
A l’égard des métiers plus important, tels que
ceux deferrurier, charron , menuifîer, pâtiffier, &c.
i l ne peut en coûter moins de i 2 a 1 5 cent livres.
Dans , les arts plus diftingués & dans les corps de
marchands, il en coûte fouvent plus de 3 à 4 mille
livres. L e 27 février 1759 | l a ‘communauté des limonadiers
de la ville de Paris , obtint la permiflion
par arrêt du conleil, de recevoir des maîtres . fans
qualité, en nombre indéfini. Depuis ce jour jufqu’en
1762 ,. c’eft-à-dire, en trois ans , les réceptions ont
valu à la communauté 182,400 liv. Eft-il do'nc étonnant
que depuis quelques années toutes les denrées
dont cette communauté a le débit, ayënt renchéri
d’un tiers ? C ’eft le public q u i , par le furh.luffèment I
du prix de fes confommations, a acquitté & les
Pommes des réceptions , & -les intérêts de ces fom-
itîes. I l en eft de même de toutes les autres communautés
qui exercent un monopole odieux fur leurs
membres, ce ceux-ci fur toutes les clafles de la
fociété. Ces vexations font tolérées par le gouvernement.
Nous verrons par la fuite , & l’on doit ]
déjà preflentir les raifons qui ont forcé jufqulci de
laiffer fubfifte.r de tels abus.
Les frais de maîtrife font prefqu’âuflî confidé-
rables dans toutes les capitales de provinces , ou
autres villes commerçantes, que dans les cômmu-j
nautés de Paris. A l’égard des petites villes , le
droit royal", le droit d’ouverture, de boutique, la
réception à la police ; ces trois ' ©bjets , font partout
très-conteux. Ils fe paient dans les villes-mêmes
où les communautés de marchands & artifans ne font
point en jurande. Quoiqu’elles ne foient point auto-'
rifées par lettres patentes , elles n’en forment pas;
moins corps ; la liberté du commerce y eft détruite"
de fait 3 le privilège exclufif y eft maintenu par une
forte de droit commun, & ces fortes d’aggrégâtions
illégales fe font foumifes volontairement aux droits
de réceptions & de maîtrife , qui forment un revenu
, dans beaucoup de villes , pour les juges de
p o lic e , royaux ou feigneuriaux. Il y a d’ ailleurs,
une foule de frais , tels que les préfens, feftins 8c:
banquets. Toutes les loix en ont interdit Püfage.
L ’ordonnance du commerce en porte une prohibition
■ expreffe. L e roi , par une déclaration du 13 août
î 7 5 8 , a renouvellé le* mêmes défenfes fous les peines
les plus graves ; cette dépenfe ne s’en fait pas
moins encore , fur - tout dans les provinces. Un
ouvrier attend p ou ffe préfenter à la maîtrife qu’il
ait trouvé à faire un établiffemënt , & la dot de}
la-femme eft.abforbée parTes frais qu’elle exige.
De-là , d^ux effets 'funeftes.
- i° . Reqchérifïement de toutes les marchandifes 8c
du prix de tous lés falaires.
2°. Pauvreté & malaife dans la clafle des ouvriers
& c’eft encore le public qui en fouffre par la malfaçon,
par les manoeuvres, par les ' furyehtes ; la-
plupart des ouvriers , marchands & artifans fè' vbyenf
enlever en frais inutiles, les fomines qu’ils conficre-
yoient aux avances que demande leur arc ou leur
{commerce, à la CQiiftruétion des métiers, a • l’acquifition
des outils nèceffaires pour monter leur
boutique , ou même des matières premières , qui
formeroient entre leurs mains un fonds très-utile 3
nouvelle caufe de cherté. Tout le monde fçait qu’un
ouvrier pauvre 8c qui a une fabriqué mal montée,
gagne toujours moins & eft cependant obligé de
vendre plus, cher. Si tout renchérit, fi les agens du
Commerce & de rinduftuie tombent dans le découragement
8c l ’indigence , fi les arts eux-mêmes lan-
guiiîent, fi le commercé tombe , 11 en cherchons
point d’autre càufe , que la mauvaife adminiftration
des communautés , & la multiplication des charges
qu’elles impofent.
C h a p i t r e V I.
D e s charges & dépenfes annuelles dans, les corps
& communautés.
