
leur fera déchargée de fel & d’alun, plus elle fera
belle.
Dès que l’eau ne fe chargera plus de fel &
qu’elle fortira fans changer de couleur, vous ferez
affuré que tout le fel & l’alun ont été emportés
; alors vous trouverez au fond du pot de
ia lacque pure & dune belle couleur.
Il faut obferver entr’autres chofes dans ces opérations
que lorfqu’on a fait un peu bouillir les
fleurs dans une leffive , qu’on l’a décantée, qu’on
en a verfè une nouvelle fur ce qui refte ; qu’après
une deuxième cuiiTon douce , on a réitéré cette
opération jufqu’à trois fois % ou plutôt tant qu’il
vient de la couleur, & qu’on a précipité chaque
'extrait avec de l’alun; chaque extrait ou précipitation
donne une lacque ou couleur particulière,
qui eft utile pour les différentes nuances dont font
obligés de fe fërvir les peintres en fleurs.
On ne doit pourtant point attendre cet effet de
toutes les fleurs, parce qu’il y en a dont les couleurs
font fi tendres, qu’on eft obligé d’en mettre beaucoup
fur une petite quantité de leffive, tandis qu’il
y en a d’autres pour qui on prend beaucoup de
leffive fur peu de fleurs; mais ce n’eft que la pratique.
& l’expérience qui peuvent enfeigner quel
elt le tempérament à garder.
Il ne s’agit plus que de fécher la lacque qu’on a
tirée des fleurs. On pourroit l’étendre fur des morceaux
de linge blanc, qu’on feroit fécher à l’ombre
fur des briques nouvellement cuites; mais il vaut
mieux avoir une plaque de gypfe , haute de deux
ou trois travers de doigts.
D_ès„ qu’on voudra fécher la lacque, on fera un
peu chauffer le plateau de gypfe & on étendra la
lacque deffus ; ce plateau attire pomptement l’humidité.
Un plateau de gypfe peut fervir long-temps
à cet ufage , pourvu qu’on le faffe fécher à chaque
fois qu’on l’aura employé.
Au lieu de gypfe , on pourroit encore fe fervir
d’un gros morceau de craie liffe & unie.
Il n’eft pas indifférent de fécher la lacque vite
ou lentement, car il s’en trouve q ui, en féchant
trop vite , perd i’éclat de fa couleur & devient
vilaine ; il faut donc en ceci beaucoup de patience
& de précaution.
Difiillation dans /’efprit-de-vin.
Paffons à la méthode de tirer la lacque artificielle
par l’efprit - de - vin : voici cette méthode félon
Kunkel.
Je prends, dit-il, un efprit-de-vin bien re&ifié
& défhgmé ; je le verfe fur une plante ou fleur
dont je veux extraire la teinture : fi la plante eft
trop grofle ou sèche, je la coupe en plufieurs morceaux;
s’il s’agit de fleurs, je ne les coupe ni ne
les éerafe,
Auffitôt que l’efprit- de -vin s’eft coloré, je le
décanté & j’en verfè de nouveau-.
Si la couleur qu’il me donne cette fécondé
fois eft femblable à la première, je les mets en*
femble ; fi elle eft différente, je les laiflè à part,
j’en ôte l’efprit-de-vin par la voie de la diftilla-
tion , & je n’en laiffe qu’un peu dans l’alambic
pour pouvoir en retirer la couleur ; je la mets
dans un vafe ou matras pour la faire évaporer
lentement, jufqu’à ce que la couleur ait u n e con*
fiftance convenable, ou jufqu’à ce qu’elle foit entièrement
sèche; mais il faut que le feu foit bien
doux, parce que ces fortes de couleurs font fort
tendres.
' Il y a des couleurs de fleurs qui changent &
d o n n en t une teinture toute différente de Ta couleu
r qu’elles ont naturellement, c ’e ft ce qui arrive
fur-tout au bleu ; il faut une grande attention &
un foin particulier pour tirer cette couleur ; il n’y
a même que l’ufage & l’habitude qui apprennent
la manière d’y réuflir. *
Finiffons par deux courtes obfervations ; la première
, que les plantes ou fleurs donnent fouvem
dans l’efprit-de-vin une couleur différente de celle
qu’elles donnent à la leffive.
