
Saillant, de forte que, dès que l’on veut faire rendre
un fon plus ou moins fort, il Suffit de prefler plus
ou moins l’extrémité de la touche; & fi Ton veut
avoir des fons tendres, de la nature du tremblant
doux de l’orgue, il faut mettre le doigt fur le bouton
de la touche, & trembler plus ou moins ; ce
qui produit im effet des plus finguliers. J’obferve,
en paflant, que cet ingénieux feigneur a placé des
leviers à peu près de la même efpèce fur ce luth;
& en les prenant plus ou moins avec la paume
de ia main, il en tire des fons tendres 8c très-
flatteurs.
Epinette à orchejlre»
Il y a environ vingt-cinq ans, qu’un particulier
de Paris imagina une efpèce d’épinette à orcheftre,
ou plutôt un infiniment, où il a réuni deux violons
, une taille & un violoncel. Ces quatre inf-
trumens ordinaires, font pofés horizontalement fur
une table ; ils ont des chevalets dans l’endroit où
on les place ordinairement : mais ces chevalets ne
font point bombés ; ils font très-longs, & en ligne
droite, comme un bout de règle, ils occupent l’ef-
pace des deux S S : fur le chevalet de chaque
inftrument ; il y a quatorze cordes de boyaux tendues
: chaque infiniment a un grand archet, placé
à quelques lignes au deflus des cordes ; une pédale
fait tourner une roue , 8c cette roue fait mouvoir
le va & vient de chaque archet.
Les archets ne jouent point auprès des S S des
inftrumens; ils jouent, au contraire, à cinq pouces
de diftance du fillet des violons. Lorfque l’on
met le doigt fur une des touches du clavier , la
corde s’élève, & va s’appuyer plus ou moins fort
contre l’archet ; par conféquent la corde rend alors
un fon. Il eft évident que les cordes du côté du
fillet , doivent avoir des doubles cordes qui les.
alongent : on les monte par le moyen des chevilles
ordinaires. Avec cet inftrument, un homme feul
peut faire un concert entier; il efi dommage que
les violons ne tiennent pas beaucoup l’accord, 8c
que toute cette mécanique-coûte environ quinze
cens livres. Ces détails font fuffifans pour les ar-
tiftes, & .pour le commun 4es lecteurs.
Nouvelles recherches à faire pour perfeElionner les
Epinettes.
En finiflant l’hifioire des épinettes , nous allons
donner quelques nouvelles idées pour les perfectionner.
i° . Au lieu d’archet en tiflùs flexibles, on peut
employer une roue femblable à celle de la vielle.
a0. On pourroit tenter d’exciter la -vibration des
cordes, par le moyen d’un tuyau rempli d’air.
3°. Employer une roue hériffée de petites pointes
de plumes.
4°. Comme l’expérience montre que le chevalet
à marteau mobile de la trompette marine en quadruble
le fon , on pourroit tenter de mettre un
chevalet de cette efpèce fous chaque corde de
l’épinette ; on pourroit aufli tenter de faire des
chevalets à refiorts de difterens bois, qui, en excitant
le mouvement du corps fonore, centuplaf-
fent la force, ou le nombre des ofcillations de l’air
qui efi renfermé dans ce corps fonore, & qui font
csufées par la vibration de la corde.
5°. On fait qu’un violon fans ame a un fon fourd
& très-bas .* on pourroit tenter de mettre plufieurs
âmes fons les cordes de l’épinette.
6°. Quant au claquè-bois, que quelques auteurs
nomment aufli re gale-de-bois, patouille ou èchelette,
nous obferverons préfentement, que Ton joue ordinairement
du claque-bois par le moyen de deux
baguettes, au bout defquelles on met une petite
boule de buis ou d’ivoire ; a°. avec tin clavier dont
l’extrémité des touches-Sert de marteau; 3°.on peut
enfin tenter d’en tirer un fon agréable , en approchant
chaque bâton d’une roue femblable à celle
dé la vielle : enfin , l’on peut fufpendre les bâtons
fur des corps fôiiores.
