
L’oeil appliqué au foyer du dernier verre f doit
voir les objets d’une manière très-diftin&e, droits
& groflis, fuivant la proportion de la diftance du
foyer d’un des verres oculaires, à la diftance du
foyer du verre objeâif.
On fait quelquefois des télefcopes terrcftres à trois
verres, dont Kepler donna la première idée. Ces
télefcopes repréfentent également les objets droits
& groflis, mais ils font fujets à de grands incon-
véniens : car les objets y paroiffent teints de fauffes
couleurs, & défigurés vers les bords.
On a fait aufli des télefcopes terreflres à cinq
verres, & il avoit paru jufqu’ici qu’ils ne pouvoient
repréfenter les objets que d’une manière affez
foible & affez confufe, à caufe des rayons qui
doivent être interceptés en paffant par chacun de
ces verres. Cependant, M. Dollond, célèbre opticien
anglois , a fait voir , par plufieurs lunettes
excellentes à fix verres, que l'interception de ces
rayons n’eft point, autant qu’on l’imaginoit, un
obftacle à la perfection des télefcopes.
Télefcope de nuit.
On a fait depuis quelques années en Angleterre,
des lunettes d’approche de nuit, qui fervent principalement
fur mer pour fuivre un vaiffeau, re-
çonnoître une côte, l’entrée d’un port, &c. Ces
lunettes , dont la première idée paroît due au
doCteur Hook, font compofées d’un objeétif d’un
grand diamètre, afin qu’il puiffe recevoir beaucoup
de rayons, 8c de deux ou quatre oculaires.
Ces oculaires fervent principalement à diminuer
la longueur de ces lunettes , dans lefquelles on
voit les objets renverfés. Cet inconvénient eft moindre
qu’on ne le croiroit d’abord, parce que, pour
l’ufage auquel on les deftine, il futfit qu’elles puif-
fent faire reconnoître & diftinguer fenfiblement les
maffes. De plus , l’habitude de s’en fervir doit
bientôt diminuer, ou même faire difparoître cet inconvénient.
Télefcope de réflexion*
Le télefcope de réflexion fe nomme aufli catop-
trique ou cata-dioptrique. Il eft principalement com-
pofé de miroirs en plan de verres ou de lentilles ;
& au lieu de repréfenter les objets par réfraétion
comme les autres, il les repréfente par réflexion.
On attribue ordinairement l’invention de ce télefcope
à l’illuftre Newton. Cependant, s’il l’inventa,
comme on n’en peut prefque pas douter, il
ne commença à penfer à ce télefcope, comme il le
dit lui-même, qu’en 1666 ; & trois ans auparavant,
c’eft-à-dire, en 1663 , Jacques Grégory , favant
géomètre écoffois , avoit donné dans fon Optica
promot a , la defcription d’un télefcope de cette
efpèce. Caffegrain, en France, avoit eu aufli, à peu
près dans Je même temps, une idée femblable ;
mais ce qu’on aura peut-être de la peine à croire,
c ’eft que la première invention du télefcope de
réflexion, date de plus de vingt ans auparavant
& appartient inconteftablement au père Merfenne
comme il réfulte d’un paffage très-clair & très*
pofitif de fa Catoptrique.
Cependant, il y eut un grand intervalle de temps
entre l’invention & l’exécution de ces télefcopes
de réflexion ; ce ne fut qu’en 1719 que M. Hadley,
de la Société royale de Londres, parvint à en faire
deux de cinq pieds trois pouces d’Angleterre, qpi
réuffirent fi bien, qu’avec un de ces télefcopes il
voyoit les fatellites de Jupiter & de Saturne, aufli
diftinétement qu’avec un télefcope ordinaire de
123 pieds.
M. Hadley ayant communiqué depuis à M.
Bradley, aftronome du ro i, & à M. Molineux, fes
lumières fur l’exécution de cet infiniment, ces
meflieurs s’affocièrent pour tâcher d’en faire de
26 pouces de long. Leur but principal dans cette
entreprife , étoit de perfectionner l’art des télefcopes,
& d’engager les artiftes de Londres à en
faire à un prix raifonnable.
