtimens'.
L'emplacement deftiné à exécuter l’édifice étant
diftribué par-tout en caves, à l’exception d’une principale
cour, il faut une excavation prefque générale,
un peu plus grande pourl’aifance de la bâtiffe,
d’environ onze pieds de profondeur, qui eft celle
qu’elles doivent avoir, en y joignant l’épaiffeur des
voûtes recouvertes de terre & de pavés ou carreaux.
Avant que de tracer fur le terrain, il faut un
plan fur lequel foien't marquées , tint-en largeur
qu’en profondeur, toutes les dinieniions générales
& particulières , ce qu’on entend par plan coté,
afin d éviter d’avoir toujours le compas à la main,
& de faire des erreurs.
Ce plan en petit repréfente le même en grand dans
toutes fes proportions , & fert à diriger dans la conf-
truâîon. On l’accompagne, vers le bas, d’une m efure
appelée échelle , diftribuée par toifes, pieds & pouces
, aufti en égales proportions, fur laquelle on
rapporte les dimenfions, pour en connoître la jufte
valeur.'
Ges plans fe renouvellent à chaque étage, lorfque
les dimenfions changent.
On fait a 11 {fi des coupes, pour diriger les hauteurs;
des élévations, pour diriger les détails de
décoration extérieure, & d'autres deflîns, fuivant
les befoins. '
Pour tracer l’excavation de l’édifice, il faut ,
avant tout , prendre pour bafe l’alignement donné
par le voyer. : on fixe cet alignement fur de petits
tfnaffïfs en maçonnerie, appelés repaires, & fur ces
maffifs, on établit une ligne devant fervir d’axe
principal. Cette ligne eft oblique fur la bafe, lorfque'le
terrain eft irrégulier.
On place de ces fortes de repaires en maçonnerie,
par-tout où il en faut, lorfque l’édifice eft d’une affez
grande importance, & qu’il doit durer un certain
temps à conftruire, étant moins fujets que les autres
a être dérangés, ou perdus.
Sur la bafe principale & parallèlement à l’axe, on
marquera des lignes doubles pour l’épaiffeur des
deux murs mitoyens, en obférvant fix pouces d’é-
paifleur de plus par chaque.côté intérieurement de
celui de la cave de devant, pour porter la retombée
de la voûte ; épaiffeur qui doit être prife en totalité
fur le terrain de celui à qui appartient la cave, &
non fur celui du voifin; enfuite d’autres lignes
doubles pour l’épaiffeur des murs, qui doivent porter
les cloifons des grands efcaliers.
Parallèlement à la bafe principale , on marquera
une ligne double pour le mur mitoyen du fond,
obférvant une épaiffeur pour l'avant-corps du milieu
, & deux autres de fix pouces aux extrémités ,
pour porter la retombée des petites voûtes, enfuite
■ des lignes doubles pour les antres murs.
- Les lignes doubles pour les pans coupés, fe posent
après l’excavation faite, ne pouvant fe marquer
fur un terrain qui doit être excavé, ainfi que
celles pour les murs d’échiffre des efcaliers, parallèles
à ceux de la cage.
L’excavation étant tracée , on fouille en pente
douce, à peu près d’un pied ou deux par toife
de manière à faire defcendre les voitures jufqu’au
fond de l’excavation ; d’abord au milieu , enfuite
en deux parties de droite & de gauche, puis en
retournant d’équerre.
L’excavation ainfi préparée jufqu’à l’extrémité de
l’emplacement, on fouille la tranchée pour le mur
de clôture de la cour principale.
D ’abord, on prépare le 'fol des caves formant
une banquette, fur laquelle on jette les terres qui
proviennent du fond; on creufe la tranchée jufqu’au
bon terrain, le fol des caves fervant alors
de première banquette, & celle ci-devant pratiquée
fervant de deuxième.
On continue de fuite , faifant de nouvélles tranchées
où il en eft befoin, en fuivant la même méthode
; & lorfqu’en approchant du devant, le terrain
devient trop élevé pour pouvoir y jeter les
terres, on fait des banquettes intermédiaires.
