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la tranquillité dü Citoyen. I l eft arrivé plufieurs fois
que des droits établis &non fupprimés font tombés en
défuétude j qu’un fermier plus attentif s’eft apperçu
de cette négligence, 8c a voulu percevoir le droit
de la loi fubfiftante. Les tribunaux ne pouvôient s’y
appofer ; l’adminifhation l’a fait ; & par une (impie
décifion connue de tout le monde, .elle a arrêté le
fermier. Elle a voulu examiner par elle-même la
nature du droit, la forme de fà perception , les rai-
lons qui ont p’u intêrrompre cette perception , 8c
les incônvéniens qui pourroient réfulter de fon
rétabliflèment. Ce n’eft qu’après des précautions
aulfi fages , qu’il eft permis au fermier de le pôur-
' voir pardevaat les juges ordinairès , qui , par bien
des raifons, font toujours, plus favorables au contribuable
qu’au fermier.
On trouvera au refte dans cet ouvrage l’approbation
que méritent le projet de M. Colbert &'le
nouveau ta r if ; car c’eft le même projet , & la feule
différence, c’eft que M. Colbert y mettoit des conditions
qu’on n’exige pas aujourd’hui : nouvelle
preuve de l’utilité de ce tarif, qui eût été généralement
accepté , fans les conditions impofées a fon
acceptation. Les défauts qu’on peut reprocher aux
ta r ifs aéhiels , font une raifon de plus pour le
nouveau t a r i f , dans lequel on s’efforce de les corriger.
On ne répétera point ici ce qu'on a fi lîmplement
difcuté fur la quotité des droits & fur la fixation des
évaluations. C’eft avec le commerce que tout fe
fait j c’eft, pour ainlidire, lui-même qui fixe les
droits , & arrête les évaluations fur le pied d’un
commerce floriflant en tems de paix. Il fe trouvera
peut-être des droits qui feront augmentés, foit par
|a quotité du droit, foit par l’évaluation de la mar-
chandife : cela peut arriver ; les variations du commerce
& le changement des valeurs en font les
caufçs naturelles ; mais il y en aura d’autres diminués,
les précautions feront mieux obfervées. En
général, le ta r i f fera tout entier travaillé dans l’intérêt
du commerce, & l’on ne fauroit être trop
convaincu qu’un bon ta r i f n’eft point une opération
de finance , mais de commerce ; qu’il peut gêner
quelques particuliers dans quelqu’intérêt per-
fonnel & peu légitime, mais qu’il doit être favorable
en tout à l’agriculture & au commerce. Dans
le fait, le commerce eft le principal artifàn de ce
%arif Qu’auroit-il donc à redouter d’une opération
qui n’eft faite que pour améliorer fon état , & fur
laquelle il eft confuité dans tout le détail pof-
fible^
Mais , dira-t-on, les objets néceffaires aux arméniens
feront impofés dans le nouveau t a r i f ? Oui ,
lans doute : mais qu’en réfultera-t-il ? i°. Que tous
les objets néceflaires aux arméniens qu’on tirera de
l’intérieur du royaume , ne paieront rien , au moyen
de la fuppreflîon des bureaux de l’intérieur ; moyen
sûr pour encourager l’agriculture, qui fournit pref-
que tous ces objets. z°. Ceux qu’on tirera de le-
-traqger, feront certainement ménagés 3 8c peuvent
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être diftingués en deux claffes ; l’une de matières
premières , comme les chanvres , qui feront aflu-
rémenc placés dans la claffe la plus favorable , 8c
l’autre , des objets qui ont déjà reçu la main-d’oeuvre'
& les apprêts , comme les falaifons, & doivent
être impofés à des droits un peu plus forts. Il eft
prefque honteux qu’ayant reçu de la nature le
meilleur fel & le plus eftimé , ayant en abondance
les porcs dans le royaume , poffédant des pâturages
& des Touches de beftiaux confidérables , qu’il
ne tient qu’à nous d’augmenter autant que nous
voudrons, nous ayons recours à l’étranger pour les
falaifons. Vainement objecter oit- on l’inconvénient
des gabelles ;> plufieurs provinces du royaume en
font affranchies, & notamment la Bretagne , qui a
plus de tort que toute autre province, de ne fe
pas livrer aux falaifons. Elle peut- fe fuffire à elle-
même fur cet objet ; elle a les fe ls , les porcs, les
boeufs chez elle ; l’ étendue immenfe de fes landes
eft capable de nourrir une augmentation confidéra-
b le de beftiaux d’autant plus utiles , qu’en même
tems qu’ils fourniffent la matière première aux fa-
laifons , ils engraiffent & améliorent les pâturages,
qui en élèv'ent d’autres, & animent l’agriculture 8t.
la fabrique par la confonamation de toutes leurs
produirions. Pour encourager le colon , & produire
ce grand bien , rien n’eft fi utile que l’impofition de
quelques droits à l’entrée fur les falaifons étrangères.
