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de repréfenter que des brocatelles fur des fonds
bleus ou d o ré s , & de faire quelques papiers v e loutés
; & qu’une opération aufli fimple n’avoit pas
beaucoup de mérite, puifqu’elle ne confiftoit qu’à
appliquer un mordant fur les planches,du graveui*,
& à y femer , fans aucune nu ance, une ou deux
teintes de laine en poudre. • .
L e fucceffeur du fieur François fils * l’a imité
dans un' degre plus parfait. II. a fabriqué toutes
fortes de tapifleries de payfage ou d’h iftoire; il a
meme copié des tableaux, en faifant que le mélange
des laines répondît exaftement à celui des
couleurs; & pour donner à fes ouvrages une durée
plus lon gu e , il a exécuté fur la toile ce que les
autres faifoient fur le papier.
Depuis , 1e fieur A u b e r t , graveur en bois à Paris,
eft parvenu à faire des papiers v e lo u té s , affortif-
fant à toutes fortes de meubles.
Nous difons qu’on a fait de ces tapifleries d’abord
à R ou en , mais d’une manière g r o f l iè r e c a r
on n’y employoit au commencement que des toiles
pour fonds , fur lefquelles on formoit des deflins
de brocatelles, avec des .laines de diverfes cou leurs
qu’on colloit deflits aptes les avoir hàçhees.
On imita enfuite les verdures..de.haute -lifte
mais fort imparfaitement. Enfin, une manufa&ure
de ces fortes de tapifleries s’étant établie à Paris
dans le fauxbourg Saint-Antoine , on y hafarda
des perfonnnages, des fleurs & des grotefques &
l ’on y réuflît affez bien.
L e fond de cette efpèce de tapifferie peut être
également de cou til, ou de forte toilei, ou même
de papier.
Après avoir tendu ce fond fur un châffis de
toute la grandeur de la pièce qu’on a defféin de
fa ire , on trace les principaux traits & les contours
de ce qu’on y veut repréfenter, & o n 'y ajoute
les couleurs fucceflivement à mefure qu’on avance
1 ouvrage.
Les couleurs font toutes les mêmes que pour
les, tableaux Ordinaires, & on les détrempe de la
meme manière avec- de l’huile commune , -mêlée
a v ec de la térébenthine ou telle autre huile q u i,
par fa^ ténac ité, puiffe haper & retenir la laine !-
lorfqu’on vient à l’appliquer. * ■ ’
A 1 égard des laines , il faut en préparer de toutes
les couleurs qui peuvent entrer dans un tableau
a v e c toutes les teintés & les: dégradations nécéf-
laires pour les carnations 8c les.draperies des figures
humaines, pour les peaux des animaux , les plumages
des oifeaux , les bâtimens/ les 'fleurs'; enfin
tout ce qu’on veut copier ou plutôt fuiyre fur
1 ouvrage même du peintre.
On tire ia piupart de ces laines de deftus les
tlmerentes efpeèes de draps , dont elles font proprement
la-tonture. ’
Mais comme cette tenture ne peut fournir toutes
les couleurs & les teintes néceflaires i il y a des
ouvriers deftinés à hacher des laines & d’autres I
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à les réduire en une efpèce de poudre prefque
impalpable, en les paffant fucceflivement par di.
vers fas ou tamis, 6c en hachant de nouveau ee'
qui n’ a pu pafler.
Les laines préparées & le defiin tracé fur le
fo n d , on couche horizontalement le châflis fur des
tréteaux élevés de terre d’environ deux pieds-
alors le peintre commence à y peindre quelques
-endroits de fon tableau que l’on vient de couvrir
de laine , avant que la couleur foit sèche ; par.
courant fucceflivement toute la pièce , ]ufqu’à ce
qu’elle foit achevée.
Il faut feulement obferver que lorfque les pièces
font grandes, plufieurs lainiers & plufieurs peintres
y peuvent travailler à-la-fois.
La manière d’appliquer la laine eft fi ingénieufe
mais.en même temps fi extraordinaire, qu’il ne*
faut pas moins que les yeux mêmes pour la comprendre.
