unique & uniforme, & celte qualité eflentielle eft
peut - être ce qui révolte le plus le préjugé, qui
ne manque jamais de s’étayer de privilèges bien ou
mal entendus. Cette raifon eft d’autant plus sûre
.d’être accueillie , qu’un privilège attaqué trouve des
défenfeurs dans tous ceux qui ont des privilèges à
conferver , .& qù’on croit facilement celui qui fe
plaint en pareil cas. Cet inconvénient fe trouve largement
dans de petits états , mais dans des royaumes
qui font fucceffivement augmentés par des conquêtes
, des traités ou dés. capitulations, il fubfifte né-
ceffairement des privilèges &. des ufages que la justice
& la bonne foi du fouverain doivent conferver
pour le plus grand bien . de fes nouveaux fujets,
quand même iis établiroient des préférences en leur
faveur fur certains objets. Les privilèges des pays
. d’états, ceux mêmes accordés aux gouvernemetis
municipaux de certaines villes , font certainement
dans ce cas. 11 peut en être de même de la nature
des impofitions, foit pour leur qualité, foit pour leur
quotité. Plufieurs. provinces peuvent avoir le droit
de s’impofer fur elles-mêmes la fournie qu’elles doivent
contribuer aux charges générales de tout l’état :
d’autres ont choifi le genre de leurs impofitions, &
ont été conftamment affranchies de celles qui leur
étoient plus onéreufes., ou qui étoient plus contraires.
à la nature & aux productions de leur fol.
C ’eft par cette raifon que les taillés , les aides &
les gabelles n’ont pas lieu uniformément dans toutes
les provinces de France. En général chaque province
réunie au corps de l’état, ar communément! confery.é
pour fubfide fondamental le genre d’impofitions
qu’elle payoit à fes anciens fouvetains, fans préjudice'
des nouvelles impofitions furvenues pour, fournir à.
de nouveaux befoins.
Quelques refpeCtables quefoient ces privilèges,
fi on propofoit à une de ces provinces une nouvelle
forme d’impofitions qui lui fut plus avantageufe ,
ne ferök-ce pas confirmer elle-même fes privilèges ,
que de l’adopter volontairement ; & fi elle la re-
fufoit, ce refus ne'feroit-il pas regardé comme l’effet
du préjugé le plus déraifonnable ? Le projet du nouveau
ta r i f eft encore moins* fufpect de toucher' aux
privilèges : il nè s’agit point'defubftitiieï un droit
à un autre, il n’eft queftiôn que de combiner’ un
droit établi de la façon la plus utile au; commerce.
Pour fentir l’effet du nouveau t a r i f , il. faut commencer
par fe rappeller l’ état où font toutes les provinces
du royaume , comprifes où non comprîtes
dans l’enceinte du ta r i f de } 6 64,. foit. par' rapport
aux droits de fraites fixés ..par \es ta r ifs .,. foit. pour
les droits uniformes établis depuis. L ’utilité ou le
dommage, qui réfulteront du nouveau ta r i f \ décideront
fans doute Faccueil qu’elles doivent lui faire.