On fouille les tranchées jufqu’ati bon terrain
pour les murs mitoyens latéraux, le fol des caves
fervant de première banquette, celles précédemment
pratiquées fervant de deuxième & de troi-
fième. On continue la fouille jufqa’au fol des
caves.
On baiffe enfin la dernière banquette; & lorf-
qu’elle devient trop baffe pour pouvoir y jeter les
terres, on conftruit un petit édiafaud de boulins
& de planches, pour fervir de banquette intermédiaire,
fur laquelle on jette les dernières terres, &
de cette manière on parvient à faire approcher les
voitures tout près des fouilles, & on évite les longs
circuits, qui deviennent très-difpsndieux.
Il eft quelquefois indifpenfable d’étayer les terres
pour les empêcher de s’ébouler, fur-tout lorfquelles
font mouvantes & fablonneufes, en appliquant def-
fus des madriers de part & d’autre, étréfilionnés
par des boulins ou pièces de charpente mifes en
travers & forcées entre eux.
L’excavation faite, on pofe les fondemens. On
remplit les tranchées d’abord avec les plus gros
moellons, ou mieux encore ; avec une première
aflife de libage bien giflante, & l’on élève la maçonnerie
entre deux cordeaux avec mortier.
Les foffes d’aifance font voûtées au niveau des
caves avec cheminées pour la defcente des matières
, & ouvertures pour les vidanges.
A quelques pouces au deffoùs du fol des caves,
on pofe lès premières affifes en pierres, des chaînes
où il en eft befoin pour porter le poids^ des
poutres & planchers, des arcs pour lier les voûtes,
qui, à caufe de leur trop grande longueur, n au-
roient pas affez de folidité ; les piédroits, dofferets
& foupiraux, qui., sf*ayant pas affez de force en
Moellons pour fe défendre des chocs auxquels ils
fontexpofés, fe détruiroient peu à peu. •
On élève enfuite les murs entre deux cordeaux ,
pofant à niefure les aflifes de pierres, & remplif-
lant les intervalles en maçonnerie , le tout bien à-
plo'mb & de niveau dans toute la furface du bâtiment.
Puis on pofe les plates - bandés des portes , &
l’on arrafe jufqu’à la retombée des voûtes.
Cela fait, on pofe les ceintres; on les garnit de
moellons en plâtre, pour leur donner la forme circulaire
, & l’on bande les arcs.
Autrefois on plaçoit des madriers étroits & forts
entre les arcs & les ceintres , allant de l’un à
l’autre fous toute la largeur développée des voûtes,
pour les conftruire ; ce qui en exigeoit une très-
grande quantité.
On a depuis quelque temps aboli cet ufage , en
les liant avec .le plâtre , qui prend à l’inftant ; &
l’on fait la même chofe avec deux ou trois madriers
, en les pofant fous les arcs après en avoir
ôté les ceintres, les forçant d’étréfillons à chaque
rang de vouffoirs, & à mefure que l’on conftruit
les'voûtes.
On chôifit pour vouffoirs, des moellons plats ,
forts & minces d’un côté, que l’on pofe fur les
madriers, faifant tendre les coupes au centre de* la
voûte, calant, fichant & rempliffant les joints de
plâtre & pierrailles.
On fait aulfi de'la même manière des voûtes
légères en briques, pofées debout ou de champ,
qui ne font folides qu’autant qu’elles font furmon-
tées, ou au moins en plein ceintre ; mais on ne
peut fe difpenfer de les maçonner en plâtre, qui a
l’inconvénient de pouffer les murs au dehors. Le
mortier n’a pas cet inconvénient; niais il en a un
plus grand , d’être fort long à lécher , & d’être
trop peu folide dans les murs & . voûtes minces.
Quelques-uns, pour enchérir fur l’économie ou
montrer du nouveau j ont imaginé de faire des
voûtes avec des briques pofées de plat, & dé les
doubler; mais cette nouveauté^ quoiqu’en ufage.
eu Provence, n’a pas eu un grand fuccès, & a
été peu applaudie par les artiftes.
