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ajouter les objets qui , n’y étant pas compris, font
encore aflujettis à la multiplicité & aux variations
des anciens ta r i f s , & d’en déterminer les proportions
qui fe calculent bien mieux & bien plus virement
dans un corps général, que fur des objets
féparés.
Quant aux effets que les droits uniformes ont
produits, ils font , à beaucoup d’égards, l’éloge
de leur établiffement: notre culture, notre induf-
trie & nos fabriques ont profpéré ; & leur fuccès
eût été complet , fi cette efpèce de t a r i f qui étoit
général & uniforme, eût été unique.
11 paroît l’être , & l’eft en effet pour la première
deftination, puifque la marchandife affujettie à un
droit uniforme, ne paie effectivement que ce droit:
mais cette deftination une fois remplie, cette même
marchandife devient patrimoniale de la province
dans laquelle elle s’eft arrêtée, 8c fuit le fort de \
celles qui en font originaires , ou qui y ont été j
fabriquées j enforteque fi, par une fécondé deftina-:
tion , ou par un fécond commerce , elle change de
province, elle eft fujette à tous les droits d enlèvement
, de paffage & de deftination ; 8c cette charge
inévitable tant que la multitude & la variété des
ta r ifs de l’intérieur fubfifteront, replonge le commerce
dans les mêmes inconvéniens , quand la marchandife
ne fe confomme pas dans le' lieu de fa première
deftination : inconvéniens funeftes qui gênent
les fpéculations , arrêtent la circulation , réduifent
les affortimens à la fimple confommation locale de
chaque endroit, & rend toutes les différentes pro- j
yinces étrangères les unes aux autres.
En effet, malgré la loi commune & générale
dont nous venons de parler , ces mêmes provinces
ont entr’elles un grand nombre de loix particulières,
qu’il feroit bien effentiel de Amplifier.
Une marchandife ne fauroit, pour ainfi dire ,
faire un pas , que lle ne rencontre dans fon chemin
une barrière à laquelle il faut s’arrêter, faire
des déclarations, fubir des vifires, enfin fe foumettre
à des formalités néceffaires, à la vérité, pour empêcher
la fraude , qui n’eft encore que trop fréquente,
mais plus a charge & plus embaraffante
que les droits même dont elles affurent la perception
»
L e mal eft très-ancien : les ta r ifs qui y ont
donné lieu fubfiftent depuis long-temps dans les
provinces réputées étrangères y 8c l’on ne devoit
rien efpérer de mieux des principes fur lefquels ils
ctoient établis j leur objet étoit purement burfal.
C e n’eft guère que lors du miniftère de M. Colbert
, que l’on a commencé à confulter dans ces
fortes d ecabiiffemens , les fages maximes d’une politique
éclairée. Dans ces ta r i f s , au contraire, la
marchandife eft impofée au taux général du ta r i f ,
{ans diftin&ion de la faveur qu’elle pouvoit mériter
, & fans égard au pliis ou moins de rigueur
dont elle étoit fufceptible.
A des défauts aufti confidérables, il faut ajouter
que plufieurs d.e ççs ta r if t fous fo rm e s ,3 que
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plufieurs même ne font fondés que fur des ufagêg
arbitraires & fur des traditions incertaines j que
ces ufages 8c ces traditions varient, fuivant les
différens bureaux où ces ta r ifs ont leur exécution.
Ces défe&uofités & ces vices proviennent, t° . de
ce que plufieurs de ces ta r ifs font fort difficiles
à entendre j z°. de ce que , depuis leur formation,
nombre de marchandifes, ont changé de dénomination
j 3°. de ce que l’ufage de quelques-unes
s’eft perdu ; 40. de ce que l’expérience 8c les
progrès de notre induftrie en ont fait naître plufieurs
autres ; 50. enfin de ce que ces ta r ifs n’ayanc
impofé à uji droit fixe qu’un affez petit nombre de
marchandifes, 8c celles qui font omifes devant payer
à raifon de leur valeur en proportion du taux commun
de chacun de ces ta r ifs , il eft arrivé que
les différens commis par les. mains defquels ces
marchandifes ont paffé, leur ont donné fucceffive-
ment plus ou moins de' valeur , fuivant les différentes
‘ idées qu’ils s’en formoient, & pour éviter de recommencer
le même calcul toutes les fois que la
marchandife pourroit fe préfenter, ils l’ont anciennement
tarifée , à me fur e qu’elle a paffé parleurs
bureaux ; en forte que la même marchandife qui fe
préfente dans quatre bureaux différens où le même
ta r i f a lieu , paie dans chacun de ces bureaux un
droit plus ou moins fo r t , fuivant qu’elle a été
anciennement plus ou moins appréciée par. le
commis de concert avec le marchand.