Les provinces connues fous le nom des cinq
großes fermes, auroient autant & plus de droit, que
totftes les autres de fe plaindre du nouveau t a r i f ,
. s’il n’étoit pas favorable au commerce 9 puifqu’elles
acquitter oient comme les autres les’ droits du nou-
. veau ta r i f à la frontière exyême : mais ils feront
mieux combinés dans l’intérêt du commerce , & elldl
y gagnent la communication & la circulation libre
de l’intérieur ; ainfi elles n’auront garde de s’en
plaindre. Si quelques marchandifes , exemptes dans
l’état aéluel , fe trouvent impofées dans le nouveau
t a r i f , le droit eft prefque infenfible. L ’indemnité
eft abondamment donnée par des diminutions faites
fur d’autres objets, & ces provinces recevront comme
une grâce le nouveau ta r if
Il en fera de même des Bafques , du pays de
Soûles, du Béarn, du Marfan , au Condomois, dû
Bazadois , de i’Agénois , du Périgord , de TAngou-
mois, de la Marche, du Limoufiu & de l ’Auvergne,
connus fous le nom de provinces réputées étrangères
de Vintérieur, qui ne peuvent rien recevoir
de l’étranger qui 11’ait acquitté les droits de traites ,
& qui fe trouveront déchargées des droits de circulation
dans l’intérieur. ;
j L a Saintonge qui paye la traite de charente & les
droits des feigneurs. parifis, le Bourdelois qui acquitte
la comptablie lés' quatre pour cent des drogueries
? le convoi & le courtage, les Landes & le
pays de ChalofFe qui paient la traite d’A r fâ c , le
pays de Labour fujet à la coutume de Bayonnè, la
Flandre , le Haynaut & lë Cambrefis fournis au tarif
de i 6 j i, le Lyonnojs & le Forezchargésde la douane
de Lyon , de la douane de Valence , des 4 pour 100
furies drogueries, & de là foraine de L y o n , le Dauphiné
chargé de la douane de Lyon & de la douane
de Valence , la Provence qui acquitte la douane de
Lyon , les quatre pour cent des drogueries y la table
dè mer & la foraine domaniale,,. la Cerdàgne
& le Rouffillon fournis^ au ta r if Catalan qui eft
prêfque inintelligible , enfin, lé Languedoc & partie
de la Guyenne qui paient la douane de Lyon , lés
quatre pour cent des drogueries ,-8c la foraine &
domaniale , demanderont avec empreffement le nouveau
ta r i f , pour être déchargés de tous ces droits,
& avoir une libre communication avec toutes les
autres .provinces du royaume. L a Franche-Comté,
fujette à - tous les droits uniformes , privée de fabriques
, & gênéefur le débouché de toutes fss produirions:
par les bureaux qui la féparent de .toutes
les provinces dux’oyaume , trouvera encore ua'avantage
très-confidérable dans: l’exécution du nouveau
tarifi "
Toutes les provinces dont nous venons de parler,
pourroient dire : Vous changez notre état , & nous
demandons ! refter dans celui où nous-fommes.
L e préjugé 'de l’habitude fuffit fouvent pour cela ,
&• parmi elles il pourrait y. en lavoir qub, dajns: les
•traités .généraux , ou dans: des capnulajions particulières
, trouveroient des promefles de ne point
innover : mais ces proniefles fèroîent plus qü’indif-
crettes, Ci elles étoient toujours prifes; dans la plus
étroite -rigueur. Les befoins de l’ état ont fou’venc
été des.motifs fuffifans pour impofer de nouvelles
-charges : le bien général j du commerce de l’état a
toujours été la.câufe légitime des droits uniformes
impofés aux ftontièxes extrêflies. Les prétendus pii»
tiléges particuliers n’en ont point difpenfé $ lis
s’oppoferont encore moins au bien de la province ,
qui, par une opiniâtreté de préjugé, les réclameroit
contre fon intérêt perfonnel. Ces préjugés ne ré-
fiftent jamais à l ’évidence ; iis n’exiftent point dans
la' province entière ; fi quelqu’une des per.fonnes
chargées de les intérêts les adopte- ou par prévention,
ou par ignorance , ou par intérêt perfonnel,
elle fe trouveroit contredite par des gens moins prévenus
& mieux inftruits ; & c’eft à l’adminiftration
générale a décider entre les membres de la province
ainfi divifés ; l’intérêt général de la province lui eft
plus cher qu’â aucun particulier de la province même
; nulle partialité ne prévient fa détermination
& elle fait mieux que toute autre conferver les intérêts
de chaque province , les concilier enfemble ,
& en faire réfulter le bien général , qui eft le but
de l’adminiftratioa & l’intérêt réel de chaque particulier.
C’eft fur les mêmes principes que nous allons
difeuter les véritables intérêts de la Bretagne.
Cette province paroîr d’abord moins intérelfée
qu’une autre au füçcès du nouveau ta r i f , parce
que fa liberté eft moins gênée vis-à-vis de l’étranger
§ mais les droits de la prévôté de Nantes , de
Brieux , de ports & havres & de traite domaniale
qu elle paie', ainfi que tous les droits uniformes
auxquels, elle eft foumife, forment un objet con-
fidérable 5 & les bureaux quiN la féparent de l’intérieur
, dont elle tire une grande partie de fes
marchandifes , rendent cette charge d’autant plus
pefance , qu’ils font affez peu combinés, & que la
furcharge des droits locaux dérange la route que
les marchandifes devroient fuivre , foit par terre,
foie par ea u , pour la plus grande économie du
commerce.
