
le cours par un réglement général. U n arrêt rendu J
en formé de réglement, le 14 août 176 6 , défend
à tous les corps & communautés ., d’entreprendre
aucun p ro c è s , d’élever aucun incident, d’interjet-
ter aucun appel, de procéder dans les'tribunaux
fous quelque prétexte que ce foit, fans l’avis par
écrit de deux avocats, fréquentans le barreau, &
ïnfcrits fur la matricule.au moins depuis dix ans.
Gette barrière èft d’autant plus foible , que dans les
procès qu’ils foutiennent, les corps ont le plus
fouVent un intérêt réel & un droit fondé fur leurs
réglemens , ce qui fuffitpour leur aflurer le fuffrage
des jurifconfultes. On ne pourroit même fans in juftice
arrêter leurs réclamations. Les tribunaux leur
doivent le maintien des -privilèges dont ils ont
acheté l’exercice, & dans l’état aCtuel, les ufurpations
qu’ ils éprouvent font autant de délits contre l’ordre
public. L e feul moyen de leur interdire les voies
juridiques, c’eft de leur ôter Foecafion & le prétexte
de^ recourir en juftice. I l ne fera pas même
néceflaire de la leur défendre, lorfqu’ils n’auront
plus l’intérêt de le faire. Ce font donc lesloix elles-
mêmes qu’il faut réformer par la fuppreffion des
privilèges exclufifs. C’eft leur exiftence qui donne
l ’être aux fraudes & aux contraventions , & qui rend
ainfi toutes les communautés réciproquement ennemies.
L ’éfprit proceflîf s’eft tellement emparé de
tous ces corps, que ceux mêmes qui ne font point
autorifés par lettres-patentes, & n’ont pas d’exiftence
légale , s’attribuent un être civil pour avoir le droit
de plaider. Malgré une foule d’arrêts qui les déclarent
incapables de procéder en juftice., ils continuent
de fe conftituer en frais, & le confeil eft
accablé de- requêtes, par lefquelles ils demandent
en aveugles leur éreCtion régulière en titre de j u rande.
L e gouvernement- eft bien éloigné fans doute
de fe rendre à leurs voeux indifcrets. Tout femble
préparer, au contraire, le retour de la liberté, qui
peut feul répandre un eforit de paix durable fur
tous les agens du commerce & de l’induftrie, & en
fuppriman: les privilèges exclufifs , confondre leurs
intérêts particuliers dans l’intérêt général.
C h a p i t r e V I I I .
D e s avantages qui doivent réfulter de la
JuppreJJion tota le ’ des jurandes.
Pour mettre dans tout leur jour les avantages.
qui doivent réfulter de la fuppreffion des corps
& communautés , il faudrait pouvoir calculer les
effets de la liberté & de. la concurrence, & ' les
fuivre dans tous leurs rapports avec les différentes
branches du 'commerce & de l'induftrie , avec les
iravaux de la culture -, la valeur des ..denrées , l’abondance
des productions & la eirconftanee des ri-
chefles dans toutes les blaffes de la foeiété, L ’on
verrait que ce principe fi (impie & en même temps
fi fécond, eft la feule garantie des droits* de propriété
? h yraie four ce de l’abondance & la bafe 4 e ,
la prolpérité. publique. Nous nous bornerons à le
confidérer ici dans les effets les plus directs -& les
plus prochains. Trois avantages principaux raffûteront
de la fuppreffion des,corps de jurande. L e
premier eft relatif au commerce intérieur ; le fécond,
à l’étendue du commercé étranger ; & le troifième,
à l ’intérêt perfonnel du fouverain.
r.°. L ’effet le plus frappant & le plus fenfible de
la liberté générale.du commerce & .de l’induftrie,
c’eft de faire baiffer dans l’intérieur le prix de.toutes,
les chofes ufuelles •& commerçables, & d’enrichir
par conféquent tous les citoyens, pour qui la diminution
des dépenfes eft une augmentation réelle
de revenu. Plusieurs caufes concoureront dans l’état
de liberté, pour opérer cette réduction.
a°. L ’établiffement de la concurrence. O n croît
avoir démontré que ce font les privilèges exclufifs
des corps & communautés qui entretiennent principalement
la cherté des denrées & des. ouvrages de
l ’art. L e fruit de leur profçription totale fera de;
mettre les falaires au rabais, de ramener toutes les
denrées & marchandifes à leur jufte p r ix , & > de;
détruire le monopole univerfel, autorifé dans le
royaume par une adminiftration, abufive.