Avant que de fermer entièrement les voûtes, il
faut faire attention d’élever les murs au-delà des
Miffances , & jufqu’à cinq à fix pouces au deffous
du niveau des rez- de-chauffée, pour en conferver
les a-plombs, continuant en pierres les chaînés &
foupiraux feulement.
Les voûtes une fois fermées, on les couvre de
décombres & de fable , pour boire les eaux du ciel,
jufqu’à ce que le bâtiment foit couvert : les pluies
qui tombent continuellement fur les voûtes, s’y
infinuent, les tiennent toujours humides , & les
empêchent de fécher & faire corps ; ce qui fait que
quelques - uns ne voûtent que lorfque le bâtiment
ctt entièrement couvert.
Autre inconvénient : ces caves non voûtées em-
pechent le feryice, & les plwies tombant au fond,
poiirriffent les fondemens ; de forte que le meilleur
parti eft de les charger & endurcir la furfacë de
manière à former un écoulement aux eaux, & d’élever
promptement, pour couvrir le plus tôt poffi-
, ble, ou de paver provifionnellement, fi le bâtiment
doit refter long-temps à découvert.
Comme les bâtimens fe font toujours en é té ,
où les mauvais temps font rares , on s’arrange,
autant qu’il eft poflible, po'ùr être en état de les couvrir
avant l’hiver.
Les efcaliers de cave fe montent quelquefois
après coup, mai^ mîpux avec leurs murs de cage
& d’échiffre.
Toutes les marches étant en pierre, fe fcellent
& fe garnîffent plus facilement, & les murs faits
; en même temps font plus folides.
Pour les conftruire , on divife fur une règle la
quantité des marches & leur efpace en hauteur ; &
fur une autre, la même quantité & leur efpace en
largeur, & à chaque marche que l’on pofe , on
; préfente les deux règles ; la première , pour en
fixer la hauteur; & la deuxième, pour en fixer la
; largeur. .
Ces marches fe pofent l’une fur l’autre, & fo n t.
appuyées, par leurs extrémités, d’un côté fur le
mur de cage , & de l’autre fur celui d’échiffre :
mais mieux encore & plus folidement fur une petite
voûte en maçonnerie, pratiquée deffous, formant
un caveau ; la dernière faifant marche pa-
lière, les unes & les autres délardées par deffous.
Les foupiraux, coupe, plan, élévation intérieure
& élévation extérieure, le font,toujours en pierre
à plufieurs affifes , avec ouverture par le haut ,
pour procurer de l’air aux caves , fermées fouvent
d’une grille ou barre de fer pour la sûreté.
Les puits circulaires ou ovales, qiie l’on conftruit
en même temps que les murs, fe placent au dehors
ou au dedans des bâtimens, ifolés ou pris
dans l'épaiffeur des murs de face, de refend ou
mitoyens.
On les fonde à cinq ou fix pieds au deffous de
la nappe d’eau , après en avoir épuifé l’eau , en
pofant un rouet de charpente , furmonté de maçonnerie
en moellons jufqu’au rez-de-chauffée, où
l’on élève une margelle en pierre dure.
On les élève quelquefois feulement jufqu’au fol
des caves , & alors on y pofe des pompes pour
en élever l’eau avec un balancier placé dans le
lieu le plus commode des cours ou baffes-cours.
Les murs élevés au rez-de-chauffée, on vérifie
les alignemens d’après les repaires plantés autour de
Fédifice, & on les éiève au-delà, conftruifant en
pierre les faces extérieures, quelquefois celles intérieures
, mais au moins les affifes de la retraite,
une partie des tableaux de portes ou croifées, les
piédroits & trumeaux qui feroient trop foibles en I maçonnerie ; & l’on continue ainfi jufqu’au premier
plancher, obférvant les vides de portes, de
croifées, de boutiques , de remifes, &c. dont on
bande les arcs ou plates-bandes , aufii en pierres,