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a°. Cette barrière plus- douce en général, &
également favorable à l’agriculture & au commerce,
bien loin de nuire à la Lorraine, ne fait que la
défendre Contre les concurrent les plus dangereux.
En effet , la France elle-même qu’on voudroit
faire redouter- à la Lorraine, a befoin du fecours
des ta r ifs , comme toutes les autres nations, pour
fe défendre en Certains cas. C’eft à l’abri de c,es
fecours, que fon commerce & fes manufactures,
que fon agriculture & fa population fe foutiennent,
maigre les pertes occàfîo.nnées par les guerres, &
meme prennent de nouveaux accroiffemens. Quoi
là Lorraine craindroit la France, tandis qu’elle fe
livre en aveugle à la concurrence de l’étranger, dont
la F rance elle-même géft obligée de fe défendre ?
Cela n’eft pas poflîble à imaginer ; & s’il falloit
encore de nouvelles preuves dans le fait , notre
auteur nous les fourniroic : de fon aveu, la Lorraine
fournit actuellement a la France, des toil.es-
& des étoffes fabriquées, quoiqu’elle foit obligée
d acquitter des droits qui, félon lui , montent fou-
vent a dix pour cent. Quelle faveur pour ces marchandifes
& autres de même efpèce , que la fuppref-
non de ces droits î Refufer cet avantage, c’eft renoncer
à un débouché avantageux & démontré tel,
pour conferver l’idée d’un autre, pénible , laborieux,
qui vous prive de vos matières premières, attaque
directement vos fabriques ; &, par contre-coup,
votre agriculture : c’eft renoncer avec perte au titre
de concitoyen , pour prendre la qualité d’étranger,
& fe mettre néceflàirement dans le cas d’être traité
abfolument comme tel ; car ce n’eft furement pas
ferieufèment qu’on propofe , ou du moins qu’on
infirme l’idée de faciliter encore les portes, qui,
dans l’état aCtuel, font prefqu’ouvertes entre la
Lorraine & l’étranger, & d’ouvrir celles qui la
feparent d’avec la France. C’eft propofer ouvertement
pour la Lorraine, le privilège excluiîf de la
contrebande & de la fraude des droits prohibitifs ;
c’eft faerifier toutes les provinces du royaume à la
Lorraine feule; c’eft fupprîmer, pour ainfi dire,
tous les autres t a r i f 3 & mettre le défordre partout.
_ Il ne me refte plus à .parler que de la population
: je ne répéterai rien d; ce qui a. été dit à cet
egard. Le bon état de la population de la Lorraine ,
a été prouvé ; & il a été démontré d’ailleurs & par
les principes & par l’expérience, que les efforts
réunis de l’agriculture & de la fabrique, étoient feuls
capables .de porter cette population aufli loin qu’il
eft poflîble, par les fecours qu’elles fe prêtent
mutuellement ; & il réfulte de tout ce que nous
venons de dire, que la Lorraine-eft dans line des
pofîtions des plus favorables pour établir & voir
profpérer des fabriques nômbreufes.
Il ne refte donc plus qu’un point à éclaircir , qui
eft de fçavoir fi le t a r i f qu’on propofe eft travaillé
& exécuté dans le véritable intérêt du commerce :
c’eft fur quoi notre auteur ne nous donnera aucunes
lumières ; car il ne s’eft pas donné la peine de l’exa-
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miner : c’eft cependant le feul point difficile & véritablement
eflentiel. U n bon t a r i f n’eft point une
opération de finance : fi on ne fougeôit qu’aux produits
, des droits médiocres, & répétés dans la
communication des provinces, rempiiroient facilement
cet objet ; mais c’eft une opération principalement
de commerce. C ’eft dans cette vue que le
nouveau projet a été conçu, travaillé & exécuté ;
c eft pour remplir plus furement ces vu e s , qu’on l’a
communiqué à tous les intendans, aux chambres de
commerce, à leurs députés au bureau du commerce,
& aux plus grands négocians , dont les connoif.
fances plus épurees font capables- de donner^ les
lumières les plus utiles : c’eft après avoir raffemblé
des avis aufli importans, qu’on fe propofe de faire
un nouveau travail pour concilier ces avis, & les
faire fervir de fondement à une loi qui n’eft faite
que pour le bien & l’avantage de toute la nation.
L ’intérêt particulier de quelques citoyens , feroit-il
affez aveugle pour s’y oppofer ouvertement ? Au
lieu de fe déclarer ainfi les ennemis du bien général,
pourquoi ne cherchent-ils pas à y contribuer par
leurs connoiffances & leurs avis fur la réformation
du t a r i f ? L ’emprelTement avec lequel on paroît
les chercher , eft un garant fur du bon accueil
qu’on leur fera.