La fécondé, que Pextraâion ne doit fe faire que
dans un endroit frais ; car pour peu qu’il y eût
de chaleur , la couleur fe gâteroit ; c’eft par la
même raifon qu’il eft bien aifé en diftillant de fe
tromper au degré de chaleur , & que cette mé-
prife rend tout l’ouvrage laid & difgracieux ; un
peu trop de chaleur noircit les couleurs des végétaux.
Le lapis lui-même perd fa couleur à un feu
trop violent. ( D. J. Ancienne Encyclopédie. )
Lacque rouge fort durable , extraite de la garance o*
propre à la peinture ,* fecret perdu, & retrouve par
M. Margrajf.
Perfonne n’ignore combien les bons peintres font
de cas des couleurs qui joignent à la beauté la
durée ; en effet, quelque perfection qu’ils mettent
dans les productions de leur art , ft les couleurs
I qu’ils y emploient s’effacent, foit d’abord, foit à
la longue, le tableau perd tout fon prix & ne ref*
femble plus à celui qui étoit forti de la main du
peintre.
C ’eft ce qui engage ces artiftes à foumettre aux
plus fortes épreuves les couleurs qu’ils veulent employer.
Pour cet effet, ils prennent celles qüi fou-
tiennent le plus long-temps l’aâion des rayons du
foleil, & ne s’y terniffent pas.
Ils broient les couleurs avec un peu d’huile
tirée du pavot par l’expreffion, & font avec ces
couleurs une ou plufteurs raies fur les vitres d une
fenêtre, qui foit dans l’expofition du foleil la plus
forte & la plus longue, & ils jugent de leur durabilité
par le temps plus ou moins long pendant
lequel e lle s s’y fo u tien n en t.
La couleur qui furvit, pour ainfi dire, à toutes
les autres, ^elt d’autant plus eftimée qu’elle lui*
fifte le plus long-temps.
En I7Î3 quelques amis, dit M. Margraff, me
donnèrent une femblable couleur rouge qu’ils te-
„oient de M. Pefne, célèbre peintre de la cour
de Berlin , qui l’employoir comme une des plus
durables", mais dont la compofition étoit demeurée
inconnue’ à la mort d’un homme qui la fournif-
foit & qui en poffédoit feul la préparation, me
priant de la retrouver s’il étoit poliible.
Le total n’alloit pas au-delà d’une demi-dragme ;
ce qui n’empêcha point que je ne tentaffe l’entre-
prife, & ne fiffe les expériences fuivantes.
V Je pofai un peu de cette couleur fur la langue
humide , & je remarquai qu’elle avoit été attirée
par la langue & y étoit demeurée att achée. Là-
deffus j’en jetai un peu dans de l’efprit de nitre;
je ne remarquai point d’effervefcence , mais la folution
du mélange fe fit fort tranquillement, fans
que la fürface s’élevât le moins du monde :d ’où
je conclus que la bafe de cette couleur étoit une
terre précipitée de 1 alun par un alitai!, & enfuite
; bien édulcorée, à laquelle s’attachoient les parties
■ de tel ou tel corps coloré, & fouffroient en même
temps la précipitation. La bafe étant ainfi connue ,
il s’agiffoit de trouver la partie colorante.
Comme la cochenille paffe pour donner une
des couleurs rouges les plus belles & les plus durables
, & qu’on en fait auffi de belles lacques pour
la peinture, j’effayai d’en lier la fubfiance colorée
avec une terre d’alun.
Je fis bouillir diverfes quantités de cochenille
pulvèrifèe, avec de bon alun de Rome & autant
: d’eau qu’il convenoit je filtrai cette décoélion par
un papier, je précipitai la leffive colorée au moyen
d’une folution nette de fel. alfcali fixe préparé du
i tartre , je l’édulcorai avec de l’eau de bouillante ,
r je la fis fécher, & j’obtins quelques couleurs,
! belles à la vérité, mais inférieures néanmoins, pour
la beauté & pour la durée, à celle qu’on m’avoit
donnée ; elles tiroient plus au cramoifi & ne fou-
tenoient pas long-temps les rayons du foleil qui
les privoient bientôt de leur luilre.
