
qu’il faut employer pour fon édulcoration, en
augmente affez confidérablement le prix , & fi
l’on vouloit y fub'ftituer de l’eau crue, fût - elle
de rivière ou de pluie, la couleur ne deviendroit
jamais aufll belle qu’avec de l’eau diftillée.
C'eft en prenant , comme on l ’a d it , parties
égales de garance & d’alun qu’on obtient la couleur
defirée ; mais fi l’on change les proportions
dans la préparation , cela donne toutes fortes de
nuances de la même couleur.
Deux parties de garance avec une partie d’alun
, donnent une couleur fort foncée.
J’ai pris encore une demi-partie de garance &
une partie d’alun, & les ayant traitées de la manière
fufdite, le produit a été fort beau, mais plus
claih
J’ai auffi tiré une couleur agréable d’une partie
de garance avec deux parties d’alun, mais encore
phis claire.
Une partie de garance & quatre parties d’alun,
font un très-beau rouge couleur de rofe ; & les
variations répondent ainfi aux autres changemens
que fouffrent, dans la préparation , les proportions
entre la garance 8ç l’alun.
- Au lieu desverfer fur l’extraftion qui venoit
de parties égales de garance & d’alun , une folu-
tion alkaline nette de fel de tartre, je me fervis
pour la précipitation d’une folution de leflive de
fan g , compofée de parties égales de fang, & d’une
partie de fel de tartre , comme je l’ai enfeigné ,
dit M. Margraff , dans mes OEuvres chimiques ,
tome I , page 12.7. Cela me donna auffi une belle
couleur, mais beaucoup plus pâle que celle qu’a-
voit produite la folution de l’alkali le plus pur.
Je mêlai auffi quelque peu de cette extraftion avec
de la folution de fel alkali du règne minéral, &
j’eus de même un rouge, mais moins beau.
Enfin , quand, avant la précipitation, je verfai
fur cette extra£tion quelques gouttes d’une folution
d’étain , qui rehauue beaucoup la couleur
rouge de la cochenille , je n’obtins pourtant pas
une couleur auffi belle que la première, mais elle
étoit plus noirâtre.
J’ai exa&ement mêlé enfemble le précipité que
l’alkaii avoit tiré d’une once d’alun de Rome dif-
fous dans de l’eau, & qui avoit été auparavant
édulcoré au mieux , avec l’extraftion filtrée de la
folution d’une once de garance & d’une demi-
dragmè de fel de tartre ; & ayant de nouveau foi-
gneufement édulcoré le tout avec de l’eau bouillante
, j’ai obtenu par ce moyen une couleur belle
à la vérité, mais pâle.
J’ai encore cherché à infinuer les parties colorantes
de la garance dans une terre calcaire, en
faifant bouillir le tout avec un peu de fel de tartre.
Je filtrai la folution qui avoit beaucoup de peine
à paffer à travers le papier.
Je verfai là-deffus une bonne quantité de folution
de craie, faite avec l’acide du nitre ; il fe précipita
quelque thofe ; j’y yerfai de nouveau un peu de
de fel de tartre, diffous jufqu’à ce que toute la craie
de la folution que j’y avois précédemment mêlée, fe
fût précipitée.
Je fis enfuite l’édulcoration Air le filtre , 8t
j’obtins un précipité d’une couleur médiocrement
foncée, mais qui, après avoir été defféchée, fe
laiffa diffoudre tout de fuite , en écumant avec
force dans l’acide, tant du nitre que du fel, auffi
bien que dans le vinaigre concentré & di Aillé ;
& dans celui-ci, il fe trouva, après que toute la
terre calcaire eût été diffoute par le vinaigre ,
une fubftance rouge qui s’attachoit aux doigts
comme une efpèce de réfine.
Toutes ces couleurs , en particulier celles où
entre la terre d’alun, font fort utiles pour les peintures
à l’eau fur des murs, & s’y confervent fans
le moindre changement, tout auffi bien que la
peinture à l’huile ; feulement elles ne font pas
auffi brillantes.
