
En s’y prenant autrement, on les auroit fe regardant.
On voit par-là que l’arrangement des couleurs
eft fufceptible de combinaifons infinies.
Pour faire la marbrure difpoféé fur le tapis ou
la furface de l’eau du baquet, on prend une feuille
de papier on la tient au milieu de fon extrémité
fupérieure entre le pouce & l’ index de la main
gauche , & au milieu de fon extrémité inférieure,
entre le pouce & l ’index de la main droite ; & on
l ’applique légèrement & fucceffivement fur la fur-
face du baquet,' en commençant par un bout qu’on
appelle le bas.
La furface de la feuille prend & emporte toute
la couleur qui couvre les ea u x ; les couleurs s’y
a tta ch en t, difpofées félon les figures irrégulières
que le mouvement du peigne leur avoit données,
& la furface des eaux relie nette.
S’il en arrive autrement, c’eft un indice qu’il y
a quelque couleur qui pèche & à laquelle il faut
remédier , comme on l’a. dit ci-deffus.
V o y e z fig. ƒ de la vignette de la pl. I , un ouvrier
qui marbre fa feuille.
L a feuille chargée de couleurs, s’étend fur un
des châffis que nous avons décrits. C e châfiis fe
met fur un grand baquet de montfaucon; il y eft
foutenu par deux barres de bois pofées en travers
fur ce baqu et, & qui le tiennent incliné.
Qu an d on a fait cinquante feuilles & qu’il y
a cinquante châffis l’un fur l’autré, c’eft: alors, qu’on
les incline, afin que l’eau de gomme que les feuilles
ont p r ife , puiffe s’en écouler plus facilement.
On les tient inclinées comme on v e u t ,. ou par
le moyen d’une barre de bois pofée par en b a s ,
& qui empêche leur extrémité inférieure de gliffer,
& d’une corde qui tient leur extrémité fupérieure
élevée. La corde les, embraffe par deffous., & v a
faifir par en haut la barre qui- porte d’un bout
au fond du cu v ie r , & qui appuie fur le bord op-
p o féd u cu v ie r ; ou par le moyen de deux barres,
dont l’une eft haute & l’autre baffe.
O n peut encore faire égoutter les feuilles colorées
, par le moyen de deux longs, châffis af-
fembiés à angle. L ’angle aboutit à une rigole qui
reçoit l ’eau gommée qui s’é c o u le , & la conduit
dans un vaifteau.
Il ne faut qu’un quart-d’heure, aux feuilles colorées
, pour fe décharger du trop de gomme &
s’imbiber des couleurs.
Le papier qui doit être marbré, n’aura été qu’à
demi-collé à la papeterie : le trop de collé em-
pêcheroit les couleurs de prendre : Fépaiffeur de
la latte qui s’élève au deffus des réfeaux des cordes
, empêche que les cordes d’un châffis ne touchent
à la feuille étendue fur le châffis qui eft
deffbus.
Lorfque Peau de gomme qu’on feréfervera fera
toute égou ttée, on enlèvera les feuilles de deffus
le s châffis, & on les étendra fur les cordes tendues
dans l’atelier ou dans vm autre endroit.
Qu and ces feuilles font sè ch e s , on les lève de
deffus les cord es , & on les c i r e , foit avec de la
cire blanche , foit avec de la cire jaune , mais
non grade : cette opération fe fait légèrement fur
une pierre ou fur un marbre bien uni.
On liffe les feuilles cirées , c’eft-à-dire, qu’on
paffe deffus la liffoire, qui eft une efpèee de caillou
dur & fort uni.
On peut fe difpenfer de c ire r , en faifant entrer
d’avance la cire dans le broyé des couleurs mêmes.
Pour cet e f fe t , on commence par faire bouillir la
cire avec une goutte d’e a u , puis on la laiffe refroidir
; à mefure qu’elle fe refroidit, on la remue.
Qu and elle eft froide , on en met gros comme une
noifette fur un quarteron de la cq u e , & trois fois
autant fur un quarteron d’indigo. Pour le jaune &
le b lan c , on n’y en donne point.
