
lotte ou languette étoit indifpenfable à la flûte.
. poici quelques-uns de ces paflages. ■
Porphyre, dans fes Commentaires fur le chapitre
8 9 du livre premier des Harmoniques de Ptolomée
, édition de Wallis, dit : » Si Ton prend
„ deux flûtes , Toit de rofeau, Toit d’airain. . . . &
s» qu’on fouffle dans ces flûtes par les languettes
» qui s’y trouvent, (p er eas quoefunt in illis hn-
w gulas). u
Dion Chry folio me d it, Homélie 43 : » Si vous
a) ôtez la languette ( Unguia ) à une flûte, l’inf-
j, trumenx devient inutile. « Il eft clair que ni Porx
phyre, ni Dion Chryfoftôme ne parlent d’une
feule efpèee de flûte; ils parlent des flûtes en
général. .
Suivant Pollux, chapitre p y livre I V y de fon
Onomaflicon, une mauvaife flûte eft fans languette
( glotta) , fans fon; enfin, elle n’efl bonne à rien
( inepta). Le même auteur met un peu plus haut
Vanche ( glotta ) , au nombre des parties de la flûte.
’ Au refie , tout cej que l’on vient de dire par
rapport aux flûtes à bocal ou cornets, peut auiïi
très-bien s’appliquer aux flûtes traverfières.
Les flûtes à bifeau ou douces parlent aifément,
8c plus elles font longues, plus il faut y fouffler
doucement ; or, à quoi bon le phorbeïon ou bandage
, dont les anciens muficiens s’entouroient la
tête pour mieux gouverner leur haleine ? Quand
on n’efKpas obligé de fouffler avec véhémence,
on en eft toujours le maître. Si les flûtes des anciens
étoient des flûtes douces., pourquoi les ftatues qui
repréfentent des muficiens en a£l:on , ont-elles .
toutes les joues enflées ? Comment Ovide auroit-
il pu faire dire à Minerve, à qui il attribue l’invention
de la flûtç •
Vtdi virgineas intumuiffe gênas,
Fait. lib. VT,
Je vis mes joues vierges enflées.
Comment Plutarque auroit-il pu rapporter dans
îa vie d’Aleibiade, que ce jeune Grec ne voulut pas
apprendre à jouer de la flûte, alléguant entr’autres
railons, » qu’à peine ceux qui étoient intimement
3) liés avec un homme, pouvoient le reçonnoitre
» quand il jouoit de la flûte ? «
De plus, Ariflote dans le chap. 6 9 du livre VIII
de fa Politique y nous apprend que » la flûte eft
» plus propre à animer les efprits, & à les porter
*3j à la colere qu’à les concilier; « ce qui certainement
ne convient pas plus que tout ce que nous
venons de dire, ni au? flûtes ddüces , ni gux flûtes
traverfières.
Puifque donc les flûtes dos anciens n’étoient
point des. cornets, ni des flûtes traverfières , ni
des flûtes douces , il faut néceffairerçient qu’elles
fuffent dès hautbois, ou que leurs glottes ou languettes
fuffent de véritables gnches. Confirmons
cette idée par quelques paflages de plufieurs auteurs.
Héfychius dit que la glotte des flûtes, n'eft autre
chofe qu’une languette agitée par le fouffle du
joueur ; ce qui convient parfaitement à l’anche
d’un hautbois : d’ailleurs , le mot glotte même confirme
cette opinion, la partie du corps humain,
appelée glotte, ayant de l’affinité avec une anche.
Ptolomée, dans- le chap. 3 , du Livre premier des
Harmoniques , dit : n la trachée-arrire eft une flûte
» naturelle ; « mais la trachée-artère, comme l’on
fait, fe termine par l’épiglotte, efpèee de foupape
qui s’ouvre & fe ferme â peu près comme la languette
d’un chalumeau.
Pollux, dans le chapitre déjà cité de fon Onomaflicon,
rapporte qu’on peut dire en parlant d’un
joueur de flûte, » qu’il a les joues pleines, gon-
» fiées, bouffies, élevées, étendues, adhérentes,
» pleines de vent ; les yeux irrités. . . . fanguino-
v lens. « Il dit encore plus bas, jj les anciens di-
» fent des glottes ufées par le chant. «
Il nous eft refté un traité prefqu’entier d’Ariftote,
fur les objets qui font du reflbrt de l’ouie (de au-
dïhllïbus). On trouve ce traité dans les Commentaires
de Porphyre , fur le chapitre 5', dû livre premier, des
Harmoniques de Ptolomée ; & entr’autres paflages,
il renferme les. trois fuivans.