L ’étendue des côtes de cette province, la multiplicité
de fes ports & havres , Finduftrie & la
quantité . de fes négocians fa pofition favorable
pour tontes les pêches , pour le commerce d’Ef-
pagne , du Nord , de la côte de Guinée 6c des
colonies Françoifes de l’Amérique , femblent la
deftiner plus que toute autre au commerce : la
franchife de fon fel favorife fes pêches & fes arméniens
maritimes , en favorifant toute nature de fa-
laifon. Elle eft donc intérelfée plus qu’aucune autre
à fuivre un bon ta r i f de droits de traites ; & elle
eft trop éclairée , & fes négocians trop inftririts ,
pour ne pas délirer un ta r i f drefte dans l’intérêt
général du commerce. Sa confommation intérieure
fera moins chargée qu’elle n’étoit : la fupprelfion
des bureaux la rend encore plus abondante ; celles
de leurs fabriques qui ne pouvoient lutter contre
mieux le public, que les principes fcs plus lu mi"
neux & les mieux écrits; l’expérience détruit les
préjugés, & prévient les objections. Les fortunes
faites en Bretagne avant la dernière guerre , par
la voie du commerce , en ont plus appris aux Bretons
celles de l ’etranger , & qui étoient exclues de
la confpmmation du, royaume par les droits de
communication, vont prendre de nouvelles forces
dans la liberté de cétte communication ; leur commerce
maritime prendra de nouveaux accroifiemens,
& par l’économie des arméniens, & par la facilité
de 1 affortimenç de* eargaifons. L ’exemple inftruit
, que tous les livres anciens & nouveaux fur
cette matière. Ils lavent que la fuppreftîôn des
droits de la prévôté de Nantes, de. Brieux , de,
ports & havres , & de la traite domaniale., ainfi
que des droits uniformes , & principalement des
bureaux & des droits de l’intérieur, remplacés par
un ta r if à la frontière extrême , uniquement travaillé
dans l’intérêt général , eft le plus grand bien
qui puifle arriver à leur commerce ; & dès-lors,
.fi quelques préjugés s’élevoient Contre cet ouvrage
chez des. perfonnes peu inftruites & uniquement
attachées aux anciens ufages , leur oppofition fe-
roit bientôt contredite par toute la province , qui
a l’intérêt le plus réel dans l’exécution du nouveau.
t iw if ; & la difficulté , s’il s’en formoit de réelle ,
ne pourroit jamais confifter que dans la queftiôn
de fait, de lavoir fi le nouveau t a r i f eft travaillé
& rédigé dans le véritable intérêt du commerce,
ou s’il ne tend pas trop à fournir des produits ea
finance. Cette queftiôn de fait ferok - elle donc fi
difficile à décider ?
L’intention n’eft pas dquteufe, elle eft annoncée,
clairement & fans ambiguité dans une lettre circulaire
, écrite à tous les intendans, qu’il a plu à
un négociant Nantois de faire inférer avec fes
, obfervations dans le journal du commerce , imprimé
à Bruxelles : elle eft allurée par les communications
données à- toutes les chambres de commerce ,
non-feulement du projet, mais même de toutes les
lettres qui doivent compofer le t a r i f Leurs ob-
fervations qu’on attend , doivent être examinées &
combinées avec les avis des intendans ; & de ces
fources doit fortir une décifion fixe , qui ne peut
pas manquer d’être favorablement accueillie. Il y
auroit plutôt à craindre qu’il n’en réfuleât une trop
grande diminution de produits , incompatible avec
l’état aétuel des finances ; & c’eft le feul obftacle
réel qui paroifle pouvoir s’oppolerà l’exécution du
projet.-
Pour être convaincu de fon utilité , parcourons
les principales objeélions qu’on y oppofe , & commençons
par écarter en un mot toutes les injures
contre lçs fermiers & les gens de finance : préjugés
populaires plus dangereux qu*on ne croit , qui
favo.rifent la fraude , & attaquent mal-à-propos
l’adminiftration générale. En effet, là loi eft faite
entre le fermier & le contribuable : les juges 6c les différens degrés de jurifdi&ions font établis
pour décider les conteftations qui peuvent s’élever
entr’eux, avec les mêmes régies & les mêmes précautions
qui mettent à l’abri toute la fortune des
particuliers. Les peines les plus rigoureufes font
prononcées par la loi contre les exa&ions & les
eoncuflionc; les tribunaux & les cours y veillent avec
févérké ; radminiftration a même été plus loin pout
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