
L E V U R E .
L ’ É C U M E qui fe forme pendant la fermentation
de la bière, eft un levain ou levure propre à
faire lever la pâte, & à la rendre plus légère que
ne le fàifoit l’ancien levain de pâte aigrie.
Nous avons parlé de la levure en décrivant les
^rts du boulanger & du braffeur, relativement à ce
qui les concerne. Nous allons dire , dans cet article
, comment les marchands de levure la préparent
pour la vendre.
Les braffeurs mettent dans des facs d’une toile
épaiffe, l’écume de leur bière lorfqu’elle fermente.
Lorfque les ouvriers qui doivent préparer la levure
ont reçu ces facs, ils le$ couchent l’un après l’autre
fur une preffe un peu inclinée , fous laquelle ils
auront eu foin de placer un baquet.
La première liqueur qui fort naturellement avant
d’être preffée, eft encore une bière potable dont
les ouvriers profitent ; mais la liqueur qui vient
après qu’on a furchargé les facs de plufieurs poids,
eft d’une mauvaife qualité , & fe vend aux cor-
royeurs qui l’emploient pour rendre leurs cuirs plus
fou pies.
Quand cette liqueur eft extraite des facs, &
qu’il n’y refte plus que l’efprit du houblon & la
fleur de l’orge, c’eft-à-dire, la lie de la bière, on
laifle fécher ce réfidu en preffe fous la charge, &
on ne le retire des facs que pour le diftribuer aux
boulangers, à mefure qu’ils en ont befoin.
Lorfqu’il faut attendre pour le débit, on a foin
de tenir cette pâte ferme de levure dans un lieu
bien fec à l’abri de l’air; car fans cette précaution,
la levure fe corromproit promptement : ce qui provient
, foit de la qualité des eaux, foit des in-
grédiens que les braffeurs de Paris font entrer dans
leur bière, & ce qui empêche cette levure d’être
confervée plus de huit jours, & d’être tranfportée
au loin. Cependant la levure de pâte ferme qu’on
fait ailleurs, comme en Flandres & autres pays,
peut fe garder deux & trois mois de fuite, & fe
tranfporter par-tout^
- On façonne ordinairement cette levure en petites
maffes, qu’on moule.
Les braffeurs vendent F écume de leur bière à la
livre ; et comme il en faut beaucoup pour faire une
livre de levure en pâte ferme, celle - ci fe vend
V O C A B
L ievure ; c’eft un levain ou matière fermentante,
qui vient de l’écume de la bière.
Levure de bière ; c’eft fon écume nouvelle.
Levure sèche; eft celle qui vient de la lie ou
(Art de préparer la)
communément huit à dix francs la livre aux boulangers
& aux Pâtiffiers de Paris; mais avec une
livre de cette levure , ils peuvent faire lever ou
fermenter cinq cents livres de pâte deftinée à faire
du pain mollet ou de la pâtifferie.
Les boulangers & pâtiffiers ne peuvent trop tôt
employer cette levure, car elle s’altère promptement
; & deux ou trois heures après qu’elle a été
expofée à l’air, elle ne peut plus fervir.
C’eft pourquoi, lorfque la pâte eft prefque faite
& tandis qu’on chauffe le four, les boulangers délaient
, dans la farine & dans l’eau tiède, la quantité
de levure qui leur eft néceffaire ; ils la répandent
enfuite fur leur pâte, dans laquelle ils l’incorporent
en la pétriffant plufieurs fois.
Il faut même obferver que fi l’on attendoit trop
long-temps après l’amalgame de la levure avec la
pâte , celle-ci ne leveroit pas, & au contraire s’ap-
platiroit dans le four. Ainfi , on doit avoir foin
de le tenir chaud & tout prêt à recevoir la pâte,
lorfqu’elle eft levée au point où elle doit l’être.
La levure sèche n’eft à l’ufage que des pâtiffiers
; ©u des boulangers qui font du pain mollet. Les
autres emploient pour la pâte ferme l’écume de la
bière, telle qu’ils la reçoiventdes braffeurs; mais
ils doivent n’employer que de l’écume fraîche, &
le plus tôt qu’il eft poffible.
La corruption à laquelle font fi fujettes la pâte
sèche de levure & l’écume de la bière, a donné
des inquiétudes & a fait penfer que le pain travaillé
avec cette efpèce de levure, étoit beaucoup
moins fain que le pain de pâte ferme fait avec le
levain. La faculté de médecine ayant été confultée
à ce fujet, & ayant décidé en 1668 que la levure
dé la bière pouvoit devenir préjudiciable à la fanté,
lorfqu’eUe eft de mauvaife qualité, il fut défendu
aux boulangers, par un arrêt du 20 mars 1670,
d’en employer d’autre que celle qui fe feroit dans
la v ille, qui feroit fraîche & non altérée. C’eft,
fans doute , depuis ce temps qu’il s’eft établi a
Paris quelques marchands de levure de pâte ferme,
pour la préparer & la diftribuer aux pâtiffiers &
aux boulangers qui font du pain mollet. Ces marchands
de levure, en petit nombre, ne font point
établis en corps de communauté.
r L A 1 R E.
du réfidu de la bière , dont l’écume a été m
dans des facs de toile forte , preffurée avec des
poids, & féchée fous la charge.