Ces favans ayant réufli , communiquèrent
leurs découvertes à M. Scuflet, habile opticien,
& à M. Héarne , ingénieur pour les inftrumens
de mathématiques. Depuis ce temps, ces télefcopes
font devenus communs, non-feulement en Angleterre,
mais encore en Hollande, en France, &c.
MM. Paris & Gonichon & M. Paffement, ont
depuis perfectionné ces inftrumens à Paris.
Le télefcope de Grégory, dont il eft queftion,
eft compofé de deux tubes, l’un plus grand que
l’autre, <
Dans le fond du grand tube eft un grand miroir
concave , percé à fon centre d’une ouverture d’un
demi-pouce de diamètre ou aux environs. Un autre
miroir concave d’un demi - pouce de diamètre ,
dont la concavité fait partie d’une plus petite fphère
que le grand miroir, eft placé de façon que fon
foyer fe trouve un peu au-delà du foyer du grand
miroir. On place enfuite, comme il convient, une
lentille qui fert d’oculaire.
Le télefcope de Cajfegrain ne diffère du précédent,'
que par la forme du petit miroir qui eft convexe
dans ce télefcope au lieu d’être concave. Mais il
réfulte de cette forme , iG. qu’on peut le faire plus
court que celui de Grégory , 20. qu’au lieu de
repréfenter, comme celui-ci, les objets dans leur
fituation naturelle, il les renverfe.
Télefcope de Newton ou Newtonien.
Une des principales caufes de l’imperfeéHon des
lunettes, eft la différente réfrangibilité des rayons
de lumière. Car ces rayons étant différemment
réfrangibles , font d’abord différemment rompus
par la lentille; & étant enfuite rapprochés, ils forment
des foyers différens par leur réunion.
C ’eft ce qui avoit engagé Newton à imaginer fon
télefcope catadioptrique, où il fubftitue la réflexion
à la rçfra&ion, parce que tous les rayons de lumière
réfléchis par un miroir, concourent tous ail moins
fenfiblement au même foyer ; ce qui n’arrive pas
dans les lentilles.
Le télefcope Newtonien diffère de celui de Grégory
& de Caffegrain , en ce que le grand miroir
concave n’eft point percé, que le petit miroir n’eft
ni convexe ni concave, mais fimplemeut plan elliptique
& incliné à l’axe du télefcope de 45 dégrés ;
enfin, que l’oculaire convexe eft placé fur le côté
du télefcope dans la perpendiculaire à cet axe ,
tirée du centre du petit miroir.
Ainfi, dans ce télefcope , le grand miroir réfléchit
les rayons qui viennent de l’objet , fur le
petit qui les réfléchit, à fon tour, fur l’oculaire ,
d’où ils fortent parallèles.
Pour cet effet, le petit miroir eft placé en-deçà
du foyer du grand , d’un efpace tel qu’il eft égal
à la diftance du centre du petit miroir au foyer
de l’oculaire ; de façon que les rayons, après avoir
été réfléchis fur ce miroir, allant fe réunir en un
point entre lui 8c l’oculaire, ce point eft le foyer
de ce dernier.
Il réfulte de cette conftruétion, qu’on doit voir
dans ce télefcope les objets renverfés. En effet,
l’image de l’objet, étant renverfée au foyer du grand
miroir, fa pofition eft la même malgré la réflexion
fur le petit, un oculaire convexe ne changeant
rien à la fituation de l’image peinte à fon foyer.
Par la pofition de l’oeil dans ce télefcope, il eft
affez difficile de le diriger vers un objet ; c’eft
pourquoi, pour y parvenir avec plus de facilité,
on place deffus une petite lunette dioptrique, dont
l’axe eft parallèle à celui du télefcope. Les Anglois
l’appellent un trouveur , on pourroit l’appeler en
françois un dire&eur. Cependant, malgré cefecours,
on a encore quelquefois de la peine à diriger cet
inftrument.
