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paravant ; • ces -ifles : ay an t. éfé comme; oubliées pendant
plufieurs fiécles, & pour ainfi dire , perduçs
tout ce temps-là.,, pour les nations d’Europe, qui
n’en avoient nulle connpiffànce.
Les Espagnols en font préfeatement les maîtres,
& les poffedent depuis i’âonée 1 5 1 a , qu’ellës leur
furent cédées, par. lgs. fiicceffeurs de ,peux qui en;
avoient d'abord. fait la conquête ; du nombre desquels
on compte un Betançour, gentilhomme Normand,
qui' s’y établit le premier, mais qui n’en
pofféda que les cinq plus petites , ayant trouvé trop
dg réfifta,nce dans les Barbares - qui habitoient les
deux autres.
Ces jfles fituéçs à l’accjdent de l’Afrique , entre
lé 16 8( le z 8°. degré ,' 30. minutes de latitudeVis-
à-vis -lé "royaume der Marpç , à 80 lieues des .côtes
de Barbarie, font au, 'nombre de. fep t , dont la principale
eft celle qu’on nomme. Grande Canapé ;
lés' fix autres font Palme, Ferro', Gomere , T e -
netiffe , celle-ci fameufe par fon p ic , ou montagne
qu’on croit la plus haute qu’il y ait au mondé;
Fuente., F.ortaventura., & la Lencerotte.
L e tç;rEein de îCes‘iflçs eft extrêmement fertile en
toutes fortes de grains , de fruits 6c de légumes ,
particulièrement en ces excellens vins £ êftimés par
toute l’Europe, j où i l s’y en cranfporte une fi grande
quantité chaque année.
Les Anglois & les Hollandois, font ceux, qui .en
enlèvent davantage , & l’on .eftime qu’année commune,
il en pane en Angleterre 16000 tonneaux,
& en Hollande prefqu’autant. Les autres nations en
font aufli un allez bon commerce, mais ;bien au-
deffous dé celui'de ces-.deux premières nations.
Les fùcres s’y cultivent pareillement en abon- :
dance , & la grande Canarie toute feule , a . de quoi
employer plus de i z moulins à fu c re , travaillant
aôtuellement ; ce qui eft à proportion dans les autres
ifles.
■ Parmi les grains, l’orge y vient,en plus grande
quantité , & y eft d’un bon débit.
Les autres marchandifes qu’ on tire de ces ifle s ,
font le m ie l, la cire, des peaux de bouc, de la poix.,
ou gomme noire;' diverfes fortes de fruits frais ,
fecs & confits ; des volailles domeftiques , du gros
Sc menu bétail, dont les navires qui y trafiquent,
achètent pour le rafraîchifîèment.
Il s’y fait aufli un commerce confîdérable de fe-
rins, qui du nom de ces ifles , où ils fe trouvent
en quantité, ont pris celui de fe r in s . de Canaries 5
& c’eft â caufe.de ce commerce que les habitans y
cultivent l’orifelle, plante dont la femence eft propre
à la nourriture^ de ces petits oifeaux.
M É M O I R E concernant le commerce que les \
A n glo is fo n t a u x ifles Canaries , fur -tou t à
celle de Teneriffe,
Le s bâtimens Anglois viennent ordinairemeftt en
droiture à l ’ifle de Teneriffe depuis le temps d e là
récoke des vins de Malvoifie jufqu’ en avril..
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■ LeS marchandifes qu’ils y apportent font partie
des étoffes Sc des uftenfiles qui fe fabriquent la plupart
dans leurs manufactures, & partie de ce qui
fert à la vie & à la nourriture qu’ils prennent chez
eux ou chez leurs voifins. Ces diverfes fortes de
marchandifes & de denrées font :
Quelques, draperies. ,
■ Des camelots ordinaires.
Des Bayettes, la p lu s , grande partie noires, Sc
verd d’émeraude. -
Des anacoftes blanches • & noires.
Des fempiternes prefque toutes bleues de roi.
Des lamparilles de toutes couleurs.
Des bas d’eftame à l’aiguille & au métier,
j. - Des chapeaux.-
Des gorgonelles & collets de Hollande Sc de Hambourg,
larges d’environ demi-aune de France, de
deux ou trois différentes qualités. ■
Des crues ou crés de Flandre, d’environ une.aune
de la rg e , Sc d’autres plus groflières d’Ecoffe.
