
évident que l’on ne peut fe flatter d’arrêter le cours
d’un auffi grand défordre que par le rembourfemént
des ca p ita u x . O r comment effeéluer ce rembour-,
fement ? C ’eft ce qui eft impoflîble dans l’état aétuel
des communautés, pulfqu’avee le fecoürs des importions
extraordinaires & des droits multipliés fur
les marchandifes * elles ont encore de la peine à continuer
le paiement des intérêts.
Il n’y a qu’une feule reffource pour opérer leur
libération, c’eft que le,roi fe charge lui-même de
toutes leurs dettes. Mais comment propofèr au gouvernement
d’ajouter a la mafTe des dettes de l’état
un nouvel engagement de zo millions? quelle apparence
que le roi veuille contracter une obligation
auflî onéreufè ,. tandis, que le p lan , qui s’exécute
de libérations générales , exige encore de nouveaux
fecours: ? Propofera-t-on d’établir dans le
royaume , un impôt dont le produit foit uniquement
ço nfacré à cet objet? C ’ eft en vain que l’on fe flatte-
roit de faire adopter cette idée. Ferâ-t-on fur toutes
les communautés du royaume , une répartition du
montant .de leurs, dettes , pour les obliger .a en
acquitter là totalité par la voie ,dê.- contribution fur
letirs membres. ? N e . pourrait T on pas déterminer
cette côtifation de, manière-que le rembourfement
s’opérât en un certain nombre dannées."limité? Quelques
longs termes qui* fuffent. fixés , une pareille
opération ne pourrait que confommer la ruine de
tous les agens du commerce & de l’induftrie. Nous.
avons préfenté le détail effrayant des. charges qu’ils
fupportent. Nous avons viî. toutes les Familles d’ar-
tifans réduites à la plus trifte indigence ; les mar-
ehands ^ux-mêmes. fournis à des frais fans nombre
qui détruifent leura ifance, & portent, un préjudice
fenfible a leuL\ commerce. Ce ferait produire un
découragement univerfel, que de les affufettir à une
nouvelle impofition , dont ils n’auroient que la fur-
ch arge, & qui ocçafîonneroit .d’ailleurs un renché-
iifïcmçnt fubit dés falaires & de tontes les marchandifes.
• L ’impôt feroit fupporté dans, le fait par tout
le .public , il retomberait fur les propriétaires & les:
cultivateurs, par le furhaufTement du prix de toutes
les denrées & de tous les ouvrages de l ’induftrie.
Il faudroit donc trouver un moyen de lever les
fommes néceflàires pour le rembouffement des
dettes des communautés , fans augmenter la mafle
des impofition? actuelles. IL faudroit qu’il n’ en coûtât
lieu au roi , ni â l’état , ni aux communautés elles-
mêmes. C’eft ce qui parole fans doute; fort difficile ,
& ce que la fuppreffion des jurandes met cependant
à portée de réalifèr. Non-feulement lès membres
de ces différens corps ne feroient grèves
d’aucune nouvelle taxe ; mais ils fe verroient au
contraire déchargés de la plus grande partie de
celle? qu’ ils fupportent. V o ic i en effet ce que l’on
pourroic établir en fupprîmant les corps & communautés.
L ’effet de la liberté générale du commerce & de
l ’induftrie, eft de rendre toutes les profeffions gratuites
j de procurer à. tous les citoyens l’entrée libre
des arts & métiers fans aucuns droits, ni frais $
de faire difparoître les formalités difpendieufes de
l’apprentiffage & de la maîtrife , ainfi que toutes
les autres charges des/«ram/er. Un ferrurier à qui
il en coûte aujourd’hui r i à 15 cent livres pour la
maîtrife $ un marchand qui débourfe 3. à 4 mille
livres avant fa réception dans fon corps , fe refu-
feront-ils à payer la vingtième partie dé ces fom-
mes pour acquérir la libération du tout ? fe trouveront
ils gênés de contribuer d’une piftole au rem-
bourfement général des dettes , lorfque de l’autre
côté , ils feront déchargés du paiement de zoo l.J-
Que l’on propofé â un ouvrier , tel qu’il fo i t , de
donner un louis une fois payé pour être difpenfé à
l’avenir de tous les frais de fa communauté , on,
ofe afiurer qu’il n’en eft pas un feu l, qui ne s’em-
prefTât de fouferire à un pareil traité ;; avant même
que la première année fût échue, il ferait rem-
bourfé de fon louis par l’affrançhifTemén't des droits
de vifites. L a feule condition néceffaire , c’eft que
cet arrangement fût allez folidement afiuré , pour
qu’il ne crue pas avoir â s’en défendre comme d’un
piège tendu à fa fimplicité. 11 feroit indifpenfabl©
de lui préfenter une loi revêtue de toutes les for*
mes, qui établie fa fraùchife & lui en garantît la
perpétuité. C’eft une opération dont la , confiance
du public affurera feule le fûccès. L a minière d’y
procéder peut être fort fimple.