Un examen plus particulier de la garance que
j’ai entrepris, continue M. Margraff, me mettra
peut-être en état de fournir de plus grands détails
fur la belle couleur que je n’aurois Jamais cru fe
trouver renfermée dans ce végétal, & pouvoir en
être tirée. (Suppl, de Vancienne Encyclopédie. )
Plantes dont on peut tirer des lacques de diverses
couleurs.
Le bois néphrétique & fes trois différentes ef-
pèces, que les Anglois appellent fufîïcks, dont on
fe fert pour la couleur jaune & le vert.
La compégiane & le fylvefter; ce font des ef-
pèces de baies ou de grains qu’on apporte des
Indes occidentales, & qui donnent la même couleur
que la cochenille , mais moins éclatante &
moins belle.
On peut y joindre la graine de fumach , les
coquelicots , la réglifle, lé curcuma, les fleurs de
fafran fauvage, l’anotto, compofition qui fe fait
d’un mélange d’algue pourprée , d’urine & de
graiffe, & qui donne une belle écarlate ; le genet
pour le jaune.
Il y en a d’autres dont on ne fait point ufage
dans la teinture , tels que le fafran , le phalan-
gium & la tranfeendante , qui donne un bleu fonce
fort beau ; les barbots dont on fait le beau bleu
d’azur des teinturiers ; l’algue marine des teinturiers
, qui eft différente 'de l’algue pourprée. Jean
Bauhin en compte deux efpèces : les jacinthes ,
notre colchicum pourpre, le baccifera triplex ; le
tournefol dont le fuc donne la couleur qui porte
ce nom ; la blattaria ou herbe au mittes, dont la
fleur eft jaune & bleue ; le convolvùlus d ’Amérique
à feuilles pli fiées, ou méchoacan.
Il y a encore quelques autres plantes qui contiennent
un fuc colorant , comme la tithymale,
le laitron épineux , le fonchus afper , le piffenht,
la barbe de bouc , la feammonée françoife , les
raiponces, les laitues dont la plupart jaunirent en
féchant
féchant au foleil ; ce qui fait penfer que la cam-
baye eft un fuc de la tithymale. Le mille-pertuis
& la toute-faine ont un fuc rouge dans leurs boutons.
1
La grande chélidoine & le felfel des Alpes ,
donnent un fuc jaune.
Il y a d’autres baies de- plantes qui fourniflent
auffi des couleurs; telles font la morelle , la vigne
blanche, le houx , le fceau de Salomon , l’aconit,
le framboifier , le cerifier, la bourge-épine , le
fuc vert des peintres, les noix vertes, ainfi que
la bézéta ou torna folis de Bezedinus.
On peut encore mettre de ce nombre les fleurs
de grenadier , l’amaranthe , la graine d’héliotrope ,
qui broyée donne un fuc d’abord v e r t, qui devient
enfuite bleu & enfin pourpre, fuivant Li- !
bavius.
L’alaterne en donne un noir, félon Clufius; les
fleurs de chicorée, de la feabieufe des Indes ; le
chryfantemon de Crète ; le creffon des Indes, &
une infinité d’autres.
Les plantes dont les feuilles donnent de la couleur
font, le flramonium , l’arbre colorant de Virginie
, dont les feuilles, en les broyant dans la
main, donnent un vert foncé ; les feuilles de l’acanthe
, du tabac , du fenouil d’Efpagne , qui
donnent un beau v e r t, quoiqu’en les frottant dans
la main, fur du papier ou du linge, elles donnent
du bleu.
Lacque de Cochenille.
Voici le procédé propre à tirer la lacque de la
cochenille. Il confifte à prendre de cochenille
quatre onces ; d’alun, une livre ; de laine bien fine
& bien pure, une demi-livre; du tartre pulvérifé,
une demi-livre ; du fon de froment, huit bonnes
poignées.
Faites bouillir le fon dans environ vingt-quatre
pintes d’eau , le plus ou le moins ne fait rien à
la chofe ; laiffez repofer cette eau pendant une
nuit, pour q u ’ e lle s’éclaircifle bien ; filtrez-la afin
qu’elle devienne pure.