O n v a pourtant-tâcher de l’expliquer.
Le lainier ayant arrangé autour de lui des laines
de toutes les couleurs qu’il doit employer, réparées
dans de petites corbeilles ou autres vaiffeaux
femblables, prend de la main droite un petit tamis
de deux ou trois pouces de longueur, de deux
de largeur, & de douze ou quinze lignes de hauteur.
Après quoi, mettant dans ce tamis un péu
de laine hachée de la couleur convenable, & le
tenant entre le pouce & le fécond d o ig t , il remue
légèrement cette laine avec quatre doigts qu’il a
dedans, en fuivant d’abord les contours des figures
avec üne laine brune , & mettant enfuite avec
d’autres tamis & d’autres laines les carnations, ft
ce font dès parties nues de figures humaines, &
les draperies fi elles font v ê tu e s , & à proportion de
Ce qu’il veu t repréfenter.
C e qu’il y a d’admirable , c’eft que le lainier eft
tellement maître de cette pouflière laineufe , &
la fait fi bien ménager par le moyen de fes doigts,
qu’il en forme des traits aufli délicats qu’on pourront
le faire avec le pinceau „ & que les figures
fphériques, comme e f t , par e x emple, la prunelle-,
de l’oe i l , paroiftent être faites au compas.
Après que l’ouvrier a laine toute la partie du
tableau ou tapifferie que le peintre avoit enduite
de cou leu r , il bat légèrement avec une baguette
le deftous, à l’endroit de fon ouvrage; ce qui,le
dégageant de la laine inu tile, découvre les figures
qui ne pàroifloient auparavant qu’un mélange confus
de toutes fortes de’ couleurs.
Enfin, lorfque la tapiflerie eft finie par ce travail
alternatif du peintre & dû lainier , on la laifle
fécHer fur fon châflis qu’on dreffe de' haut en bas
dans l’atelier. Après qu’elle eft parfaitement sèche,
on donne quelques traits au pinceau dans les endroits
qui ont befoin de force , mais feulement
dans les bruns.
Ces fortes de tapifleries q u i , quand elles font
faites 'de bonne main, peuvent tfomper au premier
co u p -d ’oeil & pafler pour des hautes-liftes, ont
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ijeux défauts confidérables auxquels il eft inipoflible
de remédier ; l’u n , qu’elles craignent extrêmement
l’humidité , & qu’elles s’y gâtent en peu de temps ;
l’autre, qu’on ne fauroit les plier comme les ta-
nifleries ordinaires, pour les ferrer dans un garde-
ineuble, ou les tranfporter d’un lieu dans un autre,
& qu’on eft obligé, lorfqu’elles ne font pas tendues
, de les tenir roulées fur de gros, cylindres
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de b o ls , ce qui occupe beaucoup de p lac e , & eft
extrêmement incommode.
Ces tapifleries étoient aufli fort fujettes autrefois
à s’écailler ; mais on a , depuis quelque temps ,
trouvé le moyen de remédier à ce défaut * &
même on a réufli à préferver ces tontffes de la
piqûre des vers , par les préparations qu’on leur
donne.
V O C A B U L A I R E .
A massette ; c’eft un morceau de cuir fort ,
dont un des côtés eft à tranchant ou en bifeau.
Le dominotier s’en fert pour raflembler la couleur
étendue fu< la pierre.
Ad ragant ( gomme ) ; cette gomme eft pour
l’ordipaire en grumeaux blancs, tranfparens, jaunâtres
V fecs , faqs goût. , fans odeur , un peu
gluans. Cette gomme s’enfle dans l’eau, fe raréfie
& fe met en un mucilage denfe, & épais.
Baquet, chez les marbreurs de papiers, eft une
efpèce de boîte.ou caille de bois , p late, fans c o u vercle,
carrée, longue de là grandeur d’une feuille,
de papier à l’écu , & de l’épàifteur d’environ
quatre doigts. Elle fe pofe fur la table ou l’établi
du marbreur ; qui y verfe de l’eau gommée juf-.
qu’à un doigt du bord. C ’eft fur cette eau que
l’on répand les couleurs que doit prendre le papier
pour être marbré.
