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L A M I N A G E . ( An du )
L £ laminage eft l'aâion & la manière de réduire
en lames, en tables , en feuilles, ou en fils ap-
platis, l’o r , l’argent, le cuivre, l’étain, le fer, le
plomb.
Les marteaux , les cylindres , les filiè re s fo n t
les moyens ordinaires, dont nous avons déjà parlé
& que nous aurons encore occafion de faire con-
noître, employés pour la plupart de ces métaux ;
mais on fe fert d’une machine, qu’on nomme laminoir
, principalement''pour le plomb.
Cette machine réduit, par une forte compref-
fîon, le plomb en planches d’une certaine épaif-
feur.
Cet art de laminer le plomb étoit connu en
Angleterre depuis long-temps, & ne s’èft introduit
en France que depuis quelques années.
L’invention du laminoir contribue beaucoup à
diminuer la dépenfe des propriétaires qui ont be-
foin d’acheter du plomb en tables pour les bâti-
mens , terraffes , badins , fontaines , tuyaux, &
autres ouvrages qu’ils font_faire.
D ’ailleurs, le plomb laminé a plufieurs avantages
fur le plomb forgé ou fondu. Indépendamment
de ce que fon prix n’excède pas de beaucoup
celui du plomb ordinaire, il y a de l’épargne
à fe fervir du premier en ce qu’on confomme moins
de matière, & qn il exige moins de foudure ; il
eft par - tout d’une épaifleur parfaitement égale ;
il furcharge moins les charpentes ; fa confiltanCe
étant la même dans toutes fes parties, il n’a point
d’endroits foibles qui foient fiijet’s aux 'caffùrés ;
fa furface eft très-unie, & dès -"kh's les. tuyaux
qu’on en fait font moins fujefs aux fréquentes
éruptions qu’occafionnent le limon du le fédiment
que les eaux charrient e~n y coulant ; enfin , le
plomb laminé n’eft point expoféyaihfi que leplômb
fondu , à aucune altération par le 'aédhirèiîie'iït
ou par la divifion de fes parties ; il a rjflus de
malléabilité & a moins de bouffiffures ;%c de feuillets
qui fe détachent les uns des autres ; les vafes
qu’on en fait contiennent mieux l’eau que ceux
de plomb fondu.
Les grands réfervoirs des hôpitaux de la Pitié
& de la Salpêtrière à Paris, dont le dernier contient
deux mille vingt - cinq pieds cubes d’eau ,
qui font faits de plomb laminé , dont l’extérieur
eft très - fec quoiqu’expofé au grand air , font
une preuve de la lupériorité du plomb laminé fur
le plomb fondu.
Il s’eft établi en 1729 dans cette capitale, au
fauxbourg S. Antoine , une manufacture de plomb
laminé, qui avoit fait yenir d’Angleterre deux laminoirs
propres à cet effet : voici à cet égard Fap.
probation de l’Académie des Sciences, du 29 janvier
1730.
» L’Académie déclare qu’étant chargée, par
l’arrêt du Parlement du premier décembre 1729,
d’examiner deux machines à laminer venues d’Angleterre
, elle a reconnu que la première, qui eft
entièrement femblable à celle dont on fe fert à
Hambourg pour laminer le cuivre, a cette utilité
de plus, qu’allant toujours du même fens, on peut
y faire paffer & repaffer les tables de plomb entre
les deux cylindres fans perdre de temps ; & que
par le moyen d’un régulateur fimple & ingénieu-
fement imaginé -, on peut déterminer précifément
Fépaiffeur qu’on veut donner aux tables de plomb;
qu’à l’égard <le la fécondé machine qui fert à
mouler les tuyaux de plomb, quoiqu’elle ne foit
pas abfolumènt nouvelle, elle a pourtant l’avantage
fur celle dont les plombiers fe fervent, en |
ce que le noyau étant brifè en trois dans toute
fa longueur, ©n peut, par ce moyen, fondre &
former des tuyaux d’un pied & de dix-huit pouces
de diamètre, avec la même facilité que de petits
tuyaux ; ce que les plombiers ne peuvent faire
avec leur noyau d’une feule pièce; & qu’ainfi,
l’établiffement de ces deux machines dans le
royaume eft très - avantageux au public, & nt
peut être onéreux aux plombiers. «
L a m i n o i r .
On :Opèrè le laminage du plomb par le moyen
’d’ün lartiinoir.
Cette inachine eft compofée d’un arbre vertical
, qui , étant mobile fur' fon axe , porte une
roue de champ horizontale.
Indépendamment de ce premier arbre vertical,
il y a deux autres arbres qui font mobiles fur
leurs axes comme le premier , mais qui font fitués
horizontalement & parallèlement l’un fur l’autre.
Le plus élevé de ces deux arbres porte trois,
roues verticales, qui lui font affujéties d’une nia*
nière fixe.
La roue qui eft dans le milieu des deux autres,
reffemble à un hériffon & en prend le nom.
Celles des extrémités font faites en lanterne ;
& la roue de champ ou le rouet, engrène dans
celle dont elle eft voifinê.
L’arbre inférieur ne porte que deux lanternes
verticales qui ne font point affujéties , & qui peu'
vent faire leur révolution indépendamment de
leur axe commun.
t ’urte de ces lanternes eft fous la roue qui eft
en fornie de hériffon, & l’autre répond à la dernière
lanterne de l ’arbre fupérisjir.