Le plus grand bâton du claque-bois a ordinairement
dix pouces de long ; le plus petit a trois pouces
& demi. Au lieu de bâton , on peut employer des
cylindres creux de bronze ou d’autre métal.
7°. On peut perfeélionner les corps fonores des
épinettes, i° . par la qualité des bois, a0, par leur
épaifleur, 30. par leur contour, 4®. enfin, par leur
étendue, &c.
8°. On doit obferver que les cordes en boyau
ont un fon plus agréable & plus doux que les
cordes en foie ; a0, que les cordes en métal ont
un fon plus aigu y'plus clair & moins doux que
les cordes tirées du règne végétal ou animal ; le
fil de fer a un fon plus aigu que celui de laiton ;
le fil de cuivre rouge & ceux d’argent ont encore
le fon plus doux ; le fil d’or rend encore un fon
plus doux ; les fils de cuivre filés en cuivre, ont
un fon très-doux & mou ; les fils de métal tordu
ou croifé, ont un fon très-harmonieux & de longue
durée : ils font excellens pour les baffes. Au
lieu de cordes métalliques rondes , on pourroit
effayer à les applatir ou à les rendre triangulaires,
dans l’objet d’augmenter ou de varier la qualité
des fons.
Clavecin oculaire.
Le père Caftel jéfuite, eft l’inventeur d’une efpèce
de clavecin oculaire des plus curieux, mais
des plus inutiles.
C ’eft un inftrument à touches, analogue au clavecin
auriculaire, compofé d’autant d’oâaves de
couleurs par tons & demi-tons , que le clavecin
auriculaire a d’oâaves de fons par tons & dçmi-
tons, deftiné à donner à l’ame, par les yeux, des
fenfations de mélodie & d’harmonie de couleurs
aufli régulières, que celles de mélodie & d’harmonie
de fons que le clavecin ordinaire lui communique
par l’oreille.
Aux cinq toniques de fon, ut, mf mi, fo l, la ]
correfpondentles cinq toniques de couleurs, bleu,
vert, jaune, rouge & violet. Au fept diatoniques
de fon-, ut, re, mi, f a , fo l , la , f i ,u t , répondent
auffi les fept diatoniques de couleurs, bleu, vert,
jaune, aurore, rouge, violet turquin, bleu clair.
Il en efi de même pour les Semi-diatoniques &
les chromatiques. Ainfi, l’on voit naître en couleurs
tout ce que nous avons en fons , mode
majeur & mineur , genre diatonique , chromatique
, &c.
Comme la touche, en preffant ou en tirant une
targette, un pilotte ou un talon, ouvre une fou-
pape pour opérer un fon , de même le père Caftel*
s’eft iervi de cordons de foie, de fil d’archai, ou
de languettes de bois, qui, étant tirés ob pouffés
par le derrière ou le devant de la touche, ouvrent
un coffre de Couleurs, un compartiment, ou une
peinture , ou une lanterne éclairée en couleurs ;
de manière qu’au même inftant que vous entendez
un fon , vous voyez une couleur relative à
ce fon.
Plus les doigts courent & fautent fur le clavier,
plus on voit de couleurs, foit en accords , foit
dans une fuite d’harmonie.
Refte à favoir fi le mouvement des couleurs
peut faire une harmonie, fi ce mouvement.fera
agréable à la v u e , fi l’oeil pourra fentir cette harmonie
; enfin, fi l’ame pourra recevoir , par la
diverfité des couleurs, le même plaifir qu’elle reçoit
par la diverfité des fons.
Méthode pour accorder le Clavecin '.
'Pour accorder le clavecin, dont tous les tons
doivent être formés les uns après les autres , il
faut choifir un tempérament, qui, par une progref-
fion d’intervalles confonnans , puiffe parvenir au
meilleur degré de jufteffe dont cet infirument foit
fufceptible.
