
.& quand on abaiffe la pédale, od peut la glif-
fe r , par Ton mouvement latéral , fous la plus
longue.
Ce talon fait un coude, & paffe le long de la
face latérale antérieure de la pédale dont nous
parlons.
Il réfulte delà, que la pédale du rang fupérieur
ne fauroit faire fo'n mouvement en avant, fans
rencontrer ce talon & fans entraîner fa compagne
dans ce mouvement; & qu’ainfi, quand on arrête
la première ou qu’on ramène la fécondé, on arrête
ou l’on ramène les deux à la fois.
On fentira l'utilité de ce mécanifme , fi l’on fait
attention que la corde à vide fonne la note bémol;
que .quand on arrête la pédale du rang inférieur,
on rend la même note naturelle ou béquarre ; &
quand on arrête la pédalé du rang fupérieur, on
rend cette même note di'efe.
• Si donc du di'efe on veut revenir au bètrlol par
un feul mouvement , il faut qu’en ramenant la
pédale du rang inférieur , on ôte à la fois le
di'efe & le béquarre ; ce qui oblige à mettre auffi
l ’un & l’autre à la fois dans le.cas inverfê : nous
difons ■ce. qui oblige, en fuppofant. qu’on ne veuille
pas ufer de la facilité qu’on a fur cette harpe
comme fur l’ancienne , de donner à une même
corde un double emploi.
L’arrangement dont nous venons de parler,
entraîne un inconvénient : c’eft que les pédales
inférieure & fupérieure exigent des forces inégales.
C’eft pour parvenir plus facilement à modérer
ces forces autant qu’il eft poffible, que M.
Coufineau a imaginé d’ajouter uri encliquetage à
les refforts, au moyen duquel on eft maître de
leur donner plus ou moins de tenfion.
Ses refforts font renfermés dans une cage, qui
fait une partie effentielle de fon nouveau méca-
ni f ine& qu’il propofe d’appliquer aufli aux harpes
ordinaires.
Les deux pédales ne fe gênent point d’ailleurs
dans leurs .mouvemens ; leurs points d’appui font
l’iin & l’autre entre les mêmes montans ; mais
leurs fécondés branches paffent, l’une en avant,
& l’autre en arrière , pour rencontrer lés deux leviers
fur lefquels elles agiffent , & qui font dif-
pofés de part & d’autre , d’une manière fem-
blable.
La difficulté principale qu’il falloit vaincre pour
exécuter une harpe à double rang de pédales ,
venoit de l’écartement néceffaire entre le chevalet
& la corde.
Cet écartement eft d’environ une ligne & demie
pour les cordes "moyennes dans les harpes ordinaires
, lorfqu’èlles font neuves, & il devient plus
confidérable avec le temps, parce que la tenfion
des cordes agit continuellement pour incliner la
face des confoles , fur laquelle les chevalets font
appuyés. Cet écartement ne peut pas être plus
petit, parce que la cordé Py devant jamais frifer
le chevalet, il eft déterminé par l’étendue des vibrations
de cette corde en ce point.
Si on eût tenté de mettre un double rang de
chevalets fur la confole pour correfpondre au
double rang des pédales, on feroit tombé dans un
inconvénient des plus graves ; l’écartement des
chevalets du rang inférieur auroit été néceffaire-
ment double de celui dont nous venons de parler,
pour que la corde ne vint pas rrifer le chevalet
de ce rang, lorfqu’elle eut appuyé fur celui du
rang fupérieur : il eut donc Fallu, .pour appuyer
la corde fur le chevalet inférieur, l’écarter de trois
lignes au moins, en ce point, du plan des autres ;
ce qui auroit exigé plus de force , & eut gêné
fenfiblement le doigter de l’inftrument.
Ces raifons ont déterminé M. Coufineau aSupprimer
les chevalets fixes &les crochets, qui étoient
rétirés vers la confole par le jeu de la pédale.