On vient de voir que dans: le plan prapofe r
.les corps & communautés feroient réduits à de fin**
■ pies affociations ; que les marchands & artifans ,
n’auroient d’a litres formalités à remplir , pour ac~
quérir leur état , que de fe faire erirégiftrer ati
greffe de la police dans le lieu de leur domicile*
Lors-de cet enregiftrement, on pourrait les affu-
.jectir à prendre une force dé brevet taxé à une
fournie fixe & invariable pour chaque art & métier.
Ce brevet ou quittance de finance leuï tiendrait lieia
de Lettre de maîtrife ; ce feroit lé titre de-leur pro-
;feffion. Ceux qui ! voudraient en réunir' plufieùrs ,
; feroient tenus de prendre autanr de brevets féparés»
On pourrait leur accorder une remife du tiers out
du quart fur la taxe des brevets, à proportion du
nombre qu’ils en prendraient.
I l feroK jufte de a impofer cette taxe que fur les
lieux & fur les métiers qui pourraient la fupporter.
Les artifans des campagnes ou des bourgs , & même
des villes fort petites & fans commerce , en feroient
exemptés. Il en feroit de même des arts & métiers
peu lucratifs dans les plus grandes villes. Pour raç
rîen laiffer â l’arbitraire., il conviendrait d’indiquer
les villes où la taxe fe percevrait, & d’accorder
pleine franchi fe à celles qui ne feroient point employées
dans l’état.
Le s communautés n’ayant plus d’être civile, ni
d’exiftenee propre , les fommes provenues des brevets
ne pourraient leur être appliquées. Elles feraient
acquifès au r a i , comme une indemnité' de la
charge qu’il s’impoferoit à lui-même en contrariant
l ’engagement folemnel d’acquitter toutes leurs dette».
Ï1 feroit à délirer que la perception de la taxe , ne
fe fît- que par la voie d’une fimple régie , pour former
un fonds deftiné ; 1 au paiement dés arrérages
des renies dues p a r les communautés ;
z ° . au rembourfement des ca pita u x de leurs
dettes.
Il eft certain qu’en moins de zo ans, le rembourfement
total pourrait fe trouver rempli avec le
produit fucceflif de la taxe , fans qu’il en coûtât
rien au r o i , ni â l’é ta t , & fans établir aucun impôt.
Ceux mêmes qui y feroient afTuiettis, ne pourraient
la regarder que comme un bienfait. Elle ferai:
également avantageufe & aux marchands & arti-
fkns qui jouifîènt de leur état, & â ceux qui feraient
reçus â l’avenir.
A l’égard de ceux qui , après la fuppreffion des
ju ra n d e s , embrafferoient les profeffions de com - ,
merce , arts & métiers ; il? fe verroient difpenfés
des longueurs & des fiais de l’appreutiflage , de la
fervitude du compagnonage, des frais de la maîtrife,
des droits de réception , &c. L a taxe qui leur feroit
impofée , leur paroîtroit bien légère , en la comparant
aux charges donc on leur accorderait
l ’exemption.
A l’égard des ouvriers & marchands déjà établis,
i l s jôuiffent de leur état en vertu des droits &
saxes qu’ils ont déjà payés. Il .paraît jufte de ne
les foumet&e qu’à une fimple infcripcion à la police
, & dé n’exiger le droit que des nouveaux
reçus. Quelque foit l’attachement aveugle que
l ’habitude & le préjugé infpirenc aux marchands &
artifans pour leur corps & communauté , ce fenti
ment feroit affoibli fans douce par la vue des avantages
qui réfulteroient pour eux de la fuppreffion
des jurandes \ ils fe trouveroient affranchis : i° . Des
droits de vifites , qui forment une fécondé capitation
dans tous les corps , plus forte que celle qui fe
paye au roi. z°. Des droits de jurande pour parvenir
aux charges. 30. Des contributions & cotifa-
tions qui font arbitraires & fe règlent fur les befoins
de là communauté. Nous avons montré , dans les
chapitres précédents , par l’évaluation de ces différens
objets , qu’il en coûtoic encore plus au marchand
& â î’artifan depuis fon entrée dans le corps ,
qu’il ne lui en avoit coûté pour y parvenir, i l n’y
en pas un feul qui ne dût fe trouver heureux a être
délivré de toutes ces impofitions annuelles & fuc-
ceffives, qui lui enlèvent l’ai fan ce de fon état.