Les marchands & artifans font affujettis, après
leur réception , à des charges annuelles, dont les
unes font auto rifées par lés réglemens ,& les autres
font purement cafuelles & arbitraires. L a fùppref-
fion en feroit également avantageufe & aux particuliers
qui y font fournis , ’ & au public fur qui
elles retombent. ,
L ’exercice de la jurande a été le premier prétexte
des taxes établies dans les communautés. Elle
eft devenue une fécondé maîtrife, qui-a comme la
-première fon appreotiflage , fes lettres, fa réception
& fes frais. On ne peut, être élevé à la charge
de juré-, qu’après avoir été admis au grade d’ancien.
L ’ancien doit avoir été .pendant un certain
nombre d’années maître moderne. Il y a enfuite la
grande & la petite jurande, le fyndicat , les gardes
& les grands gardes. Toutes ces diftin&ions s achètent
& fort cher. Avant de parvenir aux charges dé
la communauté, il faut débourfer plus qu’il n’èn
coûte pour y entrer. Après des dépenfes auffi multipliées
pour y parvenir, il n’ étôit pas pofiîble que
les fondrions en fuffént gratuites. Au fil les gardes,
fyndics & jurés ont - ils des honoraires régies, qui
fe prennent fur les membres de la communauté.
Les premiers droits quë les officiers en Charge fie
foient attribués , font les droits de vifites, qui ont
été fixés par l’édit de mars 1691. Jufques-là les
gardes , fyndics.. Si jurés étoient élus a la pluralité
des voix. Tls furent érigés en titre d’office par un
éd it , qui leur donna le droit de faire quatre vifites
par an chez chacun dès maîtres marchands dé leur
corps , & d’exiger pour chaque vifite une redevance.
On a vu dans îe'chapitre ITT , comment toutes
les communautés du royaume ont obtenu fucceffi-
vemen: la réunion des offices , en payant les taxes
réglées par les rôles arrêtés au confeil », & fe font
fait en même-temps autorifer à percevoir les droits
qui y étôiëiit attachés.'Ces. droits modiques dans
l'origine , ; ont été augmentés;depuis par des arrêts
du confeil 3 êê;font aujourd’hui" très^onéfeux. C’eft
une fprce . de- capitation que chaque marchand 8c
artiian. paie à fa communauté , qui monte, a 1 f &
18 liv. dans la plupart des corps, & qui n eft pas
au-deffous de 6 liv. dans les moindres métiers. 11 y
en a plufieurs où les droits de vifites reftent aux
jurés. Dans le plus grand nombre, ils fe partaient
entr’eux & la communauté. L a portion attribuée a
la bourfe commune , eftdeftinéé au rembourfement
des foraines empruntées pour Eacquifition & la réunion
des offices j mais elle eft toujours ' dïftraiteà
d’autres ufages. Il en eft de même des droits attachés’
aux autres charges de greffiers, de trèfo-
riers,, "&c, Gè fönt‘ les corps qui' lés . perçoivent,
& s’ils çuffent été employés utilement, il y y longtemps
que les dettes des communautés feroien^ acquittée:?.
Lôrfque l’on confîdère la malle enorme
des droits qu’elles lèvent fur leurs membres à titre
d’apprentiflagë, dé compagnonage , de maîtrife , de
réception", de vifite, d’adihiffion aux^ grades, de
confrai-riè, de jur.ivide, &c. il paroit d abord ^étonnant
que depuis plus de foixarite ans , elles n ayënt
pu parvenir à acquitter leurs dettes, & quelles en
ayënt au contraire contracté tant de nouvelles; cette
furprifè s’évanouit, dès que- l ’on rapproche le tableau
de leurs" dépenfes de celui de leur recette.
, Pour fe former une .idée ■ . jufte ■ de toutes. les de- j
penfes des corps & communautés , il faudroifeon-
noîtfe en détail les abus de, leur adminiftration intérieure.
V o ici un .coup d’oeil general des principaux
.articles,’ qui font capables d’effrayer par leur im-
menfîté.
i° . L e paiement des arrérages des rentes .dues
par ie s communautés..' Ces rentes ont ete confti-
ruées lors des diffétens emprunts» qu elles ont fait, (
foit pour payer des taxes auxquelles elles ont été j
împofées dans les bëfoins de l’état , foit pour fuf-
. lire a leurs propres dépenfes. Cet article eft très-
confidérable 3 il n’y a point de corps de marchands
ou artifans dans le royaume qui n’ait cpntradfe de
pareils engagemens. Les rentes fur les communautés
, font une nature de bien dans la fociete,, comme,
celles fur l’iiô.tel de ville & fur le cierge | c eft la
communauté qui do it, mais ce font les membres,
qui paient, & de-là l’établiflèment de tous les droits
auxquels ils font affujettis.
