
Toute cette draperie fe débite , quelques-unes
dans le royaume ; mais la plupart à l’étranger, particulièrement
en Lorraine , en Flandres , & en
Allemagne. C e font les marchands de Troyes qui
en font le négoce , auffi-bien que de quantité d’autres
qu’ ils tirent de toutes les fabriques du royaume.
I l y a à Troyes dix auneürs en titre d’officè.
Ceux qui font les latins , foit façon de T u r in ,
foit façon de Bruges , fe nomment pdjfementiers-
ouvtiers en foie ; ils font au nombre, d’environ
vingt-quatre maîtres & deux privilégiés. Depuis que
la fabrique de ces fatins qu’ on avoit établie à L y o n ,
eft tombée, celle de Troyes eft demeurée la feule
dans le Royaume. Ces étoffes font compofées de foie,
de f i l , & de coton ; les fils font du pays.
Ce font les tifferans qui fabriquent les toiles foit
de lin foit de chanvre , les fucaines , les bafîns ,
les tre illis, les coutils 8c autres ouvrages de tiffe-
randerie. On a remarqué ci-devant que ce font eux
aufli qui font les droguets. & les tiretaines dont la
chaîne eft de fil. Les maîtres tiflerans paflent le nombre
de trois cent. On peut juger de la quantité,
d’ouvrages qui fort de leur fabrique , par le produit
du contrôle de leurs toiles S qui monte , année
, commune , depuis trente jufqu’à trente-cinq mille
livres. Ils n’ employent dans leurs ouvrages que des
fils du pays.
L e commerce des cuirs de toutes fortes, eft pareillement
très-oonfîdérable a Troyes , & l’on y
compte jufqu’à vingt-cinq tanneurs pour les gros
cuirs, fept corroyeurs pour les vaches & les veaux,
& douze mégifliers pour la blancherie.
L a chapellerie a quinze maîtres , la bonneterie,
dix ; & la pelleterie , autant.
On peut voir à l’article des fo ire s , ce qu’on y
dit des foires anciennes & modernes de la ville de
Troyes.
L ’aune de Troyes contient deux1 pieds fix pouces
une ligne : conféquemment trejzte aunes de Troyes
font vingt & une aunes de Paris-
II y a à Troyes un infpe&eur des manufactures
, qui a dans les inftru&ions la qualité f ïn fp e c -
zeur de Châlons & Troyes. On peut voir ci-devant
l ’article de C h âlo ns ; on y trouvera les lieux qui
font du département de cette inlpeétion.
Sa in t -J üst. Le s étoffes qui s’y fon t, font des
forges drapées d’une aune de la rg e , & quelques
draps qu’on" nomme f a ç o n de Troyes. Elles font
toutes de laine du pays, dont cette Fab riq ueconfom-
jn e environ deux mille fix cent livres. Six maîtres
faduriers travaillent à ces étoffes , qui fe dégraiffent
& fe foulent à un moulin fitué dans le voifinage.
A nglure. Cette fabrique n’occupe que deux
maîtres facturiers , & ne confommc que fept à huit
cent livres de laines du pays. Les étoffes qui s’y font,
font des forges drapées d’une aune de large.
Sezane , en Brie. L a draperie , la bonneterie , la
tifteranderie , la chapellerie & l’apprêt des cuirs ,
font les fabr iqu e s établies dans cette petite ville de
Brie.
Sept oïl huit maîtres facturiers font de la draperie
ou ils n’emploient que des laines du pa ys, dont
la confommation va à quinze cent livres pefant.
Leurs étoffes font des forges drapées d’une aune 8c
demie de large.
Les cuirs occupent quatre tanneurs & dix mégif-
fiers ; la bonneterie , huit maîtres ; la chapellerie,
fix ; & la tifteranderie , jufqu’à vingt-cinq. Il y a aufiï
un teinturier.
L a F e r t é - G a u c h e r . Il s’y fait environ Cent
pièces d’étoffes par an. Ce font des forges drapées
façon de Berry d’une aune de large. Dix ou douze
maîtres facturiers y travaillent.
L a F e r t é - s o u s -J o u a r e . Ce font des forges
drapées d’une aune de large. Sept ou huit facturiers
fournifTent à peine trente pièces d’étoffes.
