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Cette voie pour envoyer des marchandifes- d’Europe
dans l’A me ri que Espagnole , a plus de commodité
que celle de* Cadix-, qui eft celle qu’on
prend ordinairement à caufe des-droits exceflifs qu’on
paye dans cette dernière plape , du fret qui y eft
toujours plus-fort qu’aux Canaries, 3c des'indultes
que le roi d’Efpftgne a coutume de lever au retour
des galions & de la flotte ; mais encore parce que
le voyage par la route des ifles ne dure ordinairement
que fix mois , au plus dix ; outre la liberté que
l ’on a d’établir aux ijle s Canaries des magafms
d’entrepôt pour le tabac , & les autres fruits & denrées
qui viennent de l’Amérique pour enfuite les
faire paffer en Europe j defquels on ne paye d’autres
droits que ceux d’entrée.
Quelques-uns croient que pour faire ce commerce,
il ne faut pas venir aux Canaries avec des projets
tout faits j mais qu’il faut les former fur les lieux
fuivant que les occafions s’en préfentent, 3ç en fe
laiffant conduire par quelque habitant fidèle & pratique
de ce négoce , les gens du pays étant naturellement
jaloux , & ne pouvant fouffrir que les
étrangers veuillent fe paffer d’eux dans cette contrebande
, qui fait une partie de leur commerce.
Quand les vaiffeaux de regiftre arrivent dans les
ports de l’Amérique , ou qu’ils reviennent dans ceux
des.if.es , les officiers royaux font en droit de faifir
& confifquer toutes les marchandifes qui ne font
pas comprifès dans la déclaration du chargement.,
& qui font toujours les plus riches & les plus importantes
j mais .cela n’arrive jamais , Ou du. moins
rarement, les p'réfens confidérables q'u’on leur fait
leur fermant les yeux , & d’ailleurs faifant toujours
payer les droits a dix pour cent pour cés marchandifes
de contrebande qu’ils s’approprient & partagent
entr’ eux j il eft vrai que la plupart du temps ils les
réduifent à fix ou fept pour cent.
Les navires de regiftre qui chargent dans les ijle s
Canaries , ont droit d’aller dans tous les ports de
l’Àniérique Efpagnole , à l'exception de la Vera-
Crùx , de Cartagene & de Porto Bello qui leur font
prohibés.
Chaque pipe de vin p aye 44 piaftres & 5 réaux
de fret en allant, & les marchandifes feches à proportion
de* leur* volume un peu plus. L e fret du
retour eft de cinq à fix piaftres du quintal du tabac
8c autres telles marchandifes , - les capitaines s’obligeant
de payer fur cela le s droits d’entrée , qui
peuvent aller à une piaftre auffi le quintal l’une portant
l’autre 5 le fçet de l ’argent fe paye à deux pour
'den-t. ' •
- Pour donner un plus grand éclairciffemem fur le
commerce des navires dé regiftres , qui fe chargent
aux Canaries , on va ajouter ici ûn état de ce
qu’il en coute#pour obtenir la permjffion de naviger
à l’Amérique ,‘ avec un bâtiment de fix cent cinquante
tonneaux évalué à fix cent 5 rçavoir , trois
cent pour être chargés à Xeneriffe , cent a Canarie
& deux cent i la Palme.
Pfemicrement pour quinze perfonnçs, qui de-
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volent être pàflees à Saint-Domingue , & qu i n’ont
pas été embarquées , pour chaque
tonneau à cinquante reaux , ci.
000 réaux.
Pour droit de permiflîon , 200
Pour droit lorlque le navire eft
étranger , -fe paye chaque voyage
en lettres fur Madrid , à trente-
trois réaux de platte chaque tonneau
,
Pour droit du féminaire de Séville
, à 17 j réaux chaque tonneau
, I,Of|0
Pour trois mille réaux au juge
des Indes , pour donner le'regiftre, 3,000
Pour trois mille ïéaux au général
, pour donner permiflion de
fortir , 3,000
Pour mille réaux au garde-major
pour grâce, 1,000
Pour deux mille réaux à l’ écrivain
du regiftre 3ç fes commis, 2,000
Pour cinq cent réaux à deux
éehevins du regiftre , qui aflîftenç
aux vifites ", pour qu’on n’embarque
point de marchandifes prohibées
, <)6o'
Pour cinq cent rçàux .à differens
gardes, 500
Total 16,715 réaux.