De tous les ta r ifs celui qui paroît avoir été
fait avec le plus grand foin, d’intelligence , & de
la manière la plus détaillée & la plus conforme
aux véritables intérêts du commerce, c’eft fans
contredit le t a r i f de 1664. encore ne peut-on
pas fe diffimuler qu’ il laiffe beaucoup à defirer fur
différens degrés de rigueurs ou de grâces , relatives
au plus ou moins de nécefficé , d utilité, de commodité
de chaque efpèce de marchandifes'. 'Un
principe général paroît d’abord les avoir embraffé
toutes j & ce ta r i f ne renferme pas affez de clàffes
différentes, pour iarisfaire aux différentes confédérations.
En effet, le taux général de ce t a r i f paroît être
de cinq pour cent : les marchandifes omifès y font
indiftin&ement impofées à la fortie , le même droit
eft impofé à Centrée} on en excepte 9 il eft vrai »
les marchandifes de foie , d’or & d’argent, de p o il,
de f i l , de laine, & d’autres femblables fortes ma-
nufa&urées dans les pays étrangers, à l’égard
desquelles on ordonne qu’eHes acquitteront les droits
à raifon de dix pour cent de leur valeur.
Mais enfin Ton ne voit dans ce t a r i f à là fortie
qu’un feul & même droit a cinq pour cent fur
toutes 1rs marchandifes indiftin&ement, & que deux
taux , l’un de cinq 8c l’autre de dix pour cent a
l’entrée 5 d’où l’on peut inférer que ron n’a pas
obfervé dans la conreérion du ta r i f de 1664 toutes
les gradations dont les marchandifes étoient fufceptible
s , tant par leur nature & leur efpèce, que pa ï
leur origine 8c leur deftination«
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Ori. fe confirme encore plus dans cette idée ,
quand on voit M. Colbert lui-de 166y même dans le tarif , traiter différemment foixanté articles de
marchandifes , en les impofant à des droits plus
forts que ceux du tarif de 1664, 8C en rendant
ceux du tarif de i66j uniformes pour toutes les
entrées & forties du royaume. Cette réforme prou-
voit-elle que M. Colbert eût été obligé de revenir fur
fes pas , ou feulement, n’ayant .pas pû voir accepter
le tarif de 1664 par toutes les provinces, n’a-t-il
pas jugé plus convenable 8c plus sûr de n’exécuter
que par partie détachée le plan général qu’il
avoit conçu ? Il n’eft pas étonnant qu’il n’ait pas
d’abord tout apperçu , puifqu’il eft de la foiblefïe
humaine de n’arriver à la perfection que lentement
& par degrés : peut-être aufti avec plus de juftice
pourroit-on conclure de tous les. réglemens fiiccef-
fivement faits par ce miniftre, que, contént d’avoir
formé un plan général, & de ne jamais le perdre
de vue, il s’étoit déterminé à ne l’exécuter qu’à
mefure que les circonftances Texigeroient ou pour-
roient le lui permettre, fauf dans la fuite à rafïembler
tous ces réglemens différens, pour n’en former qu’un
feul Corps de-tarif général, unique & uniforme r
enforte qu’il y a tout lieu de préfumer que, fi le
ciel eût accordé à ce miniftre des jours affez longs
pour remplir fes vues, il feroit enfin parvenu à
confommer l’importante opération dont il avoit
commencé à pofer les fondemens, & dont on paroît
s’occuper aujourd’hui.
On fe reprocheroit d’en dire davantage, pour
prouver que l’état aéhiel des tarifs en France eft
abfolument contraire aux principes généraux établis
fur cette matière , tant par leur multiplicité, que par
leur variété 8c mêmes leurs contrariétés j que les
vices dont ces tarifs font infeétés , ne font pas
fufceptibles de réformations, & qu’une refonte
générale de tous ces tarifs en un feul, eft l’unique
moyen d’opérer le bien du commerce 8c de l’Etat.