Du lin fin , d’autres plus ordinaires , Sc des fils de
toutes fortes de numéros. ;
Divers meubles. & uftenfiles de b o is , comme
bureaux, des chaifes, des armoires.
Des' harnois dé chevaux'.
De l’ étain^
Diverfes quincailleries & merceries.'
Du merain pour faire des pipes.
Quelques cuirs d’Irlande.
De toutes fortes de marchandifes & d’ouvrages de
foie entir’autres :
Des étoffes de foie.
Des bas d’hommes & de .femmes»-
•Des rubans de toutes efpèces. . ;
Des taffetas de toutes- fortes, mais peu , parce
. qu’il en vient d’Efpagne à meilleur compte.
Des bleds d’Angleterre & d’Irlande.
De Forge des mêmes endroits.
1 outes. fortes de légumes.
Des harengs & des fardines.
Des boeufs & des porcs.
Du beurre, du fromage & de la chandelle.
Enfin de la farine de la nouvelle Angleterre.
Le s autres ifles ont coutume de tirer de l ’ifle de
Teneriffe les marchandifes d’Europe dont ils ont
befoin. .
L e principal retour des Anglois confifte en vins,
dont pendant la guerre pour la fucceflion d’Efpagne
ils enlevoient prefque les trois quarts moins que
lorfqu’ils étoient ligués «tv-ec l’Efpagne contre la
France.
Depuis la paix d’Ut-rechr , ils peuvent charger
quatre mille pipes ou environ dé malvoifie de
la première qualité , qu’ils achètent la plus grande
partie en troc de leurs marchandifes , & le' fur plu s
comptant i un an ou dix-huit mois de terme , qu’ils
paient par femarne ou par mois jufqu’à l’entier paiement
; le refte confifte efT vins fecs.
Le roi d’Angleterre retire des droits d’entree
douze à treize livres fterling par pip e , ce qui fait
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que fa majefté Britannique protège beaucoup ce
commerce.
Lorfque les Anglois étoient, pour ainfi dire , les
maîtres du négoce des C an a r ie s , ils ne bornoient
pas ce,négoce aux feules ifles ; & leur principale
vue étoit de fe faciliter celui des Indes occidentales
, par le moyen des navires de regiftre qui ont
coutume d’y charger pour les côtes de l’Amérique
Efpagnole. Aufli y avoient-ils alors de grofles mai-
fons toujours bien remplies de leurs manufactures ,
qu’ils troüvoient facilement occafîon d’y embarquer
malgré les défenfes,.& dont ils recevoient les retours
en argent & en fruits & marchandifes dés
Indes occidentales qu’ils .faifoient enfuite palier en
Angleterre.
I l eft certain que les marchands Anglois retirent
à peine des marchandifes qu’ils apportent des ifles
Canaries , le prix qu’elles leur coûtent jufqu’à ce
qu’elles foient remifes en Angleterre , ce qui fans
doute les pourroit dégoûter de ce commerce, s’ ils
ne fe dédommageoient fur celles qu’ils y apportent,
fur lefquelles ils gagnent depuis foixante jufqu’à
foixante & dix pour cent en temps de paix , & beaucoup
plus en temps de guerre. Mais il eft vrai aufli
que le débit eft long , Sc qu’ils font obligés de faire
quelques mativaifes dettes, quoique néanmoins tout
fe paye avec le temps.
Lorfque la récolte de vins eft bonne aux Canaries
, la feule ifle de Teneriffe en donne au-delà
de trente mille pipes , dont environ le tiers eft de
vins de Malvoifie, & ies deux autres tiers de vins
fecs : le refte des ifles , comme la Can a r ie, l’ifle
de Palme 8c l’ifle de F e r , n’en fourniflent chacune
guère* moins de quinze à feize mille pipes ; la plupart
vins fecs.
L e prix des Malvoifies, quand l’année eft raifon-
nablement abondante , ne pafle guères cinquante à
foixante piaftres la pipe , celui des vins, fecs vino-t-
cinq à trente piaftres; & celui des eaux-de-vie foixante
piaftres; les uns & les autres rendus à bord. Lorfqu’on
prend bien fes mefures ce commerce eft fort aifé
furtout fi l’on eft préfent à la vente, & qu’on ne
faffe pas. de grandes cargaifons, autrement on les
paye plus cher.
