
Outre cette cargaifon, on fait quelquefois paiTer
les vaiflèaux aux ifles de Fayal & de Madère , pour
y prendre des vins qui font propres pour les ifles ;
parce qu'étant trçs-forts, ils fe conlèrvent mieux
que les autres.
Les navires que l’on fait pafîèr à la pêche de la
tortue, n'emportent pas de cargaifons fi confidé-
rables : on n'y met que de légères emplettes, mais
beaucoup de fel pour fàler la tortue, qu’on porte
enfuite à l’Amérique , on les habitans Tachettent
pour la fubfiftance de leurs nègres.
Les temps propres pour partir vers l’Amérique, j
foht les mois de novembre 8c de décembre ; & la
traverfée eft ^ordinairement de quarante - cinq ou
cinquanteicinq jours.
« On peut voir à l’article de la 'Rochelle , les
» droits d’entrée & de fortie que paient en France
» les marchandifes qu’on envoie aux colonies Fran-
» çoifes, & celles qu’on rapporte ; on remarquera
» feulement ic i, que les droits qui fe paient a
» N antes , joints enfèmble , montent environ à fix
» pour cent de leur valeur ».
V oici le total auquel on eftime, que toutes les
marchandifes des colonies , . qui entrent dans le
royaume fur les-vaiffeaux Nantois, peuvent aller,«
année commune , par èftimation & par efpèces.
Les fucres bruts , ou mofçouades , à fix millions
de livres pefant.
Les fyrops de fiic re , environ quatre cent milliers.
Les fucres blancs. & terrés , depuis trois jufqu’à
cinq cent milliers.
L e cacao, deux cent milliers.
L e gingembre, environ cent milliers.1
L e coton en laine , cent cinquante milliers.
L ’indigp, cent cinquante milliers , ou environ.
L e rocou de Ca yenne, dix milliers. .
L e caret, ou écaille de tortue, cinq â fix milliers.
L a cafle, cinquante milliers.
On apporte auffi des cuirs de boeuf & de vache,
de Saint - Domingue , qu’bn achette fur le lieu fix
liv re s, & qu’on revend à N a n te s , neuf livres. A j
l’égard des bois verds & de gayac, ils ne coûtent qu’a
couper ; 8c l’on n’en prend que pour fervir de chantiers
fous le chargement des navires.
11 y a à N a n te s , huit raffineries à fucre, pour
fondre les mofçouades & les réduire en fucres blancs,
en pain , ou en poudre , qui font enfuite envoyés
à Orléans & à Paris.
L e refte des fucres bruts , qui ne peuvent être
convertis dans les raffineries de N a n te s , paflènt
ordinairement à celles de Saumur , d’Angers &
d’Orléans ; n’étant pas permis de les tranfporter
hors du royaume*
A d’égard des autres marçjiandifés , • comme le
gingembre , l’indigo, le rocou , le cacao , 8c quelques
autres, les Hollandois & les autres nations
du Nord , les viennent enlever, à la réferve d’une j
allez petite partie, qui refte .pour la cbnfommation 1
de la Bretagne, & d’une aflez bonne quantité de
cacao , qui palîe en Elpagne.
L a peche de la morue occupe plus de trente navires
Nantois', ou du département, du port depuis
foixante-dix jufqu’a trois cent tonneaux. Quinze de
ces vaiffeaux fe deftinent pour la morue verte*; le
refte pour la morue féche.
' Les premiers font jufqu’à deux voyages par an ;
n’employant ordinairement à leur voyage que trois
ou quatre mois au plus. Ils partent indifféremment
dans les mois de ju ille t, ao û t, décembre & janvier.
U n vaiflèau de cent vingt tonneaux n’emporte
pour cette pêche , que trente charges de fel , & des
vittuailles ; & quand la morue donne , & qu’il fait
bonne pêcher, o u , comme ils difent, bonne chère
ils rapportent vingt à vingt-cinq milliers de morue
en compte , a raifon de douze cent quarante morues
le millier.
Outre la confbmmation de Nantes , il s’envoie
quantité de cette morue à Orléans, à Paris, en A u vergne
& jufqu’à L y on ; ce commerce étant encore
augmenté par les morues des Olonnois & des
Rochellois , qui viennent décharger dans la rivière
de Nantes, une partie de celles de leur pêche.