P r o v in s . V ille de France dans la province de
Brie. Elle fait quelque commerce avec fes voifins
par le moyen de la voufie , qu’on a rendu navigable
en la foutenant par des éclufos. Les marchan-
difes que fes marchands envoient au-dehors, font
des blés , des vins & autres denrées & productions
du cru du pays. Elle a peu de fabriques.
Il s’y fait quelques tiretaines, environ cent cinquante
pièces par an.
L ’on peut juger de la quantité de fer qui fo tire
de ces généralités , & des mines de ce méta l, qui
s’y trouvent, particulièrement dans celle de Champagne
, par le nombre des forges , fourneaux &
fonderies, qui y font fans ceffe entretenus. On y
compte jufqu’à quatre-vingt forges : les fourneaux
vont jufqu’à quatre-vingt-dix : & il y a feize fonderies
, ou il n’y a gu'ères de fortes d’ouvrages de fe r ,
qui ne fe fabriquent.
Les principales forges du Soiflonnois font dans
la forêt de Saint - M ichel, qui eft de l’éleCtion de
Guife. L e fer s’en .débite à Reims , Amiens & Saint-
Quentin.
Des forges de Champagne, celles des environs
de Charleville font les plus en réputation , à caufe
particulièrement de cette célèbre manufacture d a r mes
dont on a parlé ci-defius. Ce font aufli ces forges
qui fournifTent le fer néceflàire pour cette excellente
clouterie de la même v ille , qui ne cède à aucune
autre de France , ni des pays étrangers.
Saint-Dizier eft le lieu du plus grand commerce ,
pour le fer qui fe fabrique dans les autres forges de
Champagne.
L e papier qui fe fabrique en Champagne, fur-
tout aux environs de Troyes , & à une lieue de
Vervins, eft allez gros , & de différentes qualités
qui peuvent néanmoins fervir aux différentes imprefi-
fions ; il y en a environ huit moulins dans la province.
Les autres productions & fabriques de Champagne
& du Soiflonnois confiftent en alun , dont il y
a deux mines confîdérables à Bourg & à Cou vin;
en falpêtre , qui fort au moulin à poudre de la ville
de la Ferre ; & en verre , duquel il y a plufieurs
fours dans la forêt de la même ville & dans celle
de S. G obin.
C ’eft dans le château de Sainc-Gobin , fitué dans-
cette dernière fo rê t, que fe fondent les glaces de
x grand volume, dont on parle à l’article des glaces.
Enfin, outre les forge s, fourneaux & fonderies ,
dont on a ci-devant fait mention, il y a en divers
lieux de ces généralités jufqu’à fept platineries ,
quatre remaurends, & quelques martinets pour le
cuivre.
C O M M E R C E D U L Y O N N O I S ,
F Ô R E Z ET B E A U J O L O IS .
Il fe recueille très-peu de foie dans le L yonnois,
8c cependant Lyon eft un des lieux du monde ou
il fo fait un grand commerce de cette riche marchandée.
Toutes les foies qui fo tirent du Levant, de
Perfo, de Meflîne , d’Ita lie , d’Efpagne, &ç. qui
font deftinées pour la France, doivent, être conduites
à L y o n , comme dans une efpèce d’entrepôt;
& c’eft de-là qu’elles font envoyées à Paris, à Tours
& dans les autres villes du royaume où i l y a des
manufactures de foirie, 8c où il ne fe recueille point
de foie.
Les productions naturelles de ces trois provinces,
qui font partie de leur commerce, font :
I °. Les chanvres qui fe recueillent dans la plaine
du côté de la Saône ,v& dans celle du Fore%. Cette
dernière n’en produit que de petits , mais très-bons
pour la marine. Les autres font b eaux, hauts &
fins, & s’emploient en toiles.
z ° . Les vins, qui font aflèz eftimés , for-tout
ceux de M ille ry, a quatre lieues de Lyon,,
30. L e vitriol, le fàfran & la couperofo.
4°. L e charbon de terre qui fo tire près de Saint-
Étienne -en Fo re \, 8ç qui s’y eonfomme pour la
fabrique des armes 8ç autres ouvrages de fer , dont
la manufacture eft établie au même lieu,
On ne mettra pas au nombre des productions du
cru de ces provinces, l’o r , l’argent, le cuivre $c
le plomb, dont elles Fe vantent d’avoir des mines ,
1 éfant toutes ou aïïez; incertaines , ou tout- à-fait
abandonnées,
II a été établi dans le-Forrç, en I 7 î t , des bureaux
<fo la douane de Valence, parce que les yoituriers
qui conduifoient des mavehandifes du Languedoc a
L y o n , au lieu de fuivre le Rhône & le Dauphiné,
pafloient par lç V iyarez & le Fore\ pour fe difpenfor
de payer les droits de ladite douane.
