
commerce eft libre, ou chaque citoyen peut travailler
de fon métier, vendre & tenir boutique fans
être aggrégé à. aucun corps de jurande- j il n’en
eft pas moins tenu de fe conformer aux réglemens
de police générale & particulière pour chaque pro-
feflîon.' Plusieurs arrêts ont enjoint aux marchands
& artifans qui ne font point corps , de fouffrir la
vifite de ceux qui font prépofés par "les magiftrats
qui préfident à la police dans le lieu de leur réfi—
dence. Leurs marchandifes font fujettes à être faites
, lorfqu elles fe trouvent défeCtueufes. Ils peuvent
être ailignés à la requête du procureur du roi,
par devant le lieutenant de. police, lequel, en cas
de contravention, a le droit de les punir par l’amende,
par la confifcation , &ç.
Cette forme d’adminiftration eft beaucoup plus
(impie que celles des ju ra n d e s , elle n’entraîne pas
tant de dépenfes, & ne donne pas lieu aux mêmes
abus. Dans les communautés, le nombre des vifites
n’a été réglé par année , que pour autorifer une
perception de droits. À moins que quelque intérêt
lecret & particulier ne provoque la févérité des gardes
&- jurés , ce n’eft plus qu’une pure formalité.
Il en eft de même de tous les aCtes de jurifdiCtion
qui lui font confiés. N’eft-il pas à craindre qu’ils
n’en abufent pour exercer leurs vengeances particulières
, qu’ils rie foient accçffibles à toutes les
attendre de la puiffance publique, que fu r e té G
lib e rté, (ans qu’elle ait en aucun cas , ni intérêt, ni
droit de diriger leurs opérations, ou de préfider à
leurs travaux ? Cette doCtrine paroîtroit fans doute
diCtée par le fanatifme de la liberté. Elle révolte-
roit tous ceux qui redoutent l’clprit de fyftême , Sc
! qui fe tiennent eu garde contre lés nouveautés. A u
! refte , fes partifans doivent defirer qu’elle éprouve
une forte contradiction. II faut des enthoufiaftes
qui l’annoncent , des gens à préjugés qui la combattent
fortes de fçdu&ion, & ne ferment les yeux fur la
fraude lorfqu’ils ont à ménager des liaifons d’amitié
pu de parençé ? Dans l’état de liberté , les vifites ne
fe feront que Jorfqu’il y aura plainte portée aux
juges, ou lorfque la partie publique le requérera.
On peut affurer d’avance qu’elle n’aura pas fourent
lieu d’exercer un mjniftère de rigueur. La fraude
naît des prohibitions & . de la contrainte ; elle eft
favorifée par les privilèges. Son frein le plus puif-
fant eft la concurrence, qui ne permet d’afpirer aux
fucçès du commerce, que par une réputation établie
d’habileté , de probité & de bonne-foi. Voulez-
yous que les hommes foient juftes & honnêtes, faites
qu’ils aient intérêt de l’être.
Il n’y a donc point à craindre que la fuppreftion
des jurandes procure l’impunité & l’indépendance.
I/établiflêment fubftitué aux corps & communautés
çonferve à la loi tout fon empire , & donne même à
la police une jufdiCtion plus direCte. Mais après avoir
raffuré les efprits faciles à s’alarmer, après avoir répondu
à l’objeCtion la plus foéçieufe que le prés-
jugé pût oppofer au projet de la fupprçflion des
porps & communautés , ne fera-t-il pas permis de
préfenter quelques réflexions fur cette prétendue
néceflîté d’une infpeCtion toujours fubfîftante de la
part de la police & du gouvernement ? Dira-t-on
qu’il faille livrer les arts Sç le commerce à une
pntière indépendance ? Que les moindres gênes qui
leur font impofées foient une violation des droits
fte propriété, & un attentat contre l’ordre naturel ?
Que les vrais principes économiques conduifent â
la profcription générale de tous les réglemens ? Que
les agens du cpmrqerce Sç de linftuftriç nayent à
, & des efprits froids qui la jugent. C eft
ainfi que le tritfhiphe de la vérité fe prepate.