Les navires pour la morue féche, font leurs cargaifons
différemment, fuivant les différens deffeins
qu’ils ont en partant pour cette pêche. Les uns vont
uniquement avec du fel & des viâuailles ; les autres,
vont partie en pêche & partie en faque, c’eft-
à-dire , en troque ; 8c d’autres encore feulement en
troque ; c’eft-à-dire , pour échanger des marchandifes
contre du poiffon fec, avec les habitans des
colonies du nord de l ’Amérique , qui font ce commerce.
Les cargaifons de ces derniers confiftent en bif-
cuit, farine, v in , f e l , eau-de-vie, lard, boe u f,
hu ile, fyrop, toiles , étoffes & autres afforrimens
pour la fubfiftance de ces colonies.
Les retours de cës cargaifons fè font non-feulement
a N a n te s , mais encore à Bordeaux, en Efpa-
gne & en Portugal.
On vend quelquefois cette morue aux Efpagnols
& aux Portugais, depuis dix-h uit jufqu’a vingt-
quatre livres le quintal ; mais les droits du roi vont
au quart de fa valeur, outre dix pourcent de com-
miffion ou de frais ; enforte que le poifTon ne s’y
vend guères plus a penFrance : mais les retours
^récompenfent allez d’un gain fi modique , 8c font, ’
d’un très-bon débit.
Les marchandifes de ces retours, fi c’eft à L i f-
bonne ou à Porto , fon t, des fucres 8C des tabacs
de Brefil, des foumacs 8c des huiles d’olive ; & fi
c’eft à Bilbao , Saint-Sébaftien, Cadix , Seville , ou
quelques ports de Catalogne & de Galice , outre
les efpèces d’or & d’argent qu’on en rapporte , on
peut encore employer fon fonds en fer , en laine ,
en huile, en coton & en cochenille.
L ç s morues féches, qui fe déchargent à N an te s ,
fe confomment non-feulement dans la province ,
mais encore dans les arméniens de- mer, qui s y
fon t , tant pour le roi que pour les particuliers,
outre tout ce qui s’eii envoie dans les pays voiiins
de la rivière de Loire , l’Auvergne & le Lyonfiois.
A l ’égard de Paris, il y va peu de cette forte de
morue ; & Ton n’y connoîc guères que la morue
fraîche fàlée. . at
• « Le s morues des deüx efpèces paient a JS antes
» à l’entrée , pour tous droits, trois pour cent de
>? leur valeur»» _ . -T ' "j,
L ’huile rtu foie de morue eft auflï a Nantes i un
affez bon débit. U n navire qui aura péché deux
mille cinq cent quintaux de poiffon, peut preiier
trente bariques d’huile , qui s achetcent trente ivres
la barique, & peut fe revendre en France, depuis
cinquante iufqu’â foixante-dix livres.
Les Nantois font auffi quelque pêche de laurnon
& dé hareng; mais c’eft peu de choie. Ils onten-
core envoyé quelques vaiffeaux a la pêche de la baleine
; niais il y a long-temps qu’ils y ont renoncé.
Le s marchands de Nantes . outre leurs navires
de morue, envoient quelquefois a Bilbao , Saint-
Sébaftien,. la Corogne & autres ports de la cote
de Galice , des barques chargées de papier , toileries
, étoffes de foie , dentelles dor & d a rgent,
fucres, mercerie , quincaillerie J &- des grains &
légumes, quand le commerce en eft permis. L a
cargaifon de ces barques va depuis cinq à fix mille
francs jufqu’à vingt. Il s’y tranfpofte auffi^ des Tels
du Croiflc & de Pouliguen ; 8c environ cinquante
barques font occupées à ce dernier négoce.
De l’o r , de l’argent, du f e r , des laines, des
fardines, des peaux de mouton » des oranges 8c des
citrons , font les marchandifes qu’on en rapporte,
dont la confbmmation fe fait en r oitou , en Anjou ,
8c le long de la Loire.
N a n te s , de Portugal, eft la même que celle des
marchandifes d’Efpagne.