Il y a fuppléé par deux chevalets mobiles en
forme de béquille , dont les montans le préfen-
tent dans la fituation verticale , l’un tourné vers
le haut, & l’autre vers le bas, lorfque la pédale
eft le vé e , & dont lés traverfes qui doivent appuyer
fur la corde, pàr le mouvement de la pédalé,
font à angles droits , à la fois , par rapport a la
confole, & par rapport à leurs montans, qui font
parallèles à cette confole. . .. _ s,
Quand ort abaiffe la pédale, on fait faire a
chaque béquille environ un quart de tour dans le
même fens^alors les traverfes rencontrent toutes
deux la corde, & la preffent l’une par defijïs, &
l’autre par deffous, d’avant en arrière, fans l’écarter
fenfiblement de la ligne verticale.
Cela s’opère facilement , en fixant les deux
tringles plongées perpendiculairement dans la confole
, & qui portent ces chevalets mobiles au centre
du mouvement de deux leviers , qui font conduits
dans le même fens par un même tirant qui cor-
refpond à chaque .pédale fimple.
M. Coufineau affure que la corde eft maintenue
plus ferme & vacille moins par cette méthode ,
que dans l’ufage ordinaire. Des expériences fui-
vies mettront le public à portée de prononcer là-»
deffus.
Ses propres obfervations lui ont déjà appris que
/la diftance des cordes eft affez petite , pour que
les groffes puiffent quelquefois frifer fur fes chevalets
mobiles, interpoles entre elles, lorfqu’ils
font dans leur fituation verticale : il obvie à cet
inconvénient, en y perçant dans chaque traverfe
au deffus du montant, un trou dans lequel il introduit
à force une lanière de buffle, qui déborde
un peu d’un côté & de l’autre , & qui amortit
dans ce cas les vibrations de la corde en ce
point.
Il eft utile de pouvoir déterminer à volonté
la grandeur des fémi - tons. On a imaginé pour
cela , dans la harpe ordinaire , de faire porter
chaque chevalet par une plaque percée d’un trou
oblong.
Ççttç
Cette plaque fe fixe fur la confole àu point que
J’on juge convenable , au moyen d’une vis de
jpreffion qui entre dans ce trou.
Il a fallu, dans la nouvelle harpe, fuppléer à
ce mecanifme : c’eft pour cela que les chevalets
mobiles font à vis fur la monture qui s’emboîte
dans leur tringle, & peuvent, en faifant un tour
entier à chaque fo is , être âlongés ou raccourcis
de la hauteur du pas de çette v is , qui eft fort
petit. Ils retranchent alors de la corde, quand ils
viennent à la rencontrer, une quantité plus grande
ou plus petite qu’auparavant.
Les Utilités de cette1 variation ne peuvent cependant
pas être fort étendues , parce qu’il faut
que la corde foit maintenue ferme & ne vacille
point.
Pour le fémi-ton dti béquarre au diéfe, l’on peut
;en doubler l ’effet en raccourciffant ceux du rang
fupérieur, & alongeant ceux du rang inférieur ;
mais cela fe feroit aux dépens du femi-ton du bé-
jnol au be'quarre, fi M. Coufineau n’avoit pas imaginé
de réndre mobile le fillet lui-même, pour
augmenter ou diminuer la longueur totale de la
.corde.
Pour cela, le fillet eft porté par une pièce de
cuivre qui fe meut verticalement entre deux
plans , l’un droit & l’autre en talus , au moyen
<d une vis qui l’amène, &c. qui eft arrêtée dans un
collet qui lui permet le mouvement de rotation
■ fur fon axe, mécanifme très-connu.
Le fillet a , par ce moyen , environ cinq lignes
de jeu pour les plus groffes cordes, & environ
trois pour les plus petites ; ce qui fuffit pour l’objet
en queftion.
Cet équipage de chevalets & de fillets mobiles
peut etre appliqué aufii aux harpes ordinaires, & y
donner un léger degré de perfeâion de plus ; &
l ’auteur, en préfentant fa harpe à double rang de
pédales déjà exécutée, à l’académie, en a présenté
auffi une autre très-belle à fimple rang de
pédale,s , où il a réuni les différentes correâions
.dont nous avons parlé.