Les féize mille fépt cent vingt-cinq reaux cou-
r-ans font mille fix cent foixante & douze piaftres,
qu’a coûté l’expédition du préfent vaiffeau regiftré*
Commerce des François a u x ijle s Canaries»
Les François font peu de négoce aux Canaries
en 'comparaifon de quelques autres nations , particulièrement
des Angiois : il leur feroit cependant
aifé de les égaler & peut-être de les furpafler, s’ils
fcavoient ufer de leurs avantages , fur-tout de l’inclination
que ces. infulaires ont pour eu x, & du
dégoût qu’ils ont commencé depuis long-temps a
prendre de la nation Angloife , foit a caufe de
Fa61e de la navigation de t 66o , qu’ils ont toujours
crû contraire à la.'liberté de leur commerce , foit
pour les droits cxcçffîfs d entree que . leurs mal-
volfîes & leurs vins* fecs payent en Angleterre. .
L a principale raifon qui a empêche jufqu ici les
François de prendre plus de part a ce commerce,
eft,que confiftânt prefque toiit en deux fortes de
vins , qui n’ont gucrcs de confommation en France,
où cinq cent pipes des uns & des autres font plus
que fuffifaiit.es, ils iront rien pour achever leur car-
gdifon> au retorfr. ■ _
L ’exempie des autres nations pourrait cependant
lever-aifément cct obftacle , & les François faifant
elles leurs comme retours en mp.lvoifies & en vins
fe c s , ils pourroient, après avoir envoyé en France
ce qui fuffiroit pour la confommation du royaume ,
porter ailleurs , & particulièrement dans la mer Baltique
& dans le nord , ce qui leur en tefteroit. •
Mais ce qui doit davantage exciter les François à
entreprendre ce commerce , c’eft que les marchandifes
8c les manufactures du royaume font plus courantes
& plus propres pour les Canaries & pour les
Indes que la plupart dé celles que les autres nations
leur portent, & que ces infulaires ne peuvent guères
avoir que de la leconde main.
V o ic i les. marchandifes qu’un habile négociant
duquel on a eu les mémoires fur ce commerce, efti-
me être les plus convenables pour les Cana ries, &
dont il croit que les François pourroient faire un
très-grand débit.
Des crues ou crés larges de bonne qualité , qui
pourroient fe vendre trois réaux & demi de villon la
barre, dont les cent quarante font cent aunes de
France , & les dix réaux une piaftre.
D’autres crues appellées recouvées , à deux réaux
de villon.
Des Bretagnes larges & étroites fuivant leurs qualités
, de vingt-cinq à trente réaux la pièce.
Des halles-crues à trois réaux de villon.
D’autres de la même efpèce, mais plus ordinaires ,
ou des vitré, de deux à deux réaux & demi de
villon.
Des rouens ordinaires , grifes, pour faire des
veftes & pour doubler des habits. L a confommation
en eft petite dans le pays ; mais elles font fort
demandées pour les Indes ; elles doivent être depuis.
15 f. jufqu’à 20 3 dans les aflbrtimeiîs il faut
qu’il y en ait a fort petites raies bleues & rouges.
Des dentelles de toutes fortes de qualités & façons
depuis 2 fols l’aune jufqu’à 3 .1. , elles ne font
pas de grand débit parmi les habitans des ifles , mais
très-bonnes pour les indes , d’où elles font continuellement
demandées.
Toutes fortes de marchandifes de laine d’Amiens
& de Lifle.
Quelque quincaillerie.