Entre les deux roues des extrémités , dont le
diamètre n’eft pas aufli grand que celui de la roue
du milieu, il y a une roue de rencontre. <
Pour faire tourner l’arbre vertical, on attèle des
! chevaux à des leviers qui ont treize pieds de longueur
; alors la roue de cet arbre agiffant fur la
première lanterne de l’arbre horizontal , qui eft
fe plus élevé , met ce fécond arbre en mouve-
jment.;'v^j,^ - ‘ ' v ” r. 1
Le hériffon qui eft entraîné par les révolutions
de fon axe, fait mouvoir, dans une dire&ion op- '
pofée, la lanterne inférieure qui y correfpond,
pendant que la roue de renvoi force l’autre lanterne
à fuivre la même dire&ion que les roues
©ppofées.
Entre ces deux lanternes , il y a un verrou
avec lequel on attache alternativement à chaque
lanterne l’arbre qui lui fert d’effieu.
On adapte encore à l’extrémité de cet arbre,
xun cylindre qui eft placé horizontalement.
Ce cylindre, qui eft de fer fondu, a un pied
de diamètre fur cinq pieds de longueur, & pèfe
| environ deux mille huit cents livres.
A mefure que l’arbre eft conduit par une des
deux lanternes, le cylindre tourne en différens
j fens, & tourne beaucoup plus vite quand il eft
! mu par la lanterne la plus éloignée.
Au deffus de ce cylindre, il y en a un fécond
[ femblable au premier, relativement à fa pofition ,
[ fon volume & fa matière ; & il n’en diffère qu’en
ce que, dans fes deux extrémités, ce fécond cylindre
a un double collet qui lui donne la facilité
de fe moiivoir fur fon axe; & quoiqu’il foit tra-
verfé par quatre colonnes tournées en vis dans
t leur partie fupérieure, il peut monter ou defeendre
| le long'-de ces deux colonnes parallèlement au pre-
I mier cylindre.
Le double collet qui faifit le fécond cylindre
eft attiré par une bafcule , & s’éleveroit toujours
| fi quatre forts écrous que les vis des colonnes re-
[ tiennent, & dont chaque cerne eft armé par le
I bas d’une roue de fer horizontale, ne s’oppofoient
| à l’effort du contrepoids.
A l’aide de deux pignons , une vis fans fin
I meut les cernes dans le fens qu’on veut , fait
I hauffer ou baiffer le double collet pour approcher ou
i -éloigner des cylindres ; & malgré leur grand poids,
I la moindre force fuffit pour cette opération.
Les différentes pièces qui fervent à approcher
I les cylindres , forment , par leur enfemble , ce
i qu’on nomme le régulateur.
Le laminage des tables de plomb entre ce deux
I cylindres, s’opère par le mouvement que le cy-
| lindre fupérieur reçoit de l’inférieur , au moyen
1 de la table qui y eft interpofée ; & comme les
I révolutions de l’un & de l’autre fe font en fens
oppotë , cette diverfijé de mouvement concourt
à chaffer la table yers le même point.
. Lorfque la table de plomb a paffé en entier par
le laminoir, on tire le verrou; & alors le mouvement
des cylindres changeant de direction, la
table retourne au même endroit d’où elle eft
partie.
C ’eft ainfi qu’en la faifant aller & venir plufieurs
fois , on la réduit à l’épaiffeur qu’on veut
lui donner.
Pour que la table ne fe boffue point dans l’opération
du laminage, elle eft foutenue dans tout©
fon étendue par des rouleaux qui font mobiles
fur leurs axes, & qui font portés par un châffis
de cinquante pieds de long fur fix de large.
Les cylindres font pofés en travers dans le milieu
de la longueur de ce châffis.
A l’une des extrémités du châffis & vis-à-vis
de la forme où l’on coule le métal, eft une grue
tournante qui fert pour tirer la table du moule &
la porter au laminoir.
Comme cette table pèfe près de deux mille fix
cents livres , & qu’elle ne feroit pas aifée à remuer
, le fondeur a le foin d’y former un anneau
dans le milieu du côté qu’elle préfente à la grue ;
& dans cet anneau on paffe un cable pour élever
la table au point qu’il faut, au moyen d’un cric
adapté fixement au cylindre fur lequel fe dévide
le cable de la grue.
Ce cric s’engrène dans une petite lanterne de
! fe r , dont l’effieu eft terminé des deux côtés par
une manivelle que deux hommes tournent, &
qui', par ce moyen, obligent le cable de fe plier
fur le cylindre, & fait monter la tahle à la hauteur
qu^il eft néceffaire de l’élever.
Pour faire des tables d’un volume & d’un poids
aufli confidérable que celles qu’on paffe au laminoir
, on fe fert d’une auge dans laquelle on fait
fondre le plomb, qui eft auffi longue que le moule
eft large , qui préfente fa longueur à la largeur
du moule, & qui peut contenir trois mille cinq
cents livres de métal.
Afin que le plomb coule en nappe dans le moule
d’un mouvement toujours égal , il y a un arbre
horizontal mobile fur fon a x e , & qui eft élevé
fte dix à douze pieds au deffus de l’auge , au
moyen de deux leviers qui font fitués horizontalement
, ainfi que l’arbre : ces leviers le traverfent
à angle droit, & font armés d’une demi - poulie
à leurs extrémités.
On attache l’auge, par deux de fes angles , à
des cables qui paffent fur les demi - poulies, &
qui, par les diverfes circonvolutions qu’ils font
autour de l’arbre, lui font fortement affujétis.
En baillant les leviers du côté oppofé à l’auge,
on la fait lever du côté où elle eft attachée & on
fait couler tout le plomb.
Cette machine dont on vient de parler étant
en ordre, lix hommes fuffifent pour la fervir ;
fix chevaux peuvent la faire aller toute l’année
G c ij