5 3°. L a fuppreffion des frais immenfes auxquels
les marchands & artifans font affujettis dans les.
j corps de jurande , & dont la charge retombe toute
entière fur ,1e public. Les chapitres précédents onc
préfenté la longue énumération des taxes que paie
chaque membre dis corps & communautés , foit
pour parvenir à la maîtrife, foit .depuis fa récep->
don , à quelque titre que,ce-foit. Ces.fommes additionnées
forment un capital dont ; le marchand &
l’artifan exercent fur nous la, reprife. . C ’eft cette
reprife que. l ’on doit regarder comme un impôt
annuel qui fe perçoit, dans tout le royaume fur
le commerce & fur l ’induftrie. On peut juger de
la grandeur de l’impofitidn par la multitude d’our
vriers , marchands & fabriquants qui font affujettis
aux taxes. Les 119 corps & communautés, de Paris.,
font compofés de près de 40,,000-maîtres. Le nombre
des apprentifs & compagnons eft au moins, tri-
pie. On a vu que ceux-ci fupportent auffi leurs
charges particulières ; le produit .feul des réceptions
eft annuellement de 500,000 l i v . , ce qui ne paraîtra
pas une évaluationiforcée , fi l ’on fe rappelle
que dans la communauté des limonadiers , les réceptions
ont été portées en trois ans , à une fomme
de 181,400 liv. ; joignons à cet. objet tous les articles
dont nous .avons offert le détail, droits de j u rande
, de vifite, &ç. Pour nous réduire au plus
bas prix , fixons leur eftimation totale à z millions j
l’induftrie paie donc dans la feule ville de Paris un
impôt annuel de z millions en frais de jurande ,
ce qui produit un renehéi iffemcnt de z millions fur
le prix naturel de toutes les marchandifes.
Ce même impôt eft établi à L y o n , a Rouen, a
Bordeaux , dans toutes les villes commerçantes, dan?
celles mêmes qui ne font point villes jurées. Ep
fuppofant que la capitale, à raifon'de l’çtçqtjuç.d?
J U R
fon commerce & du nombre de fes' habitans, puiffe I
être confidérée comme formant à elle feule le quart
de la France ; c’eft un objet de 8 millions pour tout
le royaume 1
Joignons maintenant à cette charge de 8 millions ,
toutes les créations extraordinaires de maitrifes, J
d’offices, de titres ou de commiflions , avec attribution
de privilège exclufîf. Il n’y a point d’année
qui ne. foit marquée par quelque nouvel étabûffe-
ment en ce geiire. L e corps de l’induftrie a été regardé
jufqu’ici comme un fonds inépuifable. C ’éft
une reffource de finance toujours prête dans les
befoins de l’état. Mais eft-ce donc le marchand ou
l’artifan qui fupporte l ’impofition ? N ’eft il pas
évident que la charge en retombe toute entière fur
l ’acheteur & le consommateur ? C ’eft le public q ti
a payé par le renchériftènfent des fervices les
$00,000 liv. provenant de la création-des charges
de perruquiers dans la ville de Paris. C ’eft le public
qui "rembourfe à l ’ouvrier fans qualité par le fur-
hauffement du prix, dé fes travaux, le p rivilège qu’il
acheté , ou le brevet qu’il obtient pour être à l’abri J
des confifcations & des faifies. Il feroit difficile
d’évaluer le montant de cette impofition fur le
commerce & l’induftrie. On ne croît pas pouvoir
être accufé d’exagération, lorfqu’on la portera à un
million pa“ année.
Mais ce n’eft encore là qu’une légère partie des
charges impofées fur le corps de l ’induftrie. Il eft
indubitable que toutes les dépenfes des communautés
fe prélèvent de même fur les .ventes. C ’eft le
public qui acquitte les arrérages des rentes qu’elles I
doivent, ainfi que les frais de leurs procès. Ce dernier
article eft-uiie dépend annuelle de 400^,000 liv.
• dans la ville de Paris. Pour fuivre la proportion qui
vient d’être établie à l’égard dès frais de maîtrife , la
dépenfe eft de feize cent mille livres dans toute l’ étendue
du royaume.