Si un négociant d’un pays' de gabelles s’élevoit contre
cette impofition , on lui repondroit : Pourquoi
voulez-vous aller chercher à l’étranger ce que vos
concitoyens peuvent vous fournir ? Et on répondra
au négociant Breton avec encore plus de fuccès,
en lui difant : Faites vous-mêmes vos falaifons , 8c
tirez un nouveau profit de vos armemens , en con-
fommartt vos propres denrées , & en y ajoutant un
nouveau prix pour la main-d’oeuvre'.
Ces raifons importantes pour le commerce en
général & pour la Bretagne en particulier , doivent
faire lentir qu’il ne peut être queftion ici des
gabelles. Il ne s’agit que des droits de traites, d’en
arefler un nouveau t a r i f dzns les vûes du plus grand
bien du commerce , de verfer de nouvelles faveurs
fur le Commerce de Guinée & des colonies Fran*
çoifes, enfin d’accorder de nouvelles facilités fur
les acquits à caution, les entrepôts & les tranfits.
Pourquoi voudroit-on douter d’intentions fi avanta-
; geufès & fi ouvertement déclarées ?
Plufieurs raifons nous difpenfent d’entrer dans un
plus long détail fur l’objet de la Bretagne : i° . c’eft
qu’une grande partie des obfervations tombe par le
fa it , à PinfpeéHoiî du nouveau t a r i f qui a prévenu»
les défirs du commerce.
i ° . C ’eft que ces objets ont déjà été traités avec
allez de détail dans une lettre particulière pour lu
Bretagne.
3°. C’eft que l’ouvrage qui femble d’abord critiquer
fur quelques points le projet du nouveau
t a r i f , conclut cependant à fon acceptation.
Pourroit-on douter, après cela , que la province
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de Bretagne ne faisîc avec empreffêment les- avantages
qu’on veut bien lui faire, & n’en profitât pour
établir & pouffer avec vivacité les falaifons , qui
lui font auffi utiles pour la culture de fes terres ,
que pour-fes arméniens & fon commerce?
Il nous refte à difcuter ce qui concerne l ’A lfa ce ,
la Lorraine & les trois Evêchés j mais avant que
d’entrer dans l’examen des véritables intérêts de ces
provinces , qu’il foit permis de faire une réflexion
générale qui leur eft commune.
En examinant dans le premier chapitre la nature
d’un t a r i f des droits de traites en général , on a
établi que la fonction d’un bon t a r i f ktoit moins
une operation de finance que de commerce , & que
fon but principal étoit l’utilité de l ’agriculture, du
commerce & de la population. L e produit en finance
ne peut être utile qu’autant qu’il favorife ces
trois objets capitaux , & des intérêts auffi précieux
peuvent diminuer ce produit fans qu’on doive y
avoir regret, fi on peut faire ce facrince, ou même
remplacer fes produits par des opérations plus douces
8c plus analogues au bien général.
En détaillant dans le chapitré fécond toutes les
qualités néceflaires à un ta r i f de droits Je traites ,
pour être néceflairement utile , on a prouvé de plus
combien un bon t a r i f étoit avantageux au commerce
j ces principes ont été traités en général, 8c
fans application à aucune puiffance ni à aucune nation.
On a obfervé eu même tems que fi le fyftême
de la liberté générale pouvoit être adopté , ce ne
feroit sûrement que par un état riche en productions
du fol & de l’induftrié , qui auroit plus de
fuperflu que de befoins j que ce fyftême ne pourroit
être favorable à ceux qui pourroient fe trouver
dans une fitùation contraire ; que les prohibitions ,
ou encore mièux les ta r ifs bien combinés , pourvoient
feuls les défendre , en excitant leur main-
d’oeuvre & leur induftrie de toute efpèce. Si l’Alfa ce,
la Lorraine & les trois Evêchés font dans ce cas , j
fi leurs befoins égalent- leurs productions , fi les ji
produits de leur induftrie font fort au-defious de \
leur néceflâire , le ta r i f leur eft efïentiellement
utile ; & fi la Lorraine & l’Alface formoient chacun
une fouveraineté diftinéte & féparée de toute autre ,
il feroit de leur intérêt d’avoir un bon t a r i f ^ovLt animer
leur culture , leur commerce & leur population.