L e plus grand négoce de Lyon confiftç en la
fabrique des draps d’or & d’argent, & de toute forte
d’étoffes de foie , comme velours, damas, fatins ,
moires, taffetas, &e. où, année commune, il n’entre
gucres moins que pour onze millions de matières,
4’o r , d’argent & de foie.
L e commerce de l’or trait & f ilé , y eft aufli;
tjrès-confidérable , s’y employant ordinairement par
année, par les maîtres tireurs, efcacheurs 8c fileurs
d’or , pour mille marcs d’o r , & cinq millions d’argent.
Le s futainçs 8c les bafins de L y o n , dont la fabri-
, que y a été apportée de Milan en i f8 o ; celle des .
rubans, établie à SauitÆtienne & à Saint-Chaumont;
celle de toute forte de quincaillerie, qui fe fait aufli
à Saint^Etiem\e ; les fromages de Roche , qui fo
font en Fore\, &c qui fo tirent de Rouanne pour,
Paris ; les toiles du B e a u jo la is , qui fo vendent dans
les marchés de T ifly & de Damplepuis, paroiflês de
cette petite province ; là librairie & la mercerie ds
Lyon ; enfin 7 les di ver fes qualités de papier, qui
fe fabriquent dans plufieurs moulins & papeteries,
font encore une partie çonfidérable du commerce , .
qui fe fait dans ces trois provinces, réunies dans
une même généralité.
Après avoir donné cette idée générale du commerce
du L yo n n o is , Forer <$■ B ea u jo lo is , on va
entrer dans un détail plus circonftançié de celui de
là ville de L y o n , qui a toujours été & qui eft encore
une des villes de France des plus célèbres, par fo
richefle & l’étendue de fon négoce.
Commerce de la ville de L y sn .
L ’on doit également le grand commerce de la
ville de L y o n , & à fon heureufe fituation, & au
génie de fes habitans pour les manufactures & le.
négoce, on ils fe font toujours diftingués.
A f égard de la fituation, quatre grandes rivières,
ou qui Tarrofont, ou qui n’en font pas éloignées ,
lui fournifTent de grandes commodités, & des voitures
aifées pour porter fes marchandifos., foit dans
l’ intérieur du royaume, foit dans les pays étrangers,
ou pour tranfporter chez; elle les retours qu’elle fait,
& les marchandifos qu’elle tire du dedans ou du
dehors,i
Ces rivières font » le Rhône, la Saône , la Loire
& le Doux.
Par le Rhône, elle a communication avec le.
Dauphiné , la Provence , le Languedoc , & même
avec la Guienne par le canal du Languedoc ; &
c’eft p a r- là encore, que ^communiquant avec la
Méditerranée , elle entretient fon commerce avec
l’Italie , l’Efpagne & tout le Levant.
L a rivière de Saône , dans laquelle tombe Je
Doux ,lu i ouvre la Bourgogne & la Franche-Comté,
dont on gagne aifément par terre , & par un trajet
affez court, l’Alface , la Lorraine & la Champagne.
Enfin, la Loire , qui commence à être navigable
à Rouanne , à douze lieues de L y o n , lui facilite le
commerce avec P ar is, 8c toutes les provinces du
coeur du royaume, & même lui peut donner part
à celui que la France fait par l’Océan avec les
nations .des quatre parties de la terre.
D’ailleurs , la ville de L y o n étant dans le voifinage,
de la Suiffe & de la Savoie, il .lui eft aife de porter
par-là fon négoce dans une partie de, l’Allemagne ,
; dans le Piémont & dans le Milanés,
L e génie des Lyon nois, naturellement porté au
commerce, a de tout temps profité des avantages de
l’heureufe fituation de leur ville. Rome ne comptoiç
point efleore la ville de L y o n au nombre de fes
alliés, que fes Jiabitans étoienç déjà célèbres clans