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appelle aine ; enfuite on les pend dans des efpèces
de cheminées , faites exprès, que l’on appelle rouf-
fa b le s , & lorfqu’on y a arrangé autant de bro-
chetées de hareng que chaque rouffable peut contenir
, l’on fait deflous un -petit feu de menu bois
ou copeaux que l’on ménage de manière qu’il ne
fait que beaucoup de fumee & point du tout de
flânie.
Les harengs relient dans le rouffable jufques a ce
qu’ils foient luffifemment fumés & forés, ce qui le
fait ordinairement en vingt-quatre heures de temps.
O n en peut forer jufques à dix milliers à la fois ,
quelquefois plus , quelquefois moins , fuivant la
grandeur du rouffable.
Pour que les harengsfors foient de bonne garde &
de bon débit , il faut qu’ils ayent été falés à propos
& avec du bon fel ; qu’ils foient gros , fermes &
fecs V que la fuperfiçie en foit bien dorée , ce qui
fait connoître qu’il a été foré avec foin j qu’ils
foient pleins de leurs oeufs ou de leurs laites , &
qu’ils foient bien arrangés dans les barils : i l faut
fur-tout prendre garde qu’ils ne foient point chan-
fïs , cette feule mauvaife qualité étant capable d’en
diminuer notablement le prix. Comme ce défaut
provient ordinairement de ce qu’on tient cette mar-
chandife dans des lieux humides, les marchands
doivent être attentifs à ne les mettre que dans des
endroits ou des rnagafins bien fecs.
Les Dieppois nomment forin celui qui fait forer
les harengs dans le rouffable.
On appelle hareng ou v r a c , le hareng que les
pêcheurs apportent dans les po rts , tel qu’il a été
mis dans les barils après la pêche j c’èft-à-dire, fans
être paqué, lité o ii arrangé dans les barils, ni achevé
d’être falé,
l i y a en France des réglémens, entre autres les
arrêts duconfeil d’état des 15 juillet & i4feptembre
1687 & ç janvier 16511 , qui ordonnent que les harengs
de la pêche des étrangers ne pourront entrer
dans le royaume qu’en vrac & pour être falés du fel
de Brouage 5 mais il y a de l’apparence que ces ré-
glemens ne s’exécutent pas à la lettre , puifque l’on
yoit très-fouveat venir de Hollande & d’ailleurs le
hareng tout paqué, lité & falé dans des barils bien
fermés.
Depuis le traité de paix figné à Utrecht le n
avril 17 i j , les Hollandois ont obtenu un arrêt du
confeil du 30 mai enfuivant, par lequel fa majefté
voulant traiter favorablement les fujets des états
généraux des provinces-unies, conformément à l’article
10 du même traité , & dérogeant aux arrêts
de 1687 & 16 9 1 , leur permet d’apporter en France
du hareng f a l é , en la manière qu’il fe pratiquoit
avant lefdits arrêts , en faifant leur déclaration &
payant les droits, ordonnés. -
U n le th , un le ft, oii un laft de hareng, lignifie
douze barils de hareng f a l é foit blanc ou for.
Chaque baril de hareng blanc de marque contient
ordinairement mille à onze cens de poiffon , à cent
quatre pour centj & chaque baril de hareng ordinaire
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ou dp droguerie compte depuis neufcens jufqu’à onze
cens de poiffon, quelquefois davantage , fuivant qu’il
eft plus ou moins, gros , bien ou mal paqué & arrangé
, ou que barils font grands ou petits. Les
demi-barils, les quarts 8c les demi-quarts contiennent
a proportion.
A l’egard du hareng fo r , les barils font ordinairement
d’un millier, & les demi-barils de cinq
cens. En Hollande on dit , une tonne de hareng ,
en ton haaring ,* pour, d ire, une caque ou baril de
hareng.
Par l’ordonnance des gabelles du mois de mai
1680 , art. 7 du titre iç , le fel néceflàire pour la
falaifon des harengs eft réglé à fept minots & demi
pour chacun leth de hareng blanc , & à trois minots
pour chacun leth de hareng fo r .
On nomme hareng pec , du hareng blanù nouvellement
fa lé , que l’on mange tout cru en falade.
On le fait ordinairement deffaler & égouter avant
que de le manger. Il s’en mange beaucoup de cette
manière en Hollande, Les gens du pays le nomment
haaring perel. H areng frais. Eft celui que l’on mange tel
qu’il eft forti de la mer, c’eft-à-dire , fans être falé
ni foré. On lui donne quelquefois le nom de hareng
blanc ; mais ce nom eft plus en ufage pour \t hareng
f a l é qui n’a point été foré, que non pas pour
le hareng fr a is .
Ob s e r v a t io n s su r l a p è c h e Fr a n ç o is e
du hareng, f e s défauts & les remèdes qu’ on y
p eu t apporter.
On ne fçait pas précifément à laquelle des villes
du royaume la France eft redevable de la pêche
du hareng ; mais il paroît feulement qu’aucune
autre nation ne l’a faite avant la nation Françoife