LUNETT 1ER-OPTICIEN. (Ar t d u )
L ’ART du lunettier - opticien eft un des plus
précieux à l’humanité. C ’eft par le fecours de cet
art, que des verres, taillés d’une certaine manière,
foutiennent les vues foibles, étendent les vues courtes
, rapprochent des yeux & leur rendent fenfibles
des objets qui étoient cachés dans leur extrême
petiteffe, ou dans leur immenfe éloignement. Cet
art, fi utile pour nos befoins, fert encore à nos
amufemens, par les fpe&acles nouveaux qu’il nous
procure. Il a auffi beaucoup ajouté aux connoif-
fances de l’aftronomie & de l’hiftoire naturelle.
Enfin, fon invention , qui ne remonte guère au-
delà de 1280, nous donne une jouiffance inconnue
aux anciens ; & les vieillards, les myopes & les
presbytes , qui autrefois étoient dans une trifte
privation de l’ufage entier de leurs y e u x , n’ont
plus à fe plaindre aujourd’hui des torts de l’âge ou
de la nature envers eux.
La théorie de l’art du lunettier eft fondée fur
la fcience de la vifion , que l’on peut divifer en
trois parties, Yoptique, la dioptrique, la catoptrique.
L'optique proprement dite , confidère la vifion
qui fe fait par des rayons de lumière qui viennent
directement & immédiatement de l’objet juf-
qu’à l’oeil.
La dioptrique traite des rayons brifés , ou des
routes de la lumière à travers les corps tranfpa-
rens; c’eft elle qui dirige l’artifte dans la conftruc-
tion des lunettes.
La catoptrique traite des rayons de lumière réfléchis
, ou de la manière dont la vifion fe fait par
des rayons qui ne vont pas immédiatement de
l’objet à l’oe il, mais qui n’y arrivent que par la
réflexion qu’ils éprouvent fur quelqu’autre corps,
comme, par exemple, fur une glace étamée.
Lart du lunettier emploie, pour fes opérations,
plufieurs inftrumens effentiels , dont nous allons
faire connaître l’u fage, avant que de paffer à la
defcription de fes ouvrages.
Le principal de ces inftrumens eft le baffin.
B a s s i n .
Les lunettiers fe fervent de divers baffins de
cuivre , de fer , ou de métal compofé ; les uns
grandsles autres plus petits : ceux-ci plus pro-
londs, ceux-là moins, luivant le foyer des verres
qu ils veulent travailler. Voyez pi. III de F Art du
Lunettier, jig. 1 y 2 & fuivantes, tome I I I des gravures.
' • :
Ceft dans ces baffins que fe font les verres con-
vexe«. Les fphères , qu’on nomme autrement des
boules » fervent pour les verres concaves ; & le
rondeau , pour des verres dont la fuperficie doit
être plane & unie.
On travaille les verres au baffin de deux manières :
pour l’une l’on attache le baffin à l’arbre d’un tour,
& l’on y ufe la pièce, qui tient avec du ciment à
une molette de bois, en la préfentant & la tenant
ferme de la main droite dans la cavité du baffin,
tandis qu’on lui donne avec le pied un mouvement
convenable : pour l’autre, on affermit le baffin fur
un billot ou lur un établi, n’y ayant que là molette
garnie de fon verre qui foit mobile.
Les baffins pour le tour font petits, & ne paf-
fent guère fix à fept pouces des diamètre : les
autres font très-grands, & ont plus de deux pieds
de diamètre.
Pour dégroffir les verres qu’on travaille au baffin
on fe fert de grès & de gros émeri : on les adoucit
avec les mêmes matières, mais plus fines & ta-
mifées : le tripoli & la potée fervent à les polir;
enfin, on en achève le poliment au papier, c’eft-
à-dire , fur un papier qu’on colle au fond du baffin.
Quelques - uns appellent ces baffins des moules ,
mais improprement.
La matière la plus convenable pour faire ces
baffins , eft le fer & le laiton , l’un & l’autre le
plus doux qu’on puiffe trouver : car comme ils
doivent être formés fur le tour, la matière en doit
être traitable & douce , mais pourtant affez ferme
pour bien retenir fa forme dans le travail des
verres.
Ces deux fortes de matières font excellentes,
& préférables à toutes les autres : le fer néanmoins
eft fujet à la rouille, & le laiton ou cuivre jaune
à fe piquer & verdir par les liqueurs âcres & fa-
lées ; c’eft pourquoi ces deux matières demandent*
que les inftrumens qui en font faits foient proprement
tenus, bien néttoyês & effuyés après qu’on
s’en eft fervi.
L’étain pur & fans alliage eft moins propre pour
le premier travail du verre qui eft le plus rude, à
caufe que fa forme s’altère aifément : on peut cependant
l’employer utilement après l’avoir allié
avec la moitié d’étain de glace.
Le métal allié, qu’on ne peut former au tour à
caufe de fa trop grande dureté , comme celui des
cloches qui eft compofé d’étain & de cuivre, ne
vaut rien pour les formes dont nous parlons.
On peut préparer ces deux matières à recevoir
la forme de deux manières, fuivant qu’elles font
malléables ou fufibles : elles demandent' toutes
deux des modèles fur lefquels elles puiffent être
formées , au moins groffièrement d’abord , pour
qu’on puiffe enfuite les perfectionner au tour.