- Baratte ; c’eft un long baril de bois , plus
large par en bas que par en h a u t , dans -lequel ori.
bat le beurre. Le dominotier s’en fert pour y mettre
de l’eau. .
Blanc ; le blanc du dominotier eft proprement
le fond du papier , fur lequel on met du fiel de
boeuf battu dans une certaine quantité d’eau*
Bleu ; cette couleur employée par le dominotier,
eft.de l’indigo b royé à l’eau lur la pierre & à la molette.'
v Branches ; ce font des tringles de bois parallèles
les unes aux autr.es , d’un doigt de largeur
& de deux lignes & demie d’épaiffeur, garnies de
dents de fer. Ces branches forment .le peigne du
dominotier, pour le papier commun.
Brillant ( papier ) ; forte de papier enduit de
colle de poiflon, & femé d’une poudre brillante.
Ch â ss is c a r r é ; cet uftenfile du dominotier
elt formé de l’aflemblage de quatre lattes, dont
elpace eft divifé en trente-fix petits carrés, par
^nq ficelles attachées fur un des côtés du châflis,
traverfées par cinq autres ficelles fixées fur un
ûes autres côtés.
Cirer ; c’eft pafler légèrement de la cire blanche
Rjaune, fur les feuilles de papier marbré.
Ominös ; nom que l’on donnoit autrefois aux
papiers mabrés, & peints de toutes fortes de cou-
leur* & figures*
D ominoterïe ; c’eft la fabrique & le commerce
du papier marbré, . .
O n appelle aufli dominoterïe , certaines grandes
images grayées en bois, au bas & à côté defquelles
font dès légendes , des devifes , des rgbus, & c .
D ominotier; ouvrier qui fabrique & vend des
papiers peints ou tachéà de toutes fortes de cou-,
leurs & figures.
Ecaîlles ; les dominotiers donnent ce nom aux
couleurs dont les bords fe hèriffent de pointes ,
lelquelles font jetées dans l’eau.
Egouttoir ; infiniment dont les marbreurs fe
fervent pour égoutter les feuilles de papier en for-
tant du baquet.
Les marbreurs ont deux fortes d’égouttoirs dif-
férèns : les uns fe fervent d’une claie à peu près
de la grandeur d’une feuille de papier, qu’fis po-
fent obliquement au deftus d’un baqu et, & , fur
laquelle'ils appliquent la feuille de papier qui vient
d’être marbrée. L ’eau dont la feuille- étoit chargée,
s’égoutte & retombe dans le baquet.
L ’aütre égouttoir eft une efpèce de double châflis
fait de petites'lames de bois entrelacées, fur chaque
côté duquel on peut appliquer quatre feuilles',
de papier. Ces deux châflis font affemblés à charnières
par en b a s , & s’ajuftent fur une auge ou
gouttière portée fur deux petits tréteaux. L ’eau
qui découlé des- feuilles de papier, tombe dans la
gou ttière, & va fe fendre dans un feau qu’on a
mis au défions.
Enluminer; c’eft rehauffer un defiin avec di-,
verfes couleurs en détrempe.
Etendoir ; c’eft une petite planché emmanchée
au bout d’un long .bâton , pour pofer les feuilles
de papier peint fur des cordes tendues à une certaine
hauteur. -,
Frisons ; le marbreur de papier appelle ainfi
lès. couleurs qui s’arrangent en cercles , ou qui
forment des ondulations par le mouvement du
peigrfe, dont les dents font placées alternativement
l’une d’un cô té'& l’autre de l’autre:
J aun e ; couleur employée par le dominotier :
elle eft corapofée d’ocre d é la y é e , à laquelle on
joint du fiel de boeuf.
Lisser ; c ’eft frotter avec le lifloire ou avec un
caillou très-dur & très-uni, les feuilles de papier
marbré, après qu’elles ont été cirées.
D d d ij