Je remarquerai ici que dans la préparation des
! couleurs fkfdites & de celles dont j7ai encore à
parler, je ne me fuis fervi que de l’alun de Rome,
; parce qu’il ne contient point de parties martiales ,
& j’ai toujours employé de l’ éau diftillée nette. I
J’ai fuivi les mêmes procédés pour diverfes
I épreuves faites avec des grains de Kermès , avec
de la gomme lacque en bâtons, avec ces graines
qu’on trouve aux racines du polyganum coccife-
I rum , comme auffi avec toutes fortes de bois de
I teinture , tels que celui de Fernambouc & autres.
Quelques-uns donnoient à la vérité d’a.Tez beaux
I produits, mais aucuns ne foutenoient long-temps
I les rayons du foleil ; quelques-uns mêmes s’y
K terniffoient d’abord : fur-tout il ne s’en trouvent
K point qui égalât la lacque que j’avois reçue, par
I rapport à la vivacité de la couleur , d’un, rouge
a de fang enflammé.
Là-deffus je penfai à la garance, dont on fait
un grand ufage dans, la teinture.
On en trouve chez tous les droguiftes , mais'
dé qualités fort différentes. La meilleure, qui eft
cellè de Hollande, coûte 12 à 16 gros la livre.
J’en pris deux, onces auxquelles je joignis autant
d’alun de Rome, le plus pur & le mieux çhoifi.
Je fis di.ffou.dre l’alun dans un pot net verniffé,
où j’avois mis auparavant trois quartes d’eau diftillée
que j’avois fait bouillir.
Je remis au feu le pot, & l’en retirai auffitôt
que l’eau commença à bouillir.
Je jetai enfuite la quantité de garance dans cette
eau bouillante ; je lui fis faire encore un ou deux
bouillons. -
... Je retirai le tout du feu,. & je fi'trai le mélange
par un filtre double de papier blanc.
Je laiffai repofer pendant une nuit cette liqueur
tirée au clair, afin que le peu de pouffière qui
pouvoit avoir paffé par le filtre, allât entièrement
à fond.
Je verfai tout doucement l’eau colorée d’un
rouge clair, dans le vaiffeau de terre qui avoit
été de nouveau nettoyé.
Je fis chauffer encore une fois le tout, & je
verfai deffus une folution de fel de tartre tout à
fait limpide & auffi claire que de l’eau , jufqu’à
ce que la garance eut ceffé de fe précipiter.
Je mis le précipité coloré fur un nouveau filtre
double ; je fis entièrement écouler 1^ fluide, & je
verfai fur la poudre rouge qui étoit demeurée dans
le filtre, de l’eau diftillée, nette 8c bouillante,
jufqu’à ce que l’eau qui paffoit au travers n’eût
plus aucun goût falin; après quoi, je fis fécher entièrement
la couleur fur un fourneau modérément
chauffé -, & elle fe trouva du plus beau rouge
foncé, parfaitement femblable à la couleur qu’on
m’avoit donnée,. 6c même d’une plus belle apparence.
J’envoyai auffitôt à mes amis de cette couleur ,
: afin qu’ils en donnaffent à M. Pefne pour l’éprouver
; 8t. à quelque temps delà , ils m’affurèrent
que c’étoit non-feulement la couleur perdue que
j’avois retrouvée , mais qu’elle étoit beaucoup plus
Belle , 8c qu’il réfultoit des épreuves auxquelles
on l’avoit foumife , qu’elle feroit parfaitement
durable.
J’en ai moi-même tracé des raies fur une vitre ,
après l’avoir mêlée, comme je l’ai dit ci - deffus ,
avec de l’huile de pavot ; & depuis fsrae ans il
n’eft arrivé aucun changement à cette couleur ,
qui demeure auffi belle qu’elle Têtoit le premier
jour. Ainfi , elle eft fort préférable à toutes celles-
qu’on pourroit tirer , tant de la cochenille que
: d’autres végétaux.
On voit aifémenî que cette couleur ,. par rap-
port aux drogues qui y entrent, fera beaucoup
moins coûreufe que ceüe qu’on feroit avec de la
cochenille.
Cependant, la grande quantité d’eau diftillée;