Voici la méthode indiquée par M. Sultzer, dans
fon Di&ionnaire allemand des Arts.
On prend d’abord l’iiniffon à'ut', fur un bon
diapafon; ôn en accorde enfuite l’oâave : puis fa
quinte fo l fort jufte , enfuite la quinte jufte de
Jol, ré, dont on prend après l ’o&ave au grave.
On paffe enfuite à la note mi pour l’accorder
fur u t, dont il doit former la tierce-majeure : on
vérifie fa jufteffe, en frappant tout l’accord parfait
d'ut.
De ce mi, on paffe par quinte en montant juf-
qu’au fa dièze ; on reprend enfuite l'ut, & l’on‘
procède par quinte en defcendant jufqu’au re bémol,
en accordant à mefure l’oâave en haut de
chaque quinte.
Alors , il ne manque plus que la qui fe prendra
entre mi 8c re , en le proportionnant aufli bien
qu’il efi pofiible avec l’un & l’autre ; ce qui eft
aifé.
De cette manière , tous lés tons fe trouvent y
d’accord depuis l'ut jufqu’au fa. Les autres s’accordent
enfuite avec ceux-ci, par oâave ou par
quinte.
Au moyen de ce tempérament , chaque accord
parfait & l’échelle de chaque ton, confervent un
caraâère particulier, qui fe marie exaâement avec
le caraâère fenfible des autres inftrumens dans les
mêmes cas.
Obfervations de M. Rousseau de Genève, fur le
tempérament & fur la manière d'accorder les inftrumens
à clavier, Jingulièrement le clavecin. (Extr.
de Vancienne Encyclopédie. )
Le tempérament, dit. M. Rouffeau , eft une opération
par laquelle, au moyen d’une légère altération
dans les intervalles, faifant évanouir la différence
de deux fons voifins, on les confond en
un, qui, fans choquer l’oreille, forme les intervalles
refpeâifs de l’un & de l’autre.
Par cette opération , on Amplifié l’échelle en
diminuant le nombre des fons néceflàires. Sans le
tempérament , au lieu de douze fons feulement
que contient l’oétave, il en faudroit plus de foixante
pour moduler dans tous les tons.
Sur l’orgue, fur le clavecin, fur tout autre inftrument
à clavier, il n’y a & il ne peut guère y
avoir d’intervalle parfaitement d’accord , que la
feule oâave. La raifon en eft que trois tierces majeures
ou quatre tierces mineures devant faire une
oélave jufte, celles-ci la paffent 8ç les autres n’y
arrivent pas.
Ainfi , l’on eft contraint de renforcer les tierces
majeures & d’affoiblir les mineures, pour que les
oâaves & tous les autres iutervalles fe correfpondent
exaâement, & que les mêmes touches puif-
fent être employées fous leurs divers rapports.
Cette nécefiité ne fe fit pas fentir tout-d’un-coup,
on ne la reconnut qu’en perfectionnant le fyftême
muftcal.
Pythagore qui trouva le premier les rapports
des intervalles harmoniques,. prétendoit que ces
rapports fùflent obfervés dans toute la rigueur mathématique,
fans rien accorder à la tolérance de
| l’oreille.
Cette févérité pouvoir être bonne pour fon
temps, où toute l’étendue du fyftême fe bornoit
encore à un fi petit nombre de cordes. Mais comme
la plupart des inftrumens des anciens étoient composés
de cordes qui fe touchoient à vide , & qu’il
leur falloit par conféquent une corde pour chaque
fon ; à mefure que le fyftême s’étendit, ils s’ap-
perçurent que la règle de Pythagore , en trop
multipliant les cordes, empêchoit d’en tirer les
ufages convenables.
Ariftoxène , difciple d’Ariftote, voyant combien
l’exaâitude des calculs nuifoit aux progrès de la
mufique & à la facilité de l’exécution , prit tout-:à-
coup l’autre extrémité ; abandonnant prefqu’entié-
rement le calcul, il s’en remit au feul jueement