
à la fortie , doivent, par les mêmes principes , fe
trouver placées dans les claifes les plus Fortes à
l ’entrée.
Le s grains de l’Alface fe trouvent aujourd’hui
compris dans les prohibitions générales : c’eû une
affaire d’ état qui ne regarde pas le tarif.
Elle compte encore parmi Tes produ&ions , le
tartre de vin , les huiles de iin , de navette &
de pavots, ait fî que le fafranon. On pourroit y
ajouter la garen.ce , dont la culture commence à y
jréuffir. Tous ces objets propres & même néceflaires
aux manufa&ùres , devroient fournir d’abord à la
confommation des manufactures même d’Alface ;
& leur fuperflu trouveroit un débouché avantageux
dans les manufactures de France, qui en tirent elles-
mêmes de l ’étranger.
Finiflons par l’objet des chanvres & des lins. Dans
le fait ., l’Alface en-produit beaucoup : elle en I
confomme peu dans les manufactures languiffantes.
L a Suifïe & la Hollande enlèvent le furplus presque
en exemption de droits, tandis que toutes les
autres manufactures de France font obligées d’aller
chercher à l’étranger ce qui manque à faliment de
leurs fabriques. Ainfi il réfulte de l’état aÇtuel, que
l-^lfaçe n’a point de manufactures pour l ’emploi
de fes matières premières, quoiqu’elle fut à portée
plus que toute, autre d’en faire ufage; que 1 etrang
e r en profite, & que le iégnicoîe en eft privé ;
8c cela ne peut pas être autrement, tant que l ’A l- !
face ne connoifîant pas fes véritables intérêts ,
çpnferyera fa liberté à l ’étranger , & fa barrière !
dans 1 intérieur. S i , par le nouveau ta r i f , fa corn- |
munication avec l’étranger eft gênée fur ces objets,
elle devient libre avec les autres provinces du ■
royaume , dont les manufactures fabriqueront de
p lus ce que 1 étranger fabriquera de moins. L ’AI»
face elle-meme employera ees matières ; elle augmentera
le nombre de fes métiers ; la claffe du
tarlf y |j| plus favorable à l’exportation, & la li—
herte de fa communication avec l’intérieur, favorifè-
yont fes premiers débouchés : fa propre confomma-
tion lui fera afTuree par les droits d’entrée fur les
marchandifes étrangères , & bientôt fes fabriques ,
dignes émulés des autres manufactures du rpyaume,
concoureront avec elles dans le commerce à l’etranger
, dont elles cefïèront d’être tributaires comme
elles le font.
Tout concourt donc a prouver les avantages que
lA lfa c e doit retirer de l’exécution du nouveau
r a r i f II eft temps de rappelier ici ce que nous
avons, dit d abord : c’eft que , quand l’intérêt ne s’y
trouveroit pas tout entier , & pourvû qu’il n’y eût
pas des inconvéniens confidérables , il eft plus convenable
que la barrière foit établie .entre l’étranger
^ le régnicole , & que tous les citoyens foient
réunis & défendus par une barrière qui les comprenne
tous, Linteret général de l’état, l’égafifé de
la protedion du fouverain pour-tous fejy fuje.ts., -les
fentimens de confraternité qui .doivent unir tous-les
fnfans du meme |>ere, epfin laprofpérité générale,
qui eft la. feule, fburce allurée de ÉouEes les prof-
pérités particulières , décideraient la queftion ,
s’il pouvoir y avoir quelques difficultés, qui difpa-
roiflènt toutes dès que l’intérêt .général de l’état
fe trouve réuni â l ’intérêt particulier des provinces
qui le compofent.
Il ne nous refte plus a difcuter en général , que
ce qui regarde la Lorraine & les trois Évêchés. Ces
dernières enveloppées de toutes'parts par la Lorraine
, fujvront néceflairement fon fort : mais cette
province éventuellement réunie à la France , doit
nous intéreflèr par bien des motifs. C ’eft une province
frontière qui ne fauroit être trop peuplée , ni
trop attachée aux intérêts de l’état , qu’elle défend,
pour ainfi dire , en première ligue en temps de
guerre. Son bien particulier fait donc une partie
effentielle du bien général de l’état. L ’idée du nouveau
ta r i f qu’on ne connoifloit pas encore, a donné
lieu à un grand ouvrage, où l’auteur déclare avoir
été financier, commerçant & fabriquant, & ne parle
que comme citoyen.