Sans prendre un parti décidé fur cette queftion fi
importante de l’économie politique , au moins fera-
t-on forcé de reconnoître que la plupart des regle-
mens , & (ur-tout ceux qui ont été faits pour nos
manufactures, font inutiles & abufifsj qu’ils fo r ment
, & par eux-mêmes & par la manière donc
ils s’exécutent, les plus grands obftacles aux progrès
& à la perfection de notre commerce. N e
pourroit-on pas porter fur toutes ces loix le même
jugement que fur l’établiffement des corps & communautés
? En remontant au temps où elles ont été
promulguées , on les trouvera juftifîées par les cir-
conftances. Il s’agiffoit alors de former des ouvriers
& des fabriquants, de créer un commerce en France-j—
& de nous mettre par un effort au niveau deç, autres
nations commerçantes de l’Europe^Les réglemens
des manufactures furent plutôt des inftruÇtions
que des loix. En fixant les longueurs , largeurs ,
qualités & fabriques de nos étoffes , & déterminant
les apprêts , les façons , Jes poids , les outils & leur
ufage, les teintures , la tiflure, & jufqu’aù nombre
des fils qui doivent entrer dans chaque chaîne 5
le légiflateur n’a fait que donner l’autorité vde la
loi aux avis & réfultats des plus habiles négocians,
dont la fàgeffe du miniftre avoit formé une forte
de çonfeil national. Il étoit jufte de les confulter
fur les détails de l’art j, mais la partie politique né
devoit pas leur être abandonnée. L a plus grande-
faute qu’ils ayent commife,, ç’ eft devoir donné leurs
connoiffances perfonnelies pour le plus haut dégré de
perfection où il fût poflïblç d’atteindre } ç’eft d’avoir
voulu prefcrire des bornes à l’induftrie humaine»
Les fabriquais font affujettis à donner aux ouvra-
ges une forme invariable j ils font tenus de fe con?
former aux réglemens, fous les peines les plusfévères»
U n ouvrjçr qui invente une nouvelle méthode , qui
parvient à imiter une étoffe étrangère , trouve des
envieux qui le travprfent, qui le dénoncent, qui
le foumettent 1 des faifîes ; les réglemens autori-
fent leurs pourfuites, <Sc forcent de facrifier des
talens miles, d une baffe jaloufie.
N ’eft-il pas abfurde & ridicule de déclarer impars
faite & faififfable , toute marchandife qui n’eft pas
conforme aux réglemens, comme s’il y avoit dans
la fabrication des éc°ffes une perfection abfolue,
comme fi cette perfection n’étoit pas uniquement
relative à la bonne vente? O r ., comment le marchand
fe procqrç-wl bçnne vçntç ? Ç’eft en, fç
de citer plufieurs manufactures nouvelles , qui ont
été autorifées à fecouer le joug des réglemens , Si ne fçnt point foumîfes aux vîntes des infpeCteurs.
C’eft une des conditions de leur établiflement, &
cette franchife fait partie de leur privilège exclufif.
On pourra fans doute par des dérogations multipliées
rendre âinfi la loi dans effet} mais ne feroit-il
pas plus digne d’un gouvernement éclairé d’avoir
le courage de l’abroger ? Pourquoi le même édit
qui fupprimera les ftatuts des communautés , ne
prononceroit-il pas l’abrogation de tous les régie*
mens ? Le roi fe réferveroit de faire exécuter ceux
dont il paroîtroit néceffaire de maintenir l'obier*
vation pour le bien général dû- commerce. Cette ré-
ferve fuffiroit pour fufpendre l’effet de la profcrip-
tion, & donneront le temps de répandre la lumière
fur ce cahos de loix incphérantes & fouvent contradictoires
, qui ayant été rédigées , les unes après
les autres, en une longue fuçceflion d’années , ne
prelentent ni unité , ni principes. On pourroit en,
tirer un petit nombre d’inftitutio'ns utiles , dont on
formeroit un corps de difcipline pour tous les
agens du commerce & de l’induftrie. Bien loin d’être
contraire au voeu de la liberté , un pareil établiffe-
ment en favoriferoit le retour , & concoureroit avec
la fuppreflion totale des ju ra n d e s , pour bannir 4
jamais de la France le monopole Sc les privilèges
exclufifs.
É D I T D_U R O I ,
P - 0 R T A N T fupprefjion des jurandes &
communautés de commerce , arts & métiers ;
donné à V e r fa i lle s au mois de fév r ie r i j y S ,
& regiflré en parlement le 12 mars audit an»
Louis par la grâce, de Dieu , roi de France &
de Navarre : A tous préfens & à venir, s a l u t .
Nous devons à tous nos fujets , de leur afïùrer la
jouiffance pleine & entière de leurs droits} nous
devons fur-tout cette protection à cette claffe
d’hommes, qui, n’ayant de propriété que leur travail
& leur induftrie , ont d’autant plus le befoin
& le droit d’employer dans toute-leur étendue, les
feules reffources qu’ils aient pour fubfifter.
Nous avons vu avec peine les atteintes multipliées
qu’ont données à ce droit naturel &-commun
des in (lit urions anciennes , à la vérité, mais que ni
le temps, ni l’opinion , ni les aCles même émanés
de l’autorité , qui femblent les avoir conlacrées ,
n’ont pu légitimer.
Dans'preique toutes les villes de notre royaume,
l’exercice des différens. arts & métiers , eft concentré
dans les mains d’un petit nombre de maîtres
réunis en communauté , qui peuvent fculs , à l’ex-
clufion de tous les autres citoyens, fabriquer 011
: vendre Tes objets du commerce particulier dont ils
ont le privilège exclufif. En forte que ceux de nos
fujets , qui, par gou: ou par néceflîté , fe deftinent à
l’exercice des arts & méciers, ne peuvent y parvenir
qu’çn acquérant la maîtrife , à laquelle Us ne font