Nous allons encore joindre ici l’extrait d’un Mémoire
fait fur cet objet, par M. l’abbé Rouffier,
ie. plus habile théoricien de l’Europe pour la mu-
•fique ancienne & moderne.
Extrait d'un Mémoire de M. Vabbé Rouffier, fur la
Harpe perfectionnée par le fieur Coufineau, luthier.
de la Reine. .
L’effet des pédales qu’on a ajoutées à la harpe
depuis quelques années , confifte à divifer chaque
ton par un demi-ton intermédiaire que l’auteur
de cette invention a cru pouvoir fervir indiftinc-
tement, & de dièfe à la note inférieure , & de
bémol à la fupérieure. C ’eft exadement là le fyf-
téme que préfentent nos divers inftrumens à tou-
el^s, refte des fiècles de barbarie.
Mais comme , félon les principes de la mufique,
Arts & Métiers» Tome IV. Partie /,
le dièfe oit le bémol, dans cette circonftance, ne
doivent pas rendre le même fon , puifqu’on distingue
les demi-tons qu’ils forment en majeurs &
mineurs, le fieur Coufineau s’eft propofé de perfectionner
la harpe, en y introduifant ces deux fortes
de demi-tons.
Aux pédales ordinaires, il en ajoute de nouvelles;
elles forment un fécond rang au deffus des
premières, dont il rédifié l’effet quant à l’intonation
du demi-ton. Il obtient ainfi le moyen de faire
entendre fur la harpe , un demi-ton majeur ou un
demi-ton mineur , félon l’occurence , & comme,
l’exigent les principes de la mufique.
Tout feroit dit ici relativement à cet objet, &
le fieur Coufineau n’auroit éprouvé aucune difficulté
à le remplir , fi les principes qui ont cours
en Europe depuis environ deux fiècles , touchant
l’intonation de divers intervalles muficaux, & en
particulier touchant les demi-tons, pouvoient être
mis en pratique fur les inftrumens qu’on appelle
fixes , tels que la harpe , le clavecin & tous les
infttumens à touches.
Mais il eft démontré aujourd’hui que les principes
des modernes, touchant l’intonation de plu-
fieurs intervalles , font faux, contraires à l ’expérience
& aux principes authentiques que nous ont
tranfmis les anciens.
^ Cependant, il eft bon d’obferver que les principes
des modernes, quoique faux en ce qui concerne
l’intonation, font néanmoins d’accord avec
ceux des anciens , tant à l’égard du nombre de
demi-tons contenus dans une oétave, qu’à l’égard
de leur diftinétion en diatoniques & chromatiques ,
relative à des expreffions & des genres de chant
différens : en un mot , les modernes admettent,
comme les anciens, vingt - deux demi-tons dans
l’étendue d’une oétave ; (avoir , douze diatoniques
& dix chromatiques.
Ce font ces deux fortes de demi-tons que le
fieur Coufineau introduit fur la harpe en faifant
difparoître ce feul demi-ton neutre, & par confé-
quent faux, qu’on s’étoit contenté d’y mettre entre
chaque ton. C ’eft au moyen du double rang de
pédales dont on vient de parler, qu’il obtient cet
avantage.
Voici le fyftême de fons qui réfulte de fa nouvelle
mécanique.
Les cordes à vide , c’eft-à-dire , celles qui ré-
fonnent dans toute leur longueur, préfentent l’ordre
diatonique fur les fept notes baiffées par un.
bémol; faVoir ;
V t b 9 ré b, mi b, fa b , fol b , la b , fi b.
Le premier rang de pédales raccourcit chaque
corde de la valeur d’un demi-ton chromatique,
c’eft-à-dire, comme d'ut bémol à Y ut naturel, de
ré bémol au ré naturel, &c. & fournit ainfi les fept»
notes naturelles ut, ré, mi, f a , fo l, la , fi.
Enfin, le fécond rang des pédales raccourciffant