
fur le terrain, ainaffer près de l’endroit ou l’on veut
bâtir, les matériaux nèceffaires à la conftruttion,
& ne fouiller de terre que pour ce que l’on peut
faire de maçonnerie pendant un jour ; pofer enfuite
fur le fond, le plus diligemment qu’il eft poflible,
une aflife de gros libages ou de pierres plates , lur
laquelle on en pofe une autre en liaifon , & à joint
recouvert avec de bon mortier;, fur cette derniere
on en pofe une troifième de la même manière, &
ainfi de fuite, le plus promptement que l’on peut,
afin d’empêcher les foûrces d’inonder le travail,
comme cela arrive ordinairement.
Si l’on voyoit quelquefois les premières aflifes
flotter, & paroître ne pas prendre une bonne con-
fiftance, il ne faudroit pas s’épouvanter, ni craindre
pour la folidité de la maçonnerie, mais au contraire
continuer fans s’inquiéter de ce qui arrivera ; &
quelque temps après , on s’appercevra que la maçonnerie
s’affermira comme fi elle avoit été placée
fur un terrain bien folide.
On peut enfuite élever les murs, fans craindre
jamais que les fondemens s’affairent davantage.
Il faut fur-tout faire attention de ne pas creufer
autour de la maçonnerie, de peur de donner de
l ’air à quelques fources, & d’y attirer l’eau, qui
pourroit faire beaucoup de tort aux fondemens.
Cette manière de fonder eft d’un grand ufage en
Flandre, principalement pour les fortifications.
Il fe trouve à Béthune, à Arras, & en quelques
autres endroits aux environs , un terrain tourbeux ,
qu’il eit néceffairè de connoître pour y fonder fo-
lidement. Dès que l’on creufe un peu dans ce terrain
, il en fort une quantité d’eau fi prodigieufe,
qu’il eft impoffible d’y fonder fans qu’il en coûte
beaucoup pour les épuifcmens.
Après avoir employé une infinité de moyens,
oh a enfin trouvé que le plus court & le meilleur
étoit de creufer le moins qu’il eft poflible , & de
pofer hardiment les fondations, employant les meilleurs
matériaux que l’on peut trouver.
Cette maçonnerie ainfi faite, s’affermit de plus
en plus, fans être fujette à aucun danger.
Lorfque l’on fe trouve dans de femblables terrains
que l’on ne connoît pas , il faut les fonder
un peu éloignés de l’endroit où l’on veut bâtir,
afin que fi l’on venoit à fonder trop avant & qu’il en
fortît une fource d’eau , elle ne pût incommoder
pendant les ouvrages.
Si quelquefois on emploie la maçonnerie de
pierrée, dit M. Bélidor, ce devroit être principalement
dans ce cas ; car étant d’une prompte exécution
, & toutes fes parties faifant une bonne
liaifon, fur-tout lorfqu’elle eft faite avec de la poz-
a;olane, de la cendrée de Tournay, ou de la ter-
raffe de Hollande, elle fait un maffif ou, une efpèce
de banc, qui» ayant reçu deux pieds ou deux pieds
& demi d’épaifteur, eft fi folide , que l’on peut
fonder deflijs avec confiance.
Cependant , lorfque l’on eft obHgè d’en faire
ufage, il faut donner plus d’empattehiçnt à la fondation,
afin que, comprenant plus de terrain, elle
en ait aufli plus de folidité.
On peut encore fonder d’une manière différente
de,ces dernières, & qu’on appelle par cojfr : on
l’emploie dans les terrains peu folides, & où il eft
né ce flaire de fe garantir des éboulemens & des
fources.
On commence d’abord par faire une tranchée
d’environ quatre ou cinq pieds de long , & qui ait
de largeur l’épaiffeur des murs. On applique lur le
bord des terres’, pour les foutenir , des madriers
d’environ deux pouces d’ép.aifleur, foutenus a leur
tour de diftance en diftance par des pièces de bois
en travers, qui fervent d'étrefillons.
Ces coffres étant faits, on les remplit de .bonne
maçonnerie , & oh ôte les étrefillons à mefure que
les madriers fe trouvent appuyés par la maçonnerie
; enfuite on en fait d autres femblables à côté,
dont l’abondance plus ou moins grande des fources
doit déterminer les dimenfions , pour n en être pas
incommodé.