' Pour rendre l’ opération folide & irrévocable , il
paraît néceffaire que le même édit qui prononcera
la fuppreffion totale des jurandes , éiabliiie la taxe,
en détermine l’emploi , & en préfente la fixation
dans an tarif qui y fera annexé. Par ce moyen ,
chaque membre des corps & communautés fera en
état de faire lui-même fon calcul & de fe convaincre
par fes propres yeux , des immunités qui lui
feront acquifès par le changement propofé. S’il
étoit poffible de recueillir les voix dans tous les
corps, on les verrait toutes fe réunir en Faveur d’un
projet qui préfente pour chacun un gain clair &
liquide , & ne peut entraîuer aucune conféquence
dangereufe , dès que la taxe fixée par l’édit d’une
manière immuable , ne pourra^dégénérer en impofition
arbitraire.
C h a p i t r -B X I .
De Vexécution des Jlatuts & réglemens•
Le s Jlatuts & réglemens des corps & communautés
font de deux fortes. Les uns ont pour objet
la difeipline de ces corps, & la police particulière
des jurandes ; les autres font deftiîiés â fervir de
ioix dans le commerce, & â déterminer la qualité &
la perfeélion des ouvrages.
A l’égard des réglemens^ de difeipline •& de police
intérieure des communautés, ils feront nuis &
non avenus par le feul effet de la fuppreffion des jurandes. Les communautés ne oonferveront pas
des ftacuts après avoir perdu leur exiftence. On ne
peut pas détruire l’être & laifler fubfifter la forme.
A quoi ferviroit d'ailleurs ce recueil de loix bifar *
res ? Elles n’auront plus d’objet. Tous les .articles
des ftacuts ont rapport à quelqu’une des formalités
& des épreuves dont la liberté du commerce
doit abroger l'ufage. Il n’y aura plus ni apprentifs,
ni compagnons , ni chefs - d'oeuvre , ni jurés, ni
affemblées , ni vifites. Par le même édit qui les fera
difparoîcre , on ne pourra fe difpenfer de proferire
l’ordre entier de légiflation qui y eft relatif.. Combien
d’autres branches de hotre droit pofitif qui de*
vroient fubir-la même réforme dont le fouverain,
par un aéle à jamais mémorable de fagefiè & de
bierifaifance , pourroic d’ un jour à l’autre effacer
ju{qu’aux moindres tracés !
A l’égard des réglemens généraux & particuliers
qui forment le code & la police générale du
commerce , la diffolution des communautés ne leur
porte aucune atteinte. Le gouvernement & les ma-
giftrats ne feront pas moins- â portée d’en affurer
le maintien & Xobfervation. Ce font, en effet, les
lieutenants généraux de police qui font particulièrement
chargés de cette portion d’adminiftration
publique. Leur compétence eft établie par leur édit
de création; elle a été confirmée par l’article Z4
de l’édit de novembre 1706 , qui leur confie le foin
de veiller à Vexécution des chacun corps des marchaJnladstu &ts a&rt ifraégnlse.m Oenrs,
quel eft le plan propofé? C ’eft d’affujettir tous les
marchands & artifans, à fe faire inferire au greffe
de la police. Les communautés font réduites à de
Amples affociations formées fous les yeux d e là police.
Ils demeurent donc immédiate ment fournis à
l’infpeélion de la loi. Leur liberté ne pourra dégénérer
en licence , & il ne fera pas moins facile
qu’il ne l’e.ft dans l’état aéluel , de réprimer les
fraudes & de punir les contraventions aux réglé- mens & à Tordre public.
L ’expérience doit raffiner d’ailleurs fur ce point.
Il y a dans le royaume beaucoup d’endroits où le