Qu an d les feuilles font liffée s , on les ploie :
on les met par mains de vingt-cinq feuilles à la
main. On ne rejette pas les feuilles déchirées,
on les raccommode avec de la. colle.
Voilà, tout ce qui concerne le papier commun.
V o ic i la fabrication de celui qu’on appelle placard.
Fabrication du placard. .
Pour la fabrication du placard, vous broierez
votre lacque à L’ordinaire. Qu ant à l’indigo, vous
en triplerez la dofe , c’eft- à-dire , que vous mettrez
trois cuillerées d’indigo fur une pinte d’eau,, &
quatre cuillerées du blanc d’Efpagne ; puis vous
mêlerez bien le. tout.
Vous, emploierez Le vert, comme on l’a preferit
plus haut.
Pour le jaune, vous prendrez de l’orpin jaune,
vous, le broierez avec de l’o cre , vous mettrez fur
quatre parties d’o rp in , feize parties d’ocre , ou
quatre parties d’ocre fur une d’orpin : vous broierez
1e. tout avec, gros comme une petite noifette de
gomme adragant , & deux cuillerées de fiel de
boeuf,, vous en formerez comme une bouillie claire.
Vous emploierez le blanc, comme on l’a dit ci*
deffus.
Vous, commencerez par faire vos eaux plus fortes
que pour le papier commun : vous jetterez le ronge
en tapis, enfuite le bleu en mouches ; vous ferez
cinq rangs de mouches, & fix mouches-fur chaque
rang. Le premier rang occupera le milieu du baquet,
& les deux autres rangs feront entre celui-ci &
les bords du baquet. Troifièmement, le vert en
mouches & par rangs ; ces mouches, de vert feront
au nombre de fix fur chaque ran g , & chaque rang
de vert entre les rangs du bleu.
Quatrièmement, le jaune auffi en mouches &
entre le vert & le bleu ; chaque rang de jaune
aura cinq ou fix mouches. En dernier lieu-, on ie*
mera le blanc par-tout en petites mouches,, comme
des lentilles.
Ce la fa it, on prendra la- pointe & l’on tracera
des palmes, des frifons ol autres figures.
Travail du perfillè.
Le travail du perfillè ne diffère de celui du placard
, qu’en ce qu’au lieu de la pointe on prend
le peigne à un feul rang de pointes ou dents ,
qu’on l’applique en haut, & qu’on le meut fans le
retirer de gauche à droite, ni de droite à gauche,
mais toujours en defcendànt, comme fi l’on écri-
voit du bouftrophedon , c’eft-à^dire , à la manière
des Grecs , d e longues lignes qui fe lient & reprennent
alternativement par demi-cercle. C e qui
doit fe faire lentement & ferré, fans quoi le peigne
eritraîneroit la couleur de haut en bas.
Travail du petit peigne.
Il faut encore ici des eaux plus fortes. O n couche
les couleurs verticalement. Premièremënt, le
rouge en trois colonnes qu’on trace en paffant légèrement
le p inceau à fleur d’eau , de bas en haut.
Secondement , le blanc qu’on prend a vec la
pointe : on fecoue la p o in té , & l’on trace enfuite
trois autres colonnes entre les trois colonnes de
rouge...
Troifièmement, le bleu dont on formera trois
colonnes entre le blanc & le ro u g e , av ec le pinceau.
Quatrièmement, le vert dont on formera au
pinceau trois colonnes entre le bleu & l e rouge.
Cinquièmement, le jaune qu’on jettera en plaques
entre le vert & le" bleu, feulement en deux
colonnes. Il faut qu’il y ait cinq plaques de jaune
fur chacune de fes colonnes , & Ton redoublera
le jet fur chaque plaque pour les- fortifier ; puis
on prendra la pointe, & l’on tracera des zigzags
de gauche à droite, enforte que toute la hauteur
du baquet foit divifée en fept parties égales. Après
quoi l’on fe fe/vira du peigne à cent quatre dents ;
on le placera à fleur d’eau au haut du baquet, &
on le defeendra parallèlement à lui-même fans lui
donner d’autre mouvement.