20. Frais- pour l’adminiftration des biens. Les
communautés ont des maiLons qu’il faut reparer,
des rentes qu’il faut recevoir 3 il y a des diligences
& des pourfuites à faire‘contre les debiteurs» Ce
font les jurés qui font chargés de ce foin 3 mais ils
n'e font qu’y préfider , & prefque tous les corps
c-onfîdérables ont des agens appointés.--
30. Frais de bureau , qui onF été pendant longtemps
arbitraires, & qui font aujourd’hui fixes par
des arrêts du confeil rendus en forme" de yégle-
iiien's. Dans lès fix corps , & dans les' communautés
tiombreufcs, c’eft un objet de 7 à -8 mille'livres.
Dans les antres ils font fixés plus ou moins, & à
l ’exception d’un petit nombre-, .ÿls ne font pas a,u-
4e.ffo.us de rnftie iivyes,.
4°. Frais pour la réception ' des droits de vifite.
Les jurés ont un cortège & des fuppôts dont il faut:
payer les vacations 3 ce qui double le droit fixé
pour la vifite,
y ° . Frais d’étrennes?bornés par les.arrêts du con-
feil. On paffe pour cet article une fomme de 7 à
8 cent livres aux jurés dans leurs comptes. Sur tous
lés articles ainfî fixés par les réglemens, la dépenfe
réelle eft prefque toùjours pôrtée au double de la
taxe. Les communautés la rejettent fur d’autres
objets, 6c prefque toutes ont préfènté requête au:
confeil , pour çxpofer l’embarras. des " jurés , à qui
l’on réïufe de paffer dans leurs comptes , des dé-
pënfes inévitables. C ’eft cet excédent de dépenfes,
quelles rempliffent le plus fouvent par- des contributions.
arbitraires* fur : tous les membres du corps
dé jurande. ' ' . , ( ’
6 °. Frais de faifies. Les jurés font chargés de
; faire obfeiVer l'és/ftâtûts & réglemens.; Ils' font au*
; torifés à fàlfir lés "ouvrages défendus , & à pour-
fuivre les ouvriers fans qualité, les compagnons
travaillant en fraudé. Ils fe font valoir- dans les
corps , par leur, .zèle à multiplier les faifies , 8c à
forcer par-là ceux qui font le Commerce fans qualité
, ; de traiter de leur réception, & de payer les
droits à là communauté 3 ces faifies' fe font avec
appareil. L e commiffaire, l’huiffiër , le gue t, les
carroffes, 'autant de dépenfes qui fe prennent fu
les deniers communs.
*-'■ -y». Frais d’affemblées ordinaires & extraordinai*»
res, pour la réception à la maîtrife & à la ju rand e3
8c pour les'affaires du corps. Les jurés & les maîtres
tant anciens que modernes ,'n’étôiënt point exaérs à
ces affentblèes qui les. dérangent & entraînent une
grande perte de temps». Ils y font attirés par des
droits d’afliftances , ou par des diftributions de
jettons. .
. 8°. Frais de réceptions ,- de-rédaâ:ion.& d’audition
des comptes dé-jurande. C’eft encore une dépenfe
taxée par les réglemens.
.9°. Frais de procès. Cet article eft feul pref-
qu’auffi çorifidéràble que tous les- autres enfemble,
il n’y a fi petite communauté qui n’ait plufieurs con»
teftations toujours fùbfiftantes avec d’autre-s corps;
Nous allons entrer for cet objet dans un détail particulier.'
Epices des juges , honoraires des avocats ,
frais & taxations dés proedfeurs , notaires & huif-
fiers , frais.' de follicitations dans les bureaux de
police & autres, dans toutes les cours & tous les
tribunaux , fecrétaires , commis, ’écrivains , imprimeurs
, afficheurs, &c. Tous ces articles forment
i autant-dé chapitr\ de dépenfes dans les comptes
des jurés. Il y "a telles communautés qui ont un
. confeil réglé , & qui dépenfent annuellement plus
de 20 mille livres en procès. Les plus pauvres en
font accablées, & ne peuvent fe fouftrairè à cette
charge , qui eft indifpènfable pour la défenfe.de leur
privilège exclufif.
rb°. Dépenfes cafuelles & extraordinaires. Celles*
çi ne font pas les moindres. Elles procèdent prefque
Eee^e ij