A l’égard des arrérages des rentes viagères &
eonftitués qui font dues par les communautés, on
peut les porter à un million. Pour fe convaincre de
la jufteffe de cette eftimation , il fuffit de remarquer
que depuis 2 69 t , époque de la première création
d offices., toutes les communautés du royaume n’ont
pas ceffé d’emprunter , & qu’il y en a très ~peu dans
lefquelles il y ait eu des rembourfemens effectués.
Leurs dépenfes n’ont fait que s?accroîîre jufqu’ en
1758 , qu’elles ont fupportd_une nouvelle taxe,
pour le paiement de laquelle , elles ont prefque toutes
fait de nouveaux, emprunts. Leur recette.,' en
droits de réception, a toujours été abforbée par les
feuls frais d’adminiftration, & le capital des dettes s’eft
augmenté d’année en année.
On fuppofe que toutes les autres dépenfes ordinaires
& extraordinaires, frais de bureau, de comptes
de régie , &c. font acquittées annuellement par les
droits de réception, & pour ne point faire de dou-
■ ble emploi, elles ne feront point ' mi fes au nombre
des taxes , dont la charge fe prélève■ fur le prix des
ouvrages & des travaux de la main d’oeuvre. 11 paroît
J U, R 7 7 f
cependant qife l’on pourrait encore les faire entrer
en compte pour une partie. L ’état d’épui fernem ou
fe trouvent aujourd’hui toutes les communautés ,
autorifé à croire que leurs revenus cafuels ne fuffi-
fent même pas à leurs dépenfes cafuelles. Ce n’eft
point en effet, fur le produit des maîtrifes, ni même
avec les contributions qu’elles lèvent fur leurs membres,
qu’eljçs acquittent les arrérages des rentes.
Elles ont préfqiie toutes, obtenu des droits de marque
ou autres fur les marchandifes ; furies métiers
fur les pièces fabriquées' dans les manufactures. Ces
droits forment une nouvelle charge d’autant plus
onéreüfe , qu’elle n’eft point appliquée aux befoins
de l’état, comme les autres fortes d’impofitions de
même nature. Ils n’avoient été accordés, aux communautés
que pour un temps, afin de les mettre en
état d’éteindre les capitaux de leurs dettes. Comme
ils n’ont fervi jufqu’ici qu’à acquitter les intérêts j,
on a été forcé den proroger, la perception, & les
communautés .paroiffent compter fur leur perpétuité.
La fuppreffion des jurandes peut feule procurer
la facilité d’en opérer l’extinCtion, ou d’en
appliquer au moins le produit au foulagement du
commerce & de l’induftrie. Les circonftanees pouvant
exiger la prorogation, de ces droirs au profit
du roi, nous ne les eftinierons pas au nombre dös
furcharges produites par 1 es ju rand es. Indépendamment
de cet article, voilà un impôt annuel de près
de 13 millions, dont la dijfolution des Corps &
communautés procureroit auffi-tôt une pleine .décharge.
Il n’y a que ceux qui connoiffent les refforts de
la circulation dans le commerce' qui puiffent apprécier
le renchériffement produit par un prélèvement
de u à 13 millions, fur la maffe des falaires &
.des ventes; quelques- fols d’augmentation par pièce
d’étoffe fuffifent pour caufèr une révolution , 8c
quelquefois le dépériflement total d’une, branche de
commerce.. Que l’on juge par-là de l’effet, deftruârif
d’un impôt de 13 millions, dont il faut, que les
marchands & artifans trouvent l’indemnité fur lés
acheteurs, avant de tirer aucun.bénéfice de; .leurs
ventes. Il ne faut pas croire que la perte ne tombe
que fur les acheteurs ,. dont elle renchérit les çon-
fommations ; elle frappe encore directement fur le,s
| cultivateurs , en diminuant le débit des productions
j naturelles. Combien de fortes dé cultures qui font
•abandonnées ou qui languiffent par l.è défaut d’em-
; ploi des matières premières ! La cherté dit prix fait
1 tomber les ventes, &par conféquent éteint la. reprô-
j duCtion des richeftès, qui n’a d’autre mefure que la
; confommation.
La fuppreflion de cette charge énorme feroit donc
j un bien ineftimable , dont toutes les çlaffes de la
: foeiété reffentiroient en même temps les falutaires
effets. La clafle des cultivateurs y trouveroic un
-double ' bénéfice , qui ferait confacré aux avances
produÇiives de la culture ; d’un côté , la diminution
des frais & des dépenfes ; de l’autre ^ ’augmentation 1 de fes ventes 8c de fes profits. La clafle des proprié