Quelques draperies de Càrcaflonne, ou autres qui
imitent celles des Angiois , qu’il faudroit avoir s’il
fe peut à bon compte, pour les pouvoir donner au
même prix qu’eux.
Des chapeaux de toutes efpèces tant pour le pays
que pour les Indes.
Toutes fortes de marchandifes de foie , comme
des bas d’hommes & de femmes.
Des étoffes hors de mode, mais d’apparence pour
eur prix.
Des rubans de toute forte.
Des taffetas d’Avignon.
Quelques brocards auffi hors de mode , mais qui
paroiffent beaucoup.
Des mantes , des dentelles de foie noire , & d autres
à point d’ceil de perdrix pour les Indes.
■ Du papier contrefait de Gènes pour le pays &
pour les Indes de cinq feuilles au cahier, avec la
marque de cecte ville.
Enfin toutes les autres marchandifes qu’on a
rapportées ci-deflus en parlant du commerce des
Angiois aux ij lt s Canaries , & qui fe trouvent en
France.
ISLE DE M A D A G A S C A R . ( Commerce de 1’ )
Cette i j l e , que les naturels du pays appellent
M a d e ca jje, les Portugais ijle de Sa in t-L a u r en t,
& les François ijle D a u p h in e , pourroit ê tre, foie
pour fon abondance en toutes fortes de riches productions
de la nature , foit pour fon heureufe fitua-
tion fur la route des Indes d’O rien t, une des plus
fameufes ifles du monde par le commerce, fi la
férocité de fes habitans, & l’intempérie de l’air &
du fol des lieux ou les Européens , & particulièrement
les François fe font d’abord établis, ne les
avoient dégoûté d’y affermir leurs colonies, & de
les foutenir avec cette perfévérance & cette fermete
que demandent ces fortes d’établiflemens.
Elle eft fituée vis-à-vis, & le long des côtes du
continent d’Afrique, où font les royaumes de Sofala,
de Mofambique, & de Melinde, defquels elle s’éloigne
quelquefois de plus de 100 lieu es, & fouvenc
feulement de 7 0 , & même de moins.
Les Portugais la découvrirent fur la fin du 15e
fiéc le, & en reconnurent toutes les côtes en 1508.
Les autres nations de l’E u rope, qui ont depuis
doublé le Cap de Bonne-Efpérance , pour aller aux
Indes orientales, l’ont auffi tres-fouvent abordée,
foit qu’ils y euffent été jettés par la tem p ê te fo ie
qu’ils' euffent befoin d’y aller faire de l’eau & des
rafraîchiffèmensj mais il n’y a eu parmi les Européens
, que les François qui aient tenté d’y faire un
établiffement folide & permanent j celui cpie les
Angiois y avoient fa it , ayant très peu dure.
L e premier projet de cette colonie fe fît en 1 640 j
& en 1^42', Ricault capitaine de vaiffeau dans la
marine de France , qui enavoit obtenu la conceflîon
pour 10 ans, y envoya un navire fretté aux frais de
la compagnie d’Orient,-qui fut le nom que les
lettres-patentes qui lui furent accordées , donnèrent
à lui & à fes affociés.
L e Fort Dauphin , & les habitations Françoifes
n’y ont jamais été abandonnées , quoique fouvenc
négligées, & .même quelquefois oubliées j & la
France en eft toujours reftée en pofleflïon , & Pénible
vouloir y faire refleurir le commerce , depuis
que cette colonie fait partie de la conceflîon qui en
a été faite par Louis X V à la grande compagnie des
Indes en 17 19 , fous la régence & la prote&ion de
Philippes duc d’Orléans, régent du royaume.
Les marchandifes d’Europe qui font propres pour
le commerce de cette ifle , font des toiles peintes,
des menilles, ou bracelets d’argent, d’autres de
cuivre , & d’autres encore d’étain ; quantité de menue
mercerie & quincaillerie 5 plufîeurs fortes de
veroterie , particulièrement de bleues, de rouges,
1 de blanches, de vertes, de jaunes, & d’orangées 3