» Si quelqu’un ferre les lèvres & comprime la
» glotte d’une flûte, le fon devient plus dur, plus
v défagréable, & plus éclatant.
« Si l’on mo'uille le fommet.de la glotte ou qu’on
» l’imbibe de falive, fin {hument ré fon né mieux;
y? & au contraire, quand la glotte eft -sèche.
yy Si l’on comprime la glotte, le fon devient plus
jj aigu & plus clair. «
Tout cela convient parfaitement aux flûtes à
anches, suffi bien que ce que dit Apollonius de
Thyaae (ch. 2/, liv. V de fa vie, par Philoftrate),
yy qu’une des qualités néceflaires à un muficien ,
yy eft celle de bien embrafl'er la glotte de fa flûte
jj avec les lèvres, fans cependant y employer aflez
jj de foreé pour en devenir rouge. «
Pline , dans le chap, 35 du Livre X V I de fon
Hifloue Naturelle, rapporte jj qu’avant le muficien
jj Antigénide, on coupoit, dans le mois de fep-
jj tembre, les rofeaux dont on voüloit faire des
jj flûtes , & qu’on ne commençoit à s’en fervir
jj qu’après quelques années : qu’alors même le rau-
jj ficien étoit obligé de dompter, pour ainfi dire,
jj fon infiniment, 8ç Rapprendre à fa flûte même
jj à chanter, les languettes étant trop peu ouver-
jj'tes ; « c’eft-à-dire, je crois , que comme on avoit
cueilli le rofeau quand il étoit déjà très-mûr, les
languettes étoient dures -, fe comprimoient réciproquement,
car il dit, comprimentibus fe lingulis,
& ne fe laiffoient pas gouverner à la volonté
du joueur, jj Mais après , continue Pline , on les
jj coupa avant ce folflice (au mois de ju in ) , 8c on
jj s’en fervit au bout de trois ans, les languettes
1 jj çtant plus ouvertes pour fléchir les fons ;
e’eft-à-dire, qu’on coupoit les rofeaux avant leur
pleine maturité ; qu’alors ils étoient plus fouples,'
que les languettes ne fe comprimoient plus fi fort
réciproquement, & que par conféquent les fons
étoient plus faciles à varier.
On trouve dans les notes d’Hardouin, fur les
endroits de Pline que- nous venons de citer, un
paflage de Théophrafte, où il eft dit que jj les an-;
jj cièns faifoient d’abord leurs flûtes toutes de ro-
j> féaux, & qu’ils croyoient que les anches ( glottes)
jj dévoient être prifes efttre deux des noeuds de
j> la même plante dont on avoit fait la flûte, parce
jj que fans cela l’inftrument ne réfonnoit pas bien. «
Ce paflage feul prouve que les flûtes des" anciens
étoient à anche ; encore aujourd’hui on préfère
celles de rofeau à toutes les autres.
Je crois avoir fuffifamment prouvé que les anciens
n’avoient que des flûtes à anches. D e ces
flûtes, les unes avoient l’anche à découvert comme
nos hautbois ; les trois paflages d’Ariftote cités ci-
deffus, le prouvent fiins réplique. Voyez pl. VI t
fig. 8 & 13 des Inflrumens de Mufique , tome 3 des
gravures. Les autres avoient l’anche cachée comme
les trompettes d’enfant. Voici ce qui me femble
l ’indiquer.
D ’abord, on voit fur des bas-reliefs des flûtes
fans l’apparence de bifeau ni d’anche ; ces flûtes
font ordinairement terminées en haut par un bocal
: donc leur anche eft cachée dans le corps de
l’inftrument, car nous avons déjà vu que l’anche
eft indifpenfable aux flûtes des anciens. Voyez
pl. V I I , fig. y , 6 y y , p , 10 y 11 & 12 y des Inflrumens
de Mufique.
Les flûtes terminées par un bocal en haut ,
font ordinairement les plus grandes, & quelques
joueurs de flûte qui tiennent des inftrumens de
cette efpèee , n’ont point de phorbeïon ou de
bandage , parce qu’on ne pouvoit paffer qu’un
petit corps mince, tel qu’une anche, au travers
de la fente du phorbeïon , parce qu’encore le
phorbeïon étoit très-utile au muficien ; un des
plus grands défauts qu’qnt même aujourd’hui nos
joueurs d’inftrumens à anches , c’eft de laiffer
échapper le vent; ce qui provient de la tenfion
continuelle des joues , & caufe un fifflement très-
défagréable ; au lieu que celui qui fouffle dans un
bocal, ne peut laiffer guère échapper, le vent.