On fe fert, pour les télefcopes de réflexion, de
miroirs de métal. M. Hadley , célèbre opticien
anglois, çonfeille, pour faire ces miroirs, la com-
pofition fuivante comme la meilleure qu’il ait
; éprouvée.
Prenez du cuivre rouge, de l’argent, du régule
dantimoine, de l’étain , del’arfenic; faites fondre,
& coulez le tout dans des moules de laiton fort
chauds.
Voici une autre compofition préférable de M.
Paffemant. Prenez vingt onces de cuivre , neuf
onces d’étain de mélac : le tout étant en fufion un
quart-d’heure, après l’avoir remué deux ou trois
rois avec une barre de fer , verfez-y fept gros de
*?0fl antimoine cru; remuez le tout & le laiffez en
nilion pondant quinze ou vingt minutes, en pre?»
nant garde aux vapeurs qui s’en élèvent.
Binocle ou Télefcope binoculaire,
Ceft un télefcope par lequel on peut voir les
Djets avec les deux yeux en même temps. Il eft
ompofe de deux tuyaux, qui contiennent chacun
des verres de même force* On a cm qu’il repré-
fentoit les objets plus clairs & plus grands que le
télefcope monoculaire , & cette raifon a engagé
plufieurs auteurs à en traiter affez au long, entre
autres le P. Antoine - Marie de Rhéita, capucin ,
dans fon oculus Enoch & Elite ; & après lui le père
Chérubin d’Orléans , aufli capucin, dans le tomeXI
de fa Dioptrique oculaire , qui a pour titre de la
Vifion parfaite : mais on a reconnu que ces fortes
de télefcopes étoient plus embarraffans qu’utiles ;
aufli la plupart des meilleurs auteurs qui ont traité
de la dioptrique, n’en ont fait aucune mention.
On fait aufli des microfcopes binocles ; mais
comme ils ont les mêmes inconvéniens que les
télefcopes de cette efpèce , ils font fort rares &
très-peu en ufage.
Lunettes achromatiques.
Les lunettes achromatiques, c’eft - à - dire, fans
couleurs , font celles où l’on corrige l’aberration
des rayons qui colorent & défigurent les objets ,
& dont les verres font çômpofés de deux ou trois
couches de diverfe denfité.
Cette découverte eft une des plus importantes
qu’on ait faites pour le progrès de l’aftronomie depuis
un fiècle. La première idée en eft due à M. Euler.
Cet illuftre académicien obferve que la différence
des . foyers des rayons de diverfés couleurs, eft la
principale caufe de l’imperfeCtion des lunettes, parce
qu’entre le point où fe réunifient les rayons violets
& celui où concourent les rayons rouges , il y a
un pied de différence fur une lunette de 27 pieds.
Cette difperfion des foyers eft caufe qu’on ne
peut pas joindre à un objectif donné un oculaire
d’un très-court foyer, parce que l’image que l’oculaire
doit repréfenter étant étendue fur un efpace
confidérable, lepetit oculaire ne peut la raffembler.
Newton avoit déjà foupçonné que des objectifs
compofés de deux verres avec de l’eau entre deux ,
pourroient diminuer l’aberration de la fphéricité ;
mais il ne paroît pas qu’il eût fongé à rétrécir, par
le même moyen, l’efpace par lequel les foyers des
divers rayons fe trouvent difperfés.
M. Euler confidéra que , dans notre oeil, les
différentes humeurs font arrangées, de forte qu’il
n’en réfulte aucune diffufion de foyer : il penfa
qu’on pourroit imiter cette perfection de la nature,
en combinant divers milieux dans les lunettes ; &
il calcula les courbures des verres entre lefquels il
falloit mettre de l’eau, pour raffembler les rayons
de diverfes couleurs à un même foyer : mais les
verres qu’on exécuta d’après fon mémoire, n’eurent
pas le fuccès qu’il en avoit efpéré.
M. Jean Dollond , célèbre opticien de Londres l
chercha en 1753 , à corriger cette différente réfrangibilité
, en combinant enfemble plufieurs verres
de différentes courbures ; mais les effais n’eurent
encore que peu de fuccès, en comparaifon de c$
que l’on fit bientôt après.