Prenez pour lors un chauderon de cuivre affez
grand pour que la laine y foit au large : verfez-
y la moitié de votre eau de fon, & autant d’eau
fcommune que vous jugerez néceflaire pour la
} quantité de laine; faites-la bouillir; mettez-y l’alun
; & le tartre, & enfuite la laine que vous y ferez
j bouillir pendant deux heures , en la remuant tou-
Ijours de bas en haut & de haut en bas , afin
I qu’elle puiffe bien fe nettoyer.
Après qu’elle aura bouilli le temps néceflaire,
mettez la laine dans un filet pour la bien laifler
I egoutter.
I f l renez P?ur l° rs ta moitié de l’eau de fon qui
I ï? Je.ftée : joignez- y vingt-quatre pintes d’eau,
I faites - la bien bouillir ; lorfqu’elle bout bien
I °rt, mettez-y la cochenille qui doit être pulvérifée
I «ni plus fin 8c mêlée avec deux onces de tartre ;
Arts 6» Métiers. Tome IV. Partit I.
il faudra remuer continuellement ce mélange pour
qu’il ne fuie point : mettez-y alors 1a laine oc faites-
la bouillir pendant une heure & demie, en ob-
fervant de la remuer comme on l’a dit.
Lorfqu’elle aura pris 1a couleur , nmettez -ta
dans un filet pour égoutter ; elle fera pour lors
écarlate.
Il eft vrai que cette couleur pourra fe rehaufîer
par le moyen de l’étain & de l’eau - forte , ou
dans les chaudières d’étain ; mais on ne pouffe pas
le procédé plus loin , parce que ce qui précède
fufht pour tirer la lacque.
Voici maintenant la manière de tirer la lacque
de cette l^ine.
Prenez environ trente-deux p:ntes d’eau claire;
faites - y fondre affez de potafle pour avoir une
leflive fort âcre; purifiez-la en la filtrant; faites
bien bouillir la laine dans une chaudière, jufqu’à
ce qu’elle foit devenue toute blanche & que la
leflive ait pris toute fa couleur ; preffez bien la
laine, & paffez la leflive par la chauffe.
Prenez deux livres d’alun ; faites-les fondra dans
l’eau , & verfez-les dans la leflive colorée ; remuez
bien le tout ; la leflive fe coagulera & s’épaiflira :
remettez-la à la chauffe, la lacque y reftera & la
leflive paffera claire & pure.
Si toutefois elle avoit encore de la couleur, il
faudroit la faire bouillir un peu & y remettre encore
de l’alun diffous ; elle achèvera de fe coaguler
, & la lacque ne paffera plus.
Quand toute la lacque aura été rètenue dans
la chauffe, il faudra verfer plufieurs fois de l’eau
fraîche par deffus , afin d’achever d’en ôter l’alun
& le fel qui auroient pu y reffer.
Prenez alors un plateau de gypfo ou de craie ,
mettez votre couleur deffus , ou faites-en de petits
globules comme des pilules , ce qui fera facile
avec un entonnoir, & gardez-les pour l’ufage,
Vous aurez, en fuivant exa&ement ce procédé ,
une lacque très-belle.
Il faut encore obferver ici que fi dans la cuiffon
il fe diflipe beaucoup d’eau & qu’elle diminue
trop , il faudra bien fe garder d’y mettre de Peau
froide ; c’eût de l’eau bouillante qu’on y verfe
dans ce cas, fans quoi l’opération pourroit manquer :
du refte, la méthode eft infaillible.
Si quelqu’un vouloit faire de la lacque fans avoir
la peine de commencer par teindre la leffive, en
voici un moyen fort aifé & très-peu coûteux. Il
n’y auroit qu’à prendre de la teinture de drap
écarlate ; la faire bouillir dans la leflive fufdite ,
& procéder du refte comme on vient de dire : on
fe difpenfera ainfi de la peine de teindre la laine
& des autres opérations.
Autre procédé pour tirer la lacque de la Cochenille.
On prend une leflive de potafle ou de tartre
bien épurée; on y ajoute une petite folution d’alun;
on met la leflive dans un grand vaiffeau de
B b