On n’en dira pas davantage : on craindroit de Ce
perdre -dans des détails ou l’auteur Lorrain s’eft
peut-être égaré lui-même ; il fuffit pour le prouv
e r , de relever les contradictions dans lefqùelles
il eft tombé. Ce n’eft point à titre de critique qü’on
en raffemble ic i une partie ; mais on craindroit
quelques reproches de n’avoir pas épuifé tous, les
détails ; & quoiqu’on y ait fuffifamment répondu
par l’établiffement des principes, & l’application de
ces principes à la fituation particulière de l a Lorraine,
on a cru devoir montrer qu’il eut été auffi
aifé de répondre aux plus petits détails, fi l’on etic
cru qu’il fut utile d’y defeendre.
.C’eft ainfi qu’il parle a la page zyp : nous; ne
fournies p a s au moment de p a r le r de manufactures
, ni d’un travail induflrieux auquel nous
ri avons p o in t de bras à offrir. Mais il avoir d it ,
à la page î o z , que la Lorraine peut fe fuffire à
elle-même. I l fait dans cet endroit, le détail de
toutes les productions du fol ; il fait enfuite le
détail de (es manufactures dans lés pages 1 0 7 , 140
& 141. Il avoit d it, page 1 0 8 , que la Lorraine
n’a befoin que de quelques étoffes de laine & de
f o i e , quelques teintures^éclatantes & des épiceries
dont on a f ç u fè*paffer. Il avoit dit ailleurs
que le Lo rra in , en général, eft propre aux manufactures
, qu’il eft laborieux & frugal.. .On voir,
par ce qu’il dit aux pages io f & -.10 7 , que les
vignerons & pafteurs ont du temps que leur laifle
leur travail ordinaire , & qu’ils emploient utilement
au travail des manufactures. Enfin, on trouve à la
page 312 , que, la main-d’oeuvre eft à bas prix a
’ Nan c y, & qu’une ouvrière qui file de la Laine ou du
chanvre, fe contente de quatre fols par xjour : encore
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dit-il, dans un autre endroit, pages 40«? & 410 ,
qu’il y a de la maladreffe aux Lorrains dans leur
attachement à faire fabriquer dans une v ille , à la
vérité , la première de -la province, mais où la
main-d’oeuvre eft plus chère. Il n’eft guère polfible
d’affirmer plus pofitivement la difficulté d’établir des •
manufactures, & de prouver plus difertement le
contraire.
Dans plufieurs endroits, il femble craindre pour
les manufactures de Lorraine, la rivalité des, manufactures
étrangères, & particulièrement de celles
de- France : mais il a dit à la page ï 2:6 , qu’on ne
reçoit de l ’ étranger que des matières premières 8
& qu’on ne leur envoie que des denrées ou des
marchandifes fabriquées. Il ajouté aux pages 336,
337 & 338 , que les Lorrains peuvent imiter ou
remplacer les étoffes de laine qu’ils tirent de l’étranger
, & qui fe réduifent à quelques ferges d’A llemagne
& a quelques draps du Nord. Il confirme
cette opinion, en difànt que les ferges d’Allemagne,
diminuées de qualité , foîit aujourd’hui remplacées
par des ferges façons d’Aumale, fabriquées en Lorraine
; qu’à l’égard des draps du nord, ils ont de's
laines équivalentes, pour ' les faire , & que leur
main-d’oeuvre eft à meilleur marche. Il dit ailleurs
que les draps de Sainte-Marie font très-propres à faire
oublier les draps du Nord ; qu’il ne leur mabquè»
plus que quelques perfections dans la fabrication
& dans les apprêts. On trouve à la. page m , que
la Lorraine ne confomme pas pour cent mille francs
de toiles de Suiffe, & page 139 , qu’elle né con-
fomrne pas quinze pièces de toile dé Hollande. En
voilà allez pour détruire lui-même la concurrence
étrangère qu’il fembleit tant redouter : il réufiît encore
mieux vis-à-vis la concurrence Françoîfe, malgré
l’état aCtuel des droits confidérables que paient
les marchandifes de Lorraine entrantes en France ,
quand il d it , page 405»,- que les étoffes de laines
fabriquées en Lorraine , pourroient, fans aucune
innovation dans les droits établis, s’introduire en
France. Les draps dé Sainte-Marie vont en Franche-
Comté, & les eftamets de la Grandville vont jùf-
qù’a Paris, ainfi que les toiles de Commercÿ.