Cependant, s’il arrivoit, comme cela fe peut,'
que les fources euffent affez de force pour pouffer
fans qu’on pût les en empecher, malgré toutes les
précautions que l’on auroit pu prendre , il faut,
félon quelques - uns, avoir recours à de la chaux
vive & fortant du four, que l’on jette promptement
deffus, avec du moellon ou libage, mêlé enluite
de mortier ; & par ce moyen on bouché la fource,
& on l’oblige de prendre un autre cours , fans quoi
on fe trouveroit inondé de toutes parts , & on ne
pourroit alors fonder fans épuifement.
Lorfque l’on a fait trois ou quatre coffres, &
que la maçonnerie des premiers eft un peu ferme,
on peut ôter les madriers qui, fervoient a la foute*
nir, pour s’en fervir ailleurs ; mais fi on ne pou*
voit les retirer fans donner jour à quelques fources,
il feroit mieux alors de les abandonner.
Lorfque l’on veut fonder dans l’eau, & qu’on
ne peut faire des épuifemens, comme dans de
grands lacs, bras de mer, &c. ; fi c’eft dans k fond
de la mer, on profite du temps que la marée eft
baffe , pour unir le terrain , planter les repaires,
& faire les alignemens nèceffaires. On doit comprendre
pour cela non-feulement le .terrain de h
grandeur du bâtiment, mais encore beaucoup au-
delà,, afin qu’il y ait autour des murailles , une
berme affez grande pour en affurer davantage je
pied ; on emplit enfuite une certaine quantité d<?
bateaux des matériaux nèceffaires, & ayant choiii
le temps le plus commode , on commence par jeter
un lit de cailloux , de pierres ou de moellons, tels
qu’ils fortent de la carrière, fur lefquels on fait
autre lit de chaux, mêlé de pozzolane , de cendre?
de Tournay, ou de terraffe de Hollande.
Il faut avoir foin de placer les plus groffes pierres
fur les bords, & leur donner un talud de deux fois
leur hauteur ; enfuite on fait un fécond lit de iuoe
Ion ou de cailloux, que l’on couvre encore de chau*
& de pozzolane comme auparavant, & alternativement
un lit de l’un & un lit de l’autre.
Par la propriété de ces différentes poudres, il fe
forme auflitôt un maflic qui rend cette maçonnerie
indiffoluble , & aufli folide qui fi elle avoit été faite
avec beaucoup de précaution; car quoique la grandeur
des eaux & les crues de la mer empêchent
qu’on ne puiffe travailler de fuite, cependant on
peut continuer par reprifes, fans que cela faffe aur
cun tort aux ouvrages.
Lorfque l’on aura élevé cette maçonnerie au
deffus des eaux , ou au rez-de-chauffée , on peut
la laiffer pendant quelques années à l’épreuve-des
inconvéniens de la mer, en la chargeant de tous lés
matériaux nèceffaires à la conftruélion de l’édifice,
afin qu’en lui donnant tout le poids qu’elle pourra
jamais-porter, elle s’affaiffe également & fuffifam-
inent par-tout.
Lorfqu’au bout d’un temps on s’apperçoit qu’il
n’eft arrivé aucun accident.confidérable à ce maflif,
j- on peut placer un grillage de charpente, & bâtir
enfuite deffus avec folidité, fans craindre de faire
une mauyâife conftruéfion.
Il feroit encore mieux, fi Tônpouvo it, de battre
des pilots autour de la maçonnerie, & de former un
! bon empâtement, qui garantiroit le pied des dégradations
qui pourroient arriver dans la fuite..
On peut encore fonder dans l’eau d’une autre
[ manière , en fe fervant de caiffons , qui ne font
■ autre chofe qu’un affemblage de charpente & ma-
I driers bien calfatés, dans l’intérieur defquels l’eau
[ ne fauroit entrer, & dont la hauteur eft proportionnée
à la profondeur de l’eau où ils doivent être
pofés, en obfervant de les faire un peu plus hauts,
'afin que les ouvriers ne.foient point incommodés .
1 des eaux.
On commence par les placer & les arranger d’a-
r lignement dans l’éndroit où l’on veut fonder; on
r les attache avec des cables qui paffent dans des
| anneaux de fer attachés deffus ; quand ils font ainfi
| préparés, on les remplit de bonne maçonnerie.