Nous'venons de voir dans le quatrième chapitre,
que le nouveau t a r i f qu’on propofe , eft travaillé
dans le plus grand intérêt de l’agriculture, du commerce
& de la population pour toute nation en
général 3 nous l’avons juftifié par l’application des
principes généraux contenus dans les deux premiers
chapitres : ainfi , quand on l’aura réformé fuivant
les obfervations de tout le commerce , on pourra
fe flatter qu’il approche de fa perfection. Il eft donc
avantageux en ■ énéral à tous ceux qui fe porteront
a l’adopter ; & il faut des raifons d’exception-bien
fortes & bien décifives pour fe fouftraire à des
principes fi conftans & fi généraux.
Ces raifons d’exception doivent fe trouver dans
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le lo c a l ,' plutôt que dans des titres de privilèges ;
car les privilèges ne font faits que pour le bien
des privilégiés , & on fe riroit de quelqu’un qui
refuferoit d accepter un préfent, fous prétexte qu’il
n’eft pas obligé de rien donner.- Ces privilèges font
des armes utiles entre les mains du privilégie , pour
empêcher qu’on ne détériore fa condition j mais
elles lui deviendroient funeftes , fi elles lui défen-
doient de l’améliorer. LaifTons donc un moment à
part tous ces privilèges, & traitons la queftion dans
le plus grand intérêt de ces provinces. Cela eft d’au*
tant plus a ifé , que leur refus obftiné , en leur fai-
i fant un tort réel, ne feroit pas capable d’empêcher
| le bien qu’on veut faire au refte de l’état. Ces provinces
qui fe touchent font placées dans un coin
qu’il eft très-poffible de féparer du refte du royaume
par une barrière, dans la formation de laquelle il
eft aifé d’appliquer la difficulté des enclaves. Dans
cet é ta t , elles peuvent rèfter dans la fitùation ou;
elles font , fujettes aux droits locaux & au ta r i f d»
la barrière qui les fépare du refte du royaume , ainfi
qu’aux droits uniformes & aux prohibitions qui peuvent
y être établies , 8c qu’il eft jufte de maintenir
pour lé. bien de l’état. Il faut bien qu’elles contribuent
aux charges de l ’état dans la proportion
qu’elles y font impofées.
Une autre condition non moins jufte & non moins
néceflâire , c’eft que la barrière qui eft établie entre
ces provinces & le refte du royaume, foit abfolu-
ment 8c en tout égale aux barrières établies entre le
royaume & l’étranger e ffe élif, fans quoi ces provinces
deviendroient un entrepôt général, de mar-
chandifes étrangères , uniquement fait pour les ver-
fer dans le royaume en exemption de d ro it, ce qui
dérangeroit toutes les proportions du ta r i f général.
Avec ces précautions à fuivre dans la plus grande
exactitude , on peut les retrancher du t a r i f , qui
n’en deviendra pas moins utile pour le refte- du
royaume. Ce n’eft donc que pour leur intérêt que.
nous allons tâcher de les convaincre de l’utilité
qu’elles trouveroient dans l'acceptation du nouveau
t a r i f
Commençons par l’Alface , & diftinguons' Strasbourg
du refte de la province , moins par fes privilèges
, que par les circonftances locales & par l ’intérêt
général du commerce de l’état.
Ses privilèges font fondés fur la capitulation du
30 feptembre 1681 , confirmés par les arrêts du 20
février 1683 & du 26 août t 6p8 ; les difpofitions
qu’ils contiennent, font uniquement relatives à la
ville de Strafbourg.
Il ne faut pas être étonné que tous ces titres ne
parlent que de la -ville de Strafbourg , & ne faflent
aucune mention du refte de l’Allace pour deux
raifons principales': la première ,r c’eft que la ville
: de Strafbourg feule capituloit le refte de l’Alface
étoit déjà réuni à la couronne par droit de conquête :
la fécondé , c’ eft que les motifsque cette ville donne
elle-même , ne conviennent qu à elle , & point dii
tout au reftê de la province. 11 p a ro ît, par fa fitua