' S’il d it, dans plufieurs endroits, que tous ces
établiffemens de manufactures dérangeoient le commerce
d’échange entre l ’étranger & la Lorraine , il
allure à la page i ? i , que quand on ne tirèroit des
Hollandois ni fucrès , ni épiceries, ils tireroht toü-
joùrs les. aciers, les fers & les bols de Lorraine*
A la page 140 , au fujet du commercé de Francfort
, il dit que les toiles de cloître ne font pas un
objet d,e deux cens pièces , & qu’en général il y a
beaucoup d’articles négligés, depuis qu’il fé fabrique'
des draps à Sainte-Marie, des lerges à Nancy, &c.
& il ajoute, page 14 1 , que les dentelles dé Mïrcourt
font annoncées à la -foire prochaine, commè un
objet de deux cent mille francs.
S’il prétend prouver dans fà fixiéme lettre, page
ï 49 & .autres, par rapport aux voitures, que ce
font les profits répétés de l’allée & du retour fans
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charge morte, qui mettent les voituriers en état de
faire aufli bon marché, fur-tout relativement à - la
Su iffe, il a eu foin de nous inftruire, page 12 2 -,
que ce que fournit la Suiffe eft très-peu de chofe ,
à quoi Ton petit ajouter que cela eft tr-es-heureux ;
parce que les marchâiidiles que la Lorraine fournit
à la Suiffe, étant'à'bohmarché:& d’un grand encombrement
, la Lorraine feroit' ruinée , fi les' voitures
revenoient chargées pour fon compte des'marchandifes
dé*Suiffe, qui font plus chères & moins pefan-
tes. A l’égard ‘ des Liég eois , il alfure qu’il» voi-
turent , eux-mêmes j apportent leurs marchandifes-,
& remportent dés vins de Bar; & il convient que
les Hollandois tireront toujours les aciers -, les bois
& lés fers , pages: i 50 & 151 .
Enfin, dans lesp^ges^iop , 110 & 1 1 1 , ilfoutient
que la Lorraine 'ri-à dans fon fonds àüclin • ob!jet: de
commerce aérif avec la Francé j de qui-elle tire fes
meubles , fes habillemens & autres marchandifes :
mais dans le même endroit, il convient que la
France fait accueil aux laines, aux bèftiaux3 au i
cuirs ver’ds', aux planches & aux fers de Lorraine^
c’eft-àj-diré, aux matières premières; page 40^. ,
qu’ellè tire lès eftamëts de GranAvilie , & lès toiles
de Commercÿ; Mais , arrêtons-nous: un plus long
détail ferdit critique, & cé n’eft point notre intention ;
fin'iflons feulement par une réflexion fondée fur les
dernières citations, & qui jéttéra peut-être quelques
rayons de lumières fur la matière que nous traitons.
L a Lorraine fournit des matières premières à la
France : c’ eft donc un pays défendu par dès ta r i f s ,
qui’fabrique les productions d’un pays qui a là communication
libre avec l’étranger.:' dépendant le peuple
eft nombreux & induftrtêux eh Lorraine; la
main-d’oeuvre y eft encore à meilleur marché qu’en
France; & toute la différence qu’il peut y avoir
entre la Champagne & la Lorraine, c’eft que cette,
dernière -eft en proie aux marchandifes fabriquées à l’étranger; au lieu que la prèmièrè , défendue.:par
des ta r ifs même fort imparfaits -, ptbfpère à leur
abri , malgré lés inconvénien's -donfî-flé/ab'les 'qui ré-
fültent f fé :l?étàrt ' pféferit.: T e l eft ïer:.finSftrç effet de
cCs entrepôts tant vahtés de marchandifes étrangères
, qui rendent le voifinage de la Lorraine fi préjudiciable
, & contre lefquels il eft impoffible de. né
pas préridre de précautions ; ils commencent pair
écrafër la Lorraine*; & la-- fortune^de quelques contrebandiers
fait la ruine entière de la province. Au
refte, c’eft en. faveur de la Lorraine qu’on eft entré
dans une difcuflîon auffi étendue ; & on lui diroit volontiers.,
optez : fi vous acceptez le tarifa il n’eft
pas douteux que vous ferez votre bien, & on le defire
pour‘l’amour de vous ; fi vous le refufez , il n’aura
pas moins lieu pour le reftè de là France ; vous
ferez province étrangère, fujette à la foraine, aux
prohibitions qui doivent y être obfervées, ôc féparéë
des provinces voifines qu’on tâchera de défendre
èoiitre vous comme contre l’étranger. C ’eft la con-
féquence îiéceffaire de l’égalité de proteftion, que
le fouverain doit à fes fujets. Mais que la Lorraine