L e commerce que lçs Nantois ont avec le Portu
g a l, particulièrement avec Lifbonne & P o r to ,
fè fait prefque entièrement par les tartannes 8c les
fehitiés Provençales ; les marchands de Nantes y !
envoient peu ou point de vaiffeaux. Les marchandifes
que les,Provençaux prennent à Nantes , pour
ces deux ports Portugais, font des étoffes de foie
& de laine, des toiles de Quintin, du papier , du
fer en verg e, des eaux-de-vie , des dentelles d or
& d’argent , des rubans, de la quincaillerie & de là
mercerie ; mais la plupart font pour le compte des
marchands de P a r is , de L y o n , de T ours , 8c dp
Marfeille.
Les retours de Lifbonne & de Po rto , font des
fucres, des tabacs , des cuirs tannés & à p o il, du
bois de Bre fil, des foumacs, des huiles d o liv e ,
des orangés douces , des citrons 8c des figues.
I l faut remarquer , qu’à l’égard des fruits qui
viennent de Portugal, lçs vaiffeaux qui en apporr
tent, font obligés à leur arrivée d’en tenir planche
pendant trois jours , c’eft-à-dire, d’en détailler an
public à un prix qui eft fixé par Je$ officiers {fô
police.
. Jja çjçftination des nwehandifos qui viennent à
Les autres commerces., que les Nantois font par
la nier, font aux Canaries , à Fayal 8c a Madere ,
où il faut de ‘pareilles cargaifons, que pour le Portugal
, . Sc d’on on tire des vins, diverfes confitures
féches,, 8ce. v
A Salé, ,8c Sainte-Croix en Barbarie, ou Ion
porte des toiles de Bretagne, du fer & des tabacs,
& d’où Ton rapporte des laines 8c de l’étain.
A l’égard du commerce,-avec le N o rd , la Hollande
, T Angleterre , l’Ecofle & l ’Irlande , qui eft .
un des plus importans qui fe faflè à N a n t e s , les
marchands Nantois ne le font guères pour leur
propre compte ; ces nations , particulieremetit la
Hollandoife , y apportant elles-mêmes leurs marchandifes
,. 8c y ayant des commjffionnaires qui les.
vendent , 8c qui préparent les cargaifons pour les
retours. î ;, . • • ' i
Les marchandifes que les Hollandois tirent de
Nantes , font des v ins, des eaux-de-vie, des fyrops
de fucre, du miel, du tabac de Saint-Domingue ,
du gingembre, de la c.affe, de 1 indigo, du papier ,
des prunes 8c beaucoup de -fe l, qu ils prennent au.
Bourneuf 8c au Pouliguen. Cellesqu’ils y apportent, y
j font, des poivres, des girofles, de la canelle , de
j la mufeade, de l’amidon, de la colle-forte, du
plomb , de la cérufe, de la mine de plomb, du cui-
| vre, des pipes à fumer, du hareng, des raves, ou^
i rogues de morue , des planches de fapin , des mats ,
du gaudron , du bray g ras, des cordages, de y
chanvres , des poudres, du fil de fer 8c de leton ,
des fuifs , des cuirs de roufty, des huiles 8c fanons
de baleine, 8c beaucoup de mercerie 8c quincaillerie.
.
Les Anglois apportent du plomb , deTétain, de
| la couperofe 8c du charbon de terèe : leurs cargaifons
de retour, font , des fels du Croific , de
Bourneuf 8c de Pouliguen ; de l’efprit de vin , des
vins 8c eaux-de-vie, des fyrops de fucre , du papier,
des taffetas 8c autres manüfaéhixes de Tours 8c de
Ly on ; de la rubannerie, beaucoup de toiles , 8c
du gingembre.
Les Irlandois fourniflent à Nantes des -beurres ,
des fuifs, des chairs-falées en barils, du hareng ,
du faumon, des cuirs tannés 8c verds ; quelquefois
des laine s, quand ils ofent rifquer cette contrebande.
Leurs retours font à peu près femblables à
ceux des Anglois ; hors qu’ils y ajoutent quantité
de chapeaux, 8ç des galons & dentelles d’or 8c
d’argent.
L e commerce des Eçoftois çonfifte en charbon
de terre , en hareng, en plomb, en étain , en
cuirs 8f en fuif. J ls fe chargent à Nantes , des
mêmes marchandifes que |ès: Irlandois.
Les Flamands, ou comme on les appelle à N a n tes
. les F lan d r in s , particulièrement ceux de Bruges
Qftende, Gand 8c Nieu port, viennent à
Nantes avec leurs navires vuides , pour y chercher
dn fret & des marefiandifes pour leur compte ;
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