A mefure que les ouvrages avancent, leur propre
i poids les fait enfoncer jufqu’au fond de l’eau; &
r lorfque la'profondeur eft confidérable , oh aug-
j mente leur hauteur avec des haufles, à mefure
quelles approchent du fond : cette manière eft très
; en ufage, d’une grande utilité, & très-folide.-
Des fondemens fur pilotis.
Il arrive quelquefois qu’un terrain ne fe trouvant
pas affez bon pour fonder folidement, & que
; voulant creufer davantage, on le trouve au contraire
encore plus mauvais : alors il eft mieux de
creufer le moins que l’on pourra, & pofer deffus
“ n grillage de charpente, affemblé comme nous
avons vu précédemment, fur lequel on pofe quelquefois
aufli un plancher de madriers ; mais ce
P ancher ne paroiffant pas toujours néceffaire, on
e contente quelquefois d’élever la maçonnerie far
Arts & Métiers. Tome IV. Partie I.
ce grillage, obfervant d’en faire les paremens en
pierre jufqu’au rez-de-chauffée, & plus haut, fi
l’ouvrage étoit de quelque importance.
Il eft bon de faire régner autour des fondations,
fur le bord des grill:. ~es, des heurtoirs ou efpèce»
de pilots, enfoncés dans la terre au refus du mouton
, pour empêcher le pied de la -fondation de
gliffer, principalement lorsqu’il eft pofe fur un plancher
de madriers, & par - là prévenir ce qui eft
arrivé un jour à Bergue-Saint-Vinox, où le terrain
s’étant trouvé très -mauvais, une partie confidérable
du revêtement de la face d’une demi-lun.e,
s’eft détachée & a gliffé tout d’une pièce jufque
dans le milieu du foffé.
Mais, lorfqu’il s’agit de donner encore plus de
folidité au terrain, on enfonce diagonalement dans
chacun des intervalles du grillage , un ou deux pilots
de remplage ou de compreflion fur toute l’étendue
des fondations ; & fur les bords du grillage,
des pilots de cordage ou de garde près-à-prèsle
long defquels on pofe des palplanches, pour empêcher
le courant des eaux, s’il s’en trouvoit, de
dégrader la maçonnerie.
Palladio recommande expreffément, lorfque l’on
enfonce des- pilots, de les frapper à petits coups
redoublés, parce que, dit-il, en les chaffant avec
violence , ils pourroient ébranler le fond.
On achève enfuite de remplir de charbon, comme
dit Vitruve, o u , ce qui vaut encore mieux, de
cailloux ou de moellons à bain de mortier, les vides
que la tête des pilots a laiffés : on arrafe bien le
tout, -& on élève deffus les fondemens.
Pour connoître la longueur des pilots/ que Vitruve
confeille de faire en bois d’aune, d’olivier
ou de chêhe, & que Palladio .recommandé fur-tout
de faire en chêne , il faut obferver, avant que
de piloter*-, jufqu'à quelle profondeur le terrain fait
une affez grande réfiftance , & s’oppofe fortement
à la pointe d’un pilot que l’on enfonce exprès.
Ainfi,Tachant de combien il s’eft enfoncé, on
pourra déterminer la longueur des autres en les
faifant un peu plus longs, fe pouvant rencontrer
des endroits où le terrain réfilte moins & ne les
empêche point d’entrer plus avant. Palladio confeille
de leur donner de longueur la huitième partie
de la hauteur des murs qui doivent être élevés
deffus; lorfque la longueur eft déterminée , on en
peut proportionner la grofléur en leur donnant,
' fuivant le même auteur, environ la douzième partie
de leur longueur, lorfqu’ils ne paffent pas douze
pieds, mais feulement douze ou quatorze lorfqu’ils
vont jufqu’à dix-huit ou vingt pieds ; & cela pour
éviter une dépenfe inutile de pièces de bois d’un
gros calibre.
Comme ces pilots ont ordinairement une de leurs
extrémités faite en pointe de diamant, dont la longueur
doit être depuis une fois & demie de leur
diamètre jufqu’à deux fois , il faut avoir foin de ne
pas leur donner plus ni moins ; car lorfqu’elles ont
plus, elles deviennent trop foibles & s’émouffent