Il eft inutile qu’il foit financier ; car il ne s’agiç
point ici de finances. On ne fauroit trop répéter
qu’un ta r i f ne peut être bon , que , lorlqu’oùblianc
le plus , grand intérêt des produits , il eft véritablement
travaillé dans le plus grand intérêt du commerce.
Pour juger de celui qu’on propofe , il fuffit
.donc d’être véritablement commerçant & fabriquant.
En examinant cet ouvrage, commençons par écarter
tout l’inutile : retranchons à ce titre environ un
tiers du livre rempli de déclamations & de lieux
communs contre les fermiers : préjugés vulgaires
qui ne laiiïent que le regret du temps perdu à les
écrire & à les lire.
On voudroit pouvoir traiter avec le même mépris
l’éloge répété de la contrebande, qui ôccupe
encore bien un tiers de cet ouvrage : mais notre
auteur en triompheroit peut-être. Des gens peu inf*
truies pourroient le croire : on ne fera pas cependant
bien long fur cet article. Nous avons prouvé
dans le fécond chapitre , de la façon la plus évidente
, que la contrebande étoit le plus mortel ennemi
de la fabrique : ainfi ce n’eft pas en qualité
de fabriquant, qu’on peut prendre fa défçnfe. 8e-
roit-ce comme commerçant ? Nous croyons avoir
auffi prouvé dans le même endroit, que le négociant
n’étoit véritablement utile que lorfqu’ il animoit la
fabrique , & lorfque les efforts réunis du fabriquant
& du négociant répandoient la vie & l’aérivite partout.
Il n’y a , dans le vrai, qu’un-, feu'l commerçant
dans l’ état, qui eft l’état lui-même. Tous les nego?
dans ne font que des faéfeurs de des.- corn midi on-
naires , auxquels il abandonne le foin de faire
fruttifier fes différentes branches de commerce £
leurs profits font les fîens, &-l’enricMffent • mais ils
l’appauvrir-oient, s’ils, nui foient à l ’agriculture, aujt
fabriques & à la population : ce qui réfulte. liécçt*
-fakemçnt. du commerce dg contrebande.. Un mar»
iChand de .contrebande n’eft' donc ni négociant » n*
commerçant : .ç’gft une fangfue <jui enrichit l’étrangei:
aux dépens de l’état, & qùi s’engraifle lui-même du
fang des pauvres. On fe réprocheroit d’en dire,
davantage fur une vérité fouvent oubliée, mais uni-
ver felle nient connue.
Avant' que d’examiner le refte du liv re , divifé en ,.
uatorze lettres féparées avec a r t ,' pour malquer
ifférentes contfadiéVions qui ne font peut-être pas
échappées ,fans Aefîèin à un auteur qui. s’annonce,
par-tout comme fort inftruit., commençons par bien,
éclaircir ce qu’on entend par les mots de fabrique
& de nïanufa&ures. L e terme de fabrique en général
, comprend toutes les maUis-d’oewvres que les
matières premières reçoivent dans les manufactures.,
Les manufactures font de deux elpèces, rafiemblées.
ou difperfées.
Les premières font conduites par un feu! entrepreneur
, qui raffemble fous fes y eu x , dans une
enceinte de bâdmens plus ou moins vafte, le nom-,
bre de métiers & d’ouvriers qu’il fait travailler pour
fon compte, L a manufacture de Vanrobais eft dans
ce cas.
Les manufactures difperfées, font celles ou un
nombre plus ou moins grand de fabriqùans travaillent
pour leur compte; & on en connoît de deux,
fortes, diftinguéês par leur pofition. L a première,
prefque renfermée dans les enceintes des v ille s,
tire ordinairement fon nom de la ville qu’elle occupe
principalement ; par exemple , les manufactures dç
Lyon , de Reims, d’Elb eu f, d’Amiens , de‘Sedan,
& autres.
L a fécondé efpèce répandue dans tout le plat-
pays & dans toute la campagne , occupe chaque
particulier dans fa màifon , & chaque pàyfan dans'
fa chaumière, ne leur emploie pas même tout leur
tëmps , & ne fait fouvent que remplir les momens
oififs que leur laiffe l’interruption de leur travail
ordinaire. Cette efpèce de manufacture tire la dénomination
des chefs-lieux où le fabriquant vient vendre
fa marchandife , & acheter les matières premières
qui lui font néceffaires pour en fabriquer d’autres :
par exemple , les manufactures de toiles & toileries
de Rouen, de L a v a l, de Cholet, les càdis du G ér
vaudan & autres. I l y en a même de connues fous
le nom des provinces qu’elles vivifient prefque
par-tout, comme les manufactures du Beaujollois.