Enfin , Pollux, dans le chaj). ç du liv. I V de fon
Onomaflicon, dit : jj que la flûte appelée bombyx a
>j deux parties outre la glotte & les trous latéraux ;.
” l’une, appelée I t y o ( olmos ) ; l’autre, vtpôx^tov
n(eupholmion). u L’olmos peut, je crois , très-
bien indiquer ici un pavillon femblable à celui
des cors de chaffe &. des trompettes, & euphol-
nfion une. embouchure faite comme un bocal ; &
a quoi bon cette efpèee d’embouchure, fi la flûte
avoit une anche placée comme celle de nos haut-
Ibois ?
Ariflote, dans fon traité de audibilibus que nous
1 avons déjà cité, dit : n qu’il eft difficile de jouer
» de la flûte appelée bombyx, à caufe de fa lon-
jj gueur; ce qui, joint à ce que nous venons de
jj dire, femble prouver effectivement que les flûtes
jj les plus grandes des anciens avoient un bocal,
jj une anche renfermée dans le corps de l’inftru-
yy ment, & qu’on en jouoit fans phorbeïon. « Cette
dernière chofe eft confirmée par un paflage de
Sophocle, qu’il explique en même temps, le voici.
» Il ne fouffle plus dans de petites flûtes, mais
j> dans des foufflets épouvantables & fans ban-
jj dage. « ( phorbeïon. )
Enfin, je rapporterai encore ce que dit Feftusÿ
en donnant l’étymologie du mot lingula (languette) ,
lingula per diminutionem linguat difla, alias à fimili-
tudine linguat exertot ut in calceis infertee , id efl
infra dentes coercitai, ut in tïbiis. n Languette, di-
jj minutif de langue, tantôt à caufe de fa reffem-
jj blançe avec une langue expo fée, ( ozz tirée) comme
yy dans les chau{fûtes, tantôt à caufe de fa reffem-
jj blance avec une langue cachée ou retenue def-.
jj fous les dents : « ce qui ne femble convenir
qu’à une anche cachée dans l’inflrumenr.
Comme je n’ai nulle envie d’imiter les gens à
fyftêmes , qui écartent de la meilleure foi du
monde tout ce qui peut endommager leurs édifices
, je vais rapporter ce que je crois qu’on peut
m’oppofer raifonnablement ; au moins je rapporterai
ce que j’ai trouvé de fufpeél dans le cours
de mon travail.
Bartholin , dans le chap. 5 du liv. I de fon traité
de tib. "veter. raconte comme, un miracle , d après
le feholiafte de Pindare , que les languettes, glottes
ou anches, étant tombées dans un combat ou concours
de mufique , le joueur de flûte continua fa,
pièce avec les rofeaux feuls.
Cette hiftoire peut fournir irois objefiions.
i°. Si la flûte n’a voit d’autre principe de fon que
l’anche, comment le muficien a-t-il pu continuer
à jouer après que celle-ci étoit tombée ? Il eft probable
que fa flûte étoit en même temps à bifeau
& à anche , c’eft - à - d ire, que c’étoit une flûte
douce à laquelle on avoit adapté une anche.
a0. Eft - il probable que l’anche d’un hautbois
puiffe tomber fans la volonté de celui qui tient
l’inftrument ? Et n’eft-il pas plus naturel de fup-
pofer que c’étoit unexcharlatanerie du muficien ,
qui , s’étant apperçu qu’on pouvoit jouer de fa
flûte fans anche., vouloit s’en faire honneur ?
30. Enfin, quoi qu’il en foit, puifque le muficien
a pu jouer une fois fans anche , ne peut-il
pas l’avoir fait plufieurs fois , & même s’en être
fait une coutume & l’avoir enfeigné à d’autres ?
Quant à la première objeâion, je réponds que
fi la flûte avoit un autre principe dé fon que l’anche
, le feholiafte de Pindare n’aùroit pas rapporté
ce fait comme un prodige ; de plus , eft-il vrai-
femblable que les anciens aient combiné enfemble
le bifeau & l’anche, & Qu’aucun de leurs auteurs
ne parle , du bifeau , tandis que tous parlent de
l’anche d’une façon non équivoque i