On paye fept pour dent de droits d’entrée des
'marchandifes qu’on y apporte ; mais l’eftimation
ne s’en fait jamais fur le pied de la vente , ainfi
ces droits fe réduifent environ à quatre ou Cinq pour
cent.
Pendant la guerre pour la fucceffi'on d’Efpagne,
les Anglois n’y venoient que mafqués, c’ eft-à-dire,
fous pavillon d’ami : moyennant quelques préfens ,
ils y étoient pourtant reçus ; mais outre les droits
ordinaires de fept pour cent, on leur faifoit encore
payer neuf pour cent ; & malgré tout cela ils ne
laiffoient pas d’y faire allez bien leurs affaires , n’y
ayant point eu d’année qu’ils n’aient enlevé jufqu’à
quatre mille pipes-de vins des deux fortes.-
Préfentement .leur Commerce s’y rétablît à peu
près fur A’ancie» pied & il eft certain que leurs 1
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vaifTeaux enlèvent feuls.plus de vins que toutes' les
autres nations- enfemble , fournifiant prefque tous
ceüx dont on a befoin en H,ollande , dans la mer
Baltique & dans le nord , outre ce qui s’en con-
fomme en Angleterre.
D e s navires de rcgiflres qui f e fr é te n i a u x ifles
des Canaries pour VAmérique Ffpagnole .
Outre les fortes de navires dont les permiflious
s’expédient en Efpagne, il s’en frété aufli beaucoup
aux Cana ries, qui reçoivent leurs congés des officiers
de fa majefté catholique, établis dans ces ifles*
Les permiffions de ceux-ci font à la vérité moins
étendues que celles des autres ,, ne leur étant accordé
de porter à l’Amérique que des fruits de la terre ,
comme des vins , & de ne revenir non plus chargés
que des productions des Indes occidentales , à la
réferve néanmoins de l’argent Sc de la cochenille ,-
dont il leur eft défendu de faire leurs retours.
Ces exceptions n’empêchent pas pourtant qu’ri
ne fè charge fur ces navires toutes fortes de marchandifes
propres pour les côtes de l’Amérique J
& qu’ils n’en rapportent quantité d’argent & de
cochenille , avec les autres marchandifes qui leur
font permifes.
Les étrangers qui font le commerce des ifles Canaries
, ont encore plus de part à cette contrebande
que les infulaires mêmes, foie qu’ils veulent
l’entreprendre fur leurs propres vaifïeaux, foit qu’Ü9
fe contentent d’envoyer leurs marchandifes à fret fur
les navires dès fujets du roi d’Efpagne.
I l eft vrai que pour l’un & pour l ’autre, il faut fe
conduire avec beaucoup de prudence & de fecret ,
pour que les officiers du roi n’en ayent point de
[ connoiffance : mais en ce cas même ces officiers
ne font point intraitables , & il eft facile d’acheter
leur filence & leur diffimulation.
Lorfque l’on fe contente d’envoyer ces marchan-
: difès à fret , on les fait tranfporter 'la nuit fur les
] vaiffeairtc de regiftres qui font e-ri charge ; & l’on ne
'manque point de gens affidés qui les tirent des ma-
gafins où elles font en dépôt, ou bien fi le vaiffeau
! étranger qui lès a apportées ne les a-pas encore mifes
à terre, il eft facile avant le départ dit navire de
regiftre, de les palier dùn bord à l’autre , & c’eft
le plus fûr , mais aufli le plus rare ; parce qu’il
n’arrive pas fouvent qu’un navire étranger arrive
: jdftement dans le temps qu’un' navire de regiftre a
achevé fa cargaifon.
Si c’eft fur fon propre navire qu’un étranger veuf
| charger en obtenant le regiftre pour fon bâtiment :
il faut en ce cas congédier l’équipage en arrivant,
en faire une vente fuppofée , Sc l’armer de matelots
Efpag'nols 3 Sc enfuite obtenir le regiftle fous le nom
1 d’un négociant des ifles , étant facile de trouver parmi
les gens du pays des marchands & cTautres per-
fonnes toujours prêts à faciliter toutes ces choies
aux étrangers , avec lefquels ils en ufent avec ura
fecret & une fidélité incroyables.