Cette fécondé efpèce de manufactures, fe nomme
fouvent du nom général de fa b r iq u e s , pour la
diftinguer des manufacturés- rafiemblées. Ces der-
nieres font utiles , par l’occupation qu’elles donnent
a ûne certaine quantité de citoyens , & parle nombre
de çonfommateurs qu’elles, fourniffent à l ’agriculture
: mais elles occupent tout le temps des
ouvriers qui ne peuvent être utiles qu’à, cet 'objet ; &
il en eft a peu près de même des manufactures
renfermées dans les villes.
Les manufactures difperfées dans le plat-pays,
font bien plus avantageufes. L a fabrique répandue
dans la campagne , donne de l’occupation aux habi-
qui ne font pas propres à la culture-j*, remplit
Commerce. Tome I L P a r t . J L
les momens oififs que les faifons & l’intempérié-des
temps laiffent au laboureur ; occupe les femmes &
même les. enfans, & les met tous en état d’élever
leurs familles, & d’améliorer leur bien. Elle eft
donc auffi avantageufè à l ’agriculture & à la population
, qu’au commerce. C ’eft par cette même rai»
fon que les manufactures rafiemblées qui emploient
les filatures, font plus utiles que les autres, parce,
que la filature eft nécefiairement répandue dans la
campagne, du moins pour la plus grande partie. Ii
faut donc écarter encore les prétendues difficultés
de bâtir des manufactures, mais exciter les fabriquas,
en leur ôtant les concurrens qui s’oppofent à* leur-
établiffement, & engager le colon & Fouvrier L o r rain
à faire de la toile & des étoffes propres :à Ta
confommation , au lieu de payer à l ’étranger le tribut
de cette fabrication. Qu’on ne dife pas que
cela eft impoffïble en Lorraine , tandis qu’on rapporte
la preuve du contraire par deux faits efîèn-
tiels : le premier, qui eft le bon marché des vivres ,
& par conféquent de la main-d’oeuvre ; le fécond ,
qui eft le Tuccès des toiles & lainage, fabriqués en
Lorraine , qui s’exportent à l’étranger , & même,
fe répandent en France , malgré les droits que ces
marchandifes paient à l’entrée.
Mais peut-être voùdra-t-on fonder Fimpoffibilité.
d’établir des manufactures en Lorraine fur la difette
des ouvriers. Nous n’avons pas afîèz d’hommes y
dit-on., pour fournir à une culture laborieufe & à
des fabriques abondantes. Cette erreur , fi elle étoit
fincère, feroit facile à.détruire. Premièrement, le
fait de la difette. d’hommes ne peut pas ê.tre ex aâ :,
puifque l’on convient du bon marché , de là main-
d’oeuvre, qui ne peut être que l’effet de la difette'
d’ouvrages, ou de la concurrence entre un afîèz
grand nombre d’ouvriers. Secondement, l’expérience
générale nous apprend qu’il y a toujours des hommes
par-fout où ils trouvent de l’occupation qui
les faic fubfifter commodément : leurs familles qu’ils
font en, état d’élever , les multiplient avec célérité ç
les étrangers les préviennent encore, en adoptant
cette nouvelle patrie ; & nul pays n’eft plus cultivé
& mieux en valeur , que celui qui fournit un grand
-nombre de çonfommateurs dans des fabriques flo-
rifîàntes. Mais , dit-on , il a fallu arrêter la trop
grande étendue des fabriques ,• par des arrêts qui
ont fufpendu leur travail pendant le temps des . ré*
coites dans la généralité de Rouen. Ces arrêts, et oient?
ils bien nécefiaires ? Tout eft cultivé dans cette généralité
, avec le plus grand foin & dans, le plus grand
détail. Il y a donc des cultivateurs, & il ne doit pas
manquer de monde pour la récolte. Cela-eft fi v r a i,
que ces mêmes Normands, dont la récolte eft plus
tardive que celles des environs de huit à dix lieues~
de Paris., viennent y faire la récolte avant que de
travailler à la leur. C ’eft un pays riche en manufactures'
& en fabriques, qui fournit les ouvriers.nér-
ceflaires à. la récolte d’ün. pays qu-i en eft prefque
dépourvu: preuve certaine que l’agriculture & la
fabrique fe prêtent, des feçours mutuels , & que la