C h a p i t r e I V.
Cognécneérnraanl.t Vexamen du nouveau projet du tarif
Nous venons de voir dans le chapitre précédent,
tous les incqpvéniens réfultans de l’état aétuel des tarifs en France. Quel remède oppofer à cette
multitude de tarifs , à cette immenfité de loix
particulières, à cette foule de réglemens fur la
perception , aux contrariétés qu’ils renferment, aux
variétés fans nombre qu’ils occafionnent, aux entraves
& aux charges qui réfultent pour le commerce
d’une adminiftration aufti onéreufe par les droits,
que par les formalités ; à cette maladie enfin générale
& dangereufe, qui intercepte la circulation, & qui
forme à chaque inftant de nouveaux engorgemens
dans les canaux de l’exportation & de l’importation ?
Ce remède ne peut le trouver que dans un bon tarif ; & , pour y parvenir , il ne s’agit peut-être
que de perfeéricftner un ouvrage déjà commencé,
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par la collection des arrêts 8L régîeiiiens fiieee
veroent rendus depuis le t a r i f de 1664 ; & il d
en réfulter un t a r i f fimple, unique, unifoiy
pour toutes les provinces du royaume '. t a r i f \
éclaire le commerçant fur les droits auxquels il f
affujetti , les commis fur ce qu’ils ont à percevcf, _
le fermier fur l’àdminiftration qui lui eft confiée 3
t a r i f qui faffe difparoître-de la circulation intérieure
les entraves qui l’embarrafïènt ; t a r i f dans
lequel chaque.marchandife foit énoncée, examinée,
1 impofée à la frontière extrême, relativement aux
produirions du fol & de l’induftrie j t a r i f enfin
qui foit formé par îps mains mêmes du commerce,
8c qui mérite à tous égards la reçonnoiffance de
toute la .nation.
On croit voir tous ces caractères raftèmblés dans
Ile nouveau projet qu’on, propofe : on en à-démontré
la néceffité, en découvrant tous les vices
de l'état a&uel ; l’utilité n’en, paroîtra pas moins
évidente, fi l ’on veut l’ examiner en lui-même , &
relarivément aux principes généraux que nous avons
établis.
On a vu , dans le commencement de ce Mémoire y
que les impofitiôns les plus juftes dans leurs princ
ip e s , & les plus douces dans leurs effets, fonc
inconteftablement celles dans lefquelles les proportions
fe trouvent le mieux établies.
• Que celles qui portent fur.ee que le commerce
fournie à la confommation, font les plus juftes,
parce que la proportion s’établit d’elle-même par
le plus ouïe moins de commerce & de confommation»
Que ces charges font aufti les plus douces 85
les plus faciles a fupporter, parce que ces droits
fe trouvant confondus dans le prix de la chofo
même, ne doivent jamais gêner les facultés du
confommateur.
Mais cette proportion dans la répartition, & cette
facilité dans le recouvrement difparoiffent, fi le
ta r i f , qui n’eft qu’une mefure indicative de ce que
l’on doit payer fur chaque objet, n’eft-pas établi
fur une bafe, & rédigé fur des principes qui ne
laiflent rien à l’arbitraire ennemi de toute juftice
& de toute profpérité.
L e feul moyen de s’en garantir dans un t a r i f ,
c’eft de le former fur une régie connue de tout le
monde, & commune à tous : la valeur de la marchandife
eft la bafe la plus naturelle, la plus sûre
& la plus jufte qu’on puiffe choifir. Les droits fur
la marchandife que le confommateur fournit à la
confommation, étant deftinés à faire partie de la
marchandife, & à le confondre .avec elle , rien n’eft
plus fimple & plus naturel que de prendre pour
bafe générale d’un ta r i f deis traites, la valeur même
de la marchandife qu’on veut impofor ; & c’eft à
ces principes qu’on paroît s’être conformé dans le
projet du nouveau t a r i f communiqué en détail
à toutes les chambres du. commerce.
Il eft aifé de voir , par l’examen de cet ouvrage ,
qu’on a dreffé des états exaCts des marchandifes
connues 3 qu’on a tâché de n’en point omettre , &