Si l’on veut pratiquer ici des petits frifons* on
les exécutera avec Un petit peigne à cinq pointes
& 3 CinT reprifes fur toute la hauteur du baquet.
Les pinceaux dont on fe fert pour cojicher les
couleurs, font ferrés & formés en plume.
Q uand on ne veut qu’imiter un marbre ,. on
jette i°. un jaune ; a°. un rouge ; 30. un bleu ; 4 • un noir; 50. un v e r t , & l’on couche la feuille.
Marbrure de la tranche des livres.
r Quant aux livres qui doivent être dorés & qu’il
aut auparavant marbrer fur la tranche, on fe fert
couleurs préparées pour le papier commun ,
jj 0 erve feulement d’en charger d'avantage le
couleC ’ mâlS COmRTe à mefure qu’on enlève la
s’érenT aVeC trailche qu’on trempe, lès couleurs
' ent » ,0n trempe fon doigt dans ie blanc ,
& Ton étend ce blanc à la place de la couleur
en le v é e , & qui refferre toutes les autres.
Les livres , au fortir des mains du marbreur,
font mis à fécher pour paffer au doreur. Quand
ils font fecs , il les égratigne avec un grattoir ;
puis il couche fon or , & frotte fon fer contre fon
vifage pour qu’il puiffe enlever l’or.
Lorfqu’on marbre un livre à demeure, c ’eft-à-
dire , que la tranche n’en doit pas être d o ré e , on
ajoute aux couleurs du papier commun le noir 8c
le vert. On jette les couleurs en cet ord re , b leu ,
rouge , noir , vert , jaune très - menu , puis 011
trempe les livres.
Du papier marbré dit à la pâtée.
C ’é to it , fur le papier, une efpèee d’imitation des
toiles peintes en deux ou trois couleurs. V o ici
comme on y procédoit; car depuis que les découpures,
les indiennes, les papiers en tapifferie, les
papiers de la C h in e , font devenus à la mode, les
papiers marbrés à la pâtée en font paffés.
On faifoit une colle d’amidon, dont on encol-
loit d’abord les feuilles avec une broffe à vergette.
Encollées, on les laiffoit fécher. O n broyoit en-
fuite des couleurs avec la même colle. O n les
mettoit dans autant de petits pots de faïence ver-
niffés ; on en prenoit a vec un pin ceau, & l’on
deffinoit ce qu’on vouloit. O n avoit une aiguillé
à, tête de ve r re , dont on fe fervoit pour faire les
blancs ou tous les petits contours. Cela fa it , on
plioit la feuille en d e u x , on la faifoit féche r, on la
d r o i t , & on la liffoit.
Papier marbré avec des filets d*or.
Lorfqu’on v eu t pratiquer des filets d’or fur un
papier marbré, on applique un patron découpé
fur une feuille marbrée, on met un mordant fur
les endroits qui paroiffent à travers les découpures,
cm y applique l’or en feuilles ; & lorfqu’il eft pris ^
on frotte la feuille avec du coton qui enlève le
fuperflu de L’or , & ce qui eft refté forme les filets
ou les figures qu’on veut donner à la feuille
marbrée.
Papier doré & argenté.
IL y a plufieurs fortes de papiers dorés ; favoir ,
celui à fleurs -ou fonds d’or qui fe- fait en A lle magne
, mais dont For n’eft que du cuivre ; au
lieu que celui $ argent, fabriqué dans le même
p a y s , eft d’argent fin : car celui qui fe fait avec
de l’étain, eft d’un oeil fi plombé qu’on n’en fait,
point de cas. Ces'Tortes de papiers fe fabriquent
.à F rancfort, à Nuremberg, & c .
Le papier doré fur tranche eft du papier à lettre.
Le papier doré par petit feuillet & fait d’or f in ,
fert à plufieurs ouvrages , particulièrement dans
les couvens • de religieufes qui en ornent des reliquaires,
de petits tableaux de dévotion & autres