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avoit eu la plus légère théorie, fon inquiétude au-
roit été bientôt diffipèe ; mais les circonftances les
moins difficiles, effraient & arrêtent les artiftes qui
marchent aveuglément dans les - chemins qui leur
ont été tracés, oc qui font incapables de s’en écarter
pour s’en frayer d’autres. Je lui confeillai de def-
foler fur le champ le cheval ; & à l’aide de cette
opération, il lui conferva la vie.
On doit par conféquent s’oppofer à des manoeuvres
qui mettent l’animal dans des rifques évidens ;
& fi l’on permet au maréchal d’approcher le fe r ,
& de le placer fur le pied en le retirant de la forge, .
il faut faire attention que ce même fer ne foit point
rouge , n’affe&e & ne touche en aucune façon la
foie , & qu’il ne foit appliqué que pendant un inf-
tant très-court, & pour marquer feulement les inégalités
qui fubfiftent après la parure , & qui doivent
être applanîes avec le boutoir.
On peut rapporter encore à la pareffe des ouvriers,
l’inégalité fréquente des quartiers : outre
qu’en coupant l’ongle, ils n’obfervent point à cet
égard de jufteffe èc de précifion , le moins de facilité
qu’ils ont dans le maniement de cet inftru-
ment lorfqu’il s’agit de retrancher du quartier de
deHors du pied du montôir, & du quartier de
dedans du pied hors du montoir , fait que ces quartiers
font toujours plus hauts que les autres , les
pieds font de travers, & une ferrure ainfi -continuée
fuffit pour donner îiaiffance à une difformité
incurable.
Que l’on examine les pieds de prefque tous les
chevaux, on fe convaincra par foi-même de la juf-
tice de ce reproche. Le refferrement des quartiers -,
leur élargiffement, le retréciffement des talons, l’en-
caftelure , font de plus très-fouvent un effet de
leur ignorance. A défaut par eux de parer à plat les '
talons, ils les refferrent plutôt qu’ils ne les ouvrent.
Après qu’on a retranché de l’ongle tout ce qui en
a été envifagé comme fuperflu, que l’on a donne au
pied la forme qu’il doit avoir, que l’on a reâifié
les imperfeétions , & que le maréchal ayant fait
. pofer le pied à terre, s’eft affuré que relativement
à la hauteur des quartiers , il n’eft point tombé dans
l’erreur commune, car il ne peut juger fainement
de leur égalité que par ce moyen, le palefrenier
lèvera de nouveau le pied, & le maréchal préfen-
tera le fer fur l’ongle : ce fer y portera, juftement &
également , fans repofer fur la foie ; s’il vacilloit
fur les mammelles , l’animal ne marcheroit point
fûrement, les lames brochées feroient bientôt ébranlées
par le mouvement que recevroit le fer à chaque
pas du cheval, dès que ce fer n’appuieroit pas
également par-tout; & fi fon appui s’étendoit juf-
que fur la foie, l’animal en fouffriroit affez, ou pour
boiter tout bas , ou du moins pour feindre.
La preuve que le fer a porté fur cette partie ',
fe tire encore de l’infpeftion du fer même, q u i,
dans la portion fur laquelle a été fixé l’appui dont
il s’agit , eft beaucoup plus liffe , plus brillant &
plus uni que dans tous les autres.
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Il eft néanmoins des exceptions & des cas où Ia
foie doit être contrainte ; mais alors le maréchal
n’en diminue pas la force, & lui conferve toute
celle dont elle a befoin.
Lorfqüe je dis aurefte , qu’il eft important que
le fer porte par-tout également, je n’entends pas
donner atteinte à la règle & au principe auquel on
fe conforme , en éloignant le fer du pied, depuis
la première étampure en dedans & en talon, juf.
qu’au bout de l’éponge, enforte qu’il y ait un intervalle
fenfible entre l’ongle & cette partie delà
branche : cet intervalle qui peut régner fans occa-
fionnêr le chancehement du fer, eft néceffaire, &
par lui le quartier de dedans toujours & dans tous
les chevaux, plus foible que celui de dehors, fe
trouve extrêmement foulage.
Auffitôt que l’appui du fer eft tel qu’on eft en
droit de l’exiger , le maréchal doit l’affujettir ; il
broche d’â^ord deux clous , un de chaque côté,
après quoi le pied étant à terre , il confidère fi le
ter eft dans une jufte pofition : il fait enfuite reprendre
le pied par le palefrenier , & il broche les
autres.
La lame de ces clous doit être déliée & proportionnée
à la fineffe du cheval & à l’épaifiëur de
l’ongle; il faut cependant toujours bannir, tant à
l’égard des chevaux de légère taillé que par rap- !
port aux chevaux plus ' épais , celles qui par leur j
groffeur , & par les ouvertures énormes qu’elles
font, détruifent l’ongle, & peuvent encore preffer j
le v if & ferrer le pied.
Le maréchal brochera d’abord à petits coups, &
I en maintenant avec le pouce & l’index de la main
gauche , la lame fur laquelle il frappe. Lorfqu’elle
aura fait un certain chemin dans l’ongle, & qu’il !
pourra reconnoître le lieu de la fortie, il reculera I
fa main droite pour tenir fon brochoir par le bout
du manche ; il foutiendra la lame avec un des côté;
du manche de fes tricoifes ; & la chaffera hardiment j
jufqu’à ce qu’elle ait entièrement pénétré', & que !
l’affilure fe montre totalement en dehors.
Il eft ici plufieurs chofes à obferver attentivement.
La première eft que la lame ne foit point
coudée , c’eft-à-dire , qu’elle . n’ait point fléchi eh
conféquence d’un coup de brochoir donné à faux;
alors la coudure eft extérieure & s’apperçoit alternent
; ou en conféquence d’une réfiftance trop
forte que la pointe de la lame aura rencontrée, &
qu’elle n’aura pu vaincre ; & fouvent alors la cou-
dure eft intérieure, .& ne peut être foupçonnée que
par la claudication de l’animal, dont elle prefte &
ferre le .pied.
La fécondé confidération à faire eft de ne point
cafter cette même lame dans lé pied, en retirant ou
en pouffant le clou ; de l’extraire fur le champ, Ifnu
que les pailles ou les brins de lames qui peuvent
s’être féparés de la lame même, & de chaffer h
retraite avec le repouffoir, fi cela fe peut.
On ne fauroit encore fié difpenfer de prendre
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garde de brocher trop haut ; en brochant bason
ne court point le hafard d’enclouer.
£e quartier de dedans demande, attendu fa foi-
bleffe naturelle, une brochure plus baffe que celui
de dehors : c’eft un précepte que les maréchaux
ont confacré par ce proverbe miférable & trivial,
adopté par tous les écuyers qui ont écrit '. madame
ne doit pas commander à motifeur.
Les lames doivent être.chaffées, de façon quelles
ne pénètrent point de côté, & que leur fortie réponde
à leur étampure. Il faut de plus qu’elles foient
fur une même ligne , c’eft-à-dire, qu’elles régnent ,
également autour des parois du fabot, les rivets fe
trouvant tous à une même hauteur, & l’un n’étant
pas plus bas que l’autre; ce qui eft encore recommandé
dans les boutiques , & ce que l’on y en-
feigne en débitant cet autre proverbe : il ne faut pas
brocher enmufique.
Les étanipures fixant le lieu où l’on doit brocher,
il feroit fans doute inutile de rapporter ici celui
que renferment ces expreflions , pince devant, talon
derrière, & qui ne lignifient autre chofie, fi ce
n’eft que les fers de devant doivent être affujettis
en pince , & les fers de derrière en talon.
La routine feule fuffit pour graver de tels principes
dans l’efiprit des maréchaux : il en eft cependant
plufieurs dans les campagnes qui n’adoptent
point celui-ci ou qui l ’ignorent, & qui fans égard
, à la foibleffe de la pince des pieds de derrière &
des talons des pieds de devant, brochent indifféremment
par-tout , après, avoir indifféremment
étampé leurs fers félon leurs capriees & leurs idées.
Il eft facile de prévoir les malheurs qui peuvent en
arriver. ■ :
Revenons à notre opération. Dès que chaque
lame eft brochée, l’opérateur doit, par un coup de
j- brochoir fur l’affilure , abattre la portion de la lame
qui faillit en dehors le long de l’ongle, enforte que
la pointe foit tournée en deffous ; & tous les clous
étant pôfés, il doit avec fis triquoifes rompre &
couper toutes les affilures qui ont été pliées, &
i qui excèdent les parois du fabot.
Il coupe enfuite avec le rogne-pied toute la por-
;v Aon de l’ongle qui outrepaffe les fers , ainfi que
les éclats que les clous ont pu occafionner : mais
il ne frappe pour cet effet avec fon brochoir fur
le rogne-pied, que modérément & à petits coups.
Delà il rive les clous en en adreffant d’autres
moins ménagés , fur ce qui paroît encore-des affilures
coupées ou rompues : mais comme ces mêmes
; coups fur les affilures pourroient rechaffer les clous
! Par la tête, il oppcfe les triquoifes fur chaque ca-
fi°che, à l’effet de maintenir & d’affurer les lames
dont la tête s’élevercit au-deffus du fe r , & s’é-
loigneroit de l’étampure fans cette précaution.
Il en prend encore une autre ; les affilures frap-
P-es » ou, quoi qu’il en foit, ' ce qü’il en reftê , fé
trouve feulement émouffé. Il enlève doiicavec le
coin tranchant du rogne-pied , uneftégère partiè de t
la corne qui environne chaque clou •; & alors, au j
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lieu de cogner fur la pointe des affilures, il cogne
fur* les parties latérales , & infère cette même pointe
flans l’ongle de façon qu’elle ne furmonte point,
& que les rivets font tels qu’ils ne peuvent point
bleffer l’animal, & occafionner ce que nous nommons
.entretaillure.
11 ne refte plus enfuite au maréchal qu’à unir
avec la râpe tout le tour du fabot, lorfque le palefrenier
a remis le pied à terre ; & quelques coups
légers donnés fur les rivets, terminent toute l’o pération.
Il feroit fuperflu de parler des clous à glace &
des clous à groffe tête, que l’on emploie pour empêcher
les chevaux de gliffer ; il n’eft perfonue qui
ne connoiffela forme de ces fortes de clous: mais
je ne puis, en finiffant cet article, trop faire fentir
la néceflité de ferrer les chevaux un peu plus fou-
vent que l’on ne fait communément. IL eft nombre
de perfonnes qui fe perfuadent qu’il eft bon d’attendre
que les fers foient entièrement ufés pour en
mettre de nouveaux ; & il en eft d’autres qui veulent
épargner les relevées ou les raflis , convaincus
queTaâiôn de parer ou de rafraîchir l’ongle , n’eft
nullement utile & ne profité qu’au maréchal : ce
préjugé nuit à ceux qu’il aveugle & qu’il féduit,
car infenfiblement les pieds de l’animal fe ruinent
& périffent s’ils font ainfi négligés.
Il feroit à propos de les vifiter & d’y retoucher
au moins tous les mois, ce qui n’arrive point aux
maréchaux avec lefquels on a traité pour l’année
j entière ; ils attendent en effet la dernière extrémité
pour réparer des pieds qu’ils endommagent
la plupart & par leur ignorance , & par l’abandon
dans lequel ils, les laiffent.
D e s M a c h i n e s , I n s t r u m e n s e t O u t i l s
propres au travail du Maréchal-Ferrantv
Travail.
Les maréchaux donnent le nom de travail à un
bâtis ou affemblage de ^harpente , compofé de
quatre piliers carrés, de fôpr à huit pieds de haut
hors de terre , de quatre pieds ou environ de fondation
, & de neuf pouces d’écarriffage. Les deux
bouts font formés par là diftance de ces quatre
piliers , où ils font deux à chaque bout qui ne
doivent être éloignés l’un de l’autre que de deux
pieds, ayant une traverfe en haut , une autre à
rafe terre , & la troifième au bout de leurs extrémités
qui eft en terre.
Chaque couple de piliers ainfi affemblés, &
éloignés l’un de l’autre de quatre pieds quatre
pouces , & affemblés de chaque côté par trois tra-
verfes quis prennent aux mêmes haiifeurs que les
fix premières , ce qui compôfe un bâtiment de bois
à jour, formant tïn carré long ; à chacun de ces piliers
carrés on fait plufieurs mortaifes pour y ajouter
les pièces néceffaires.
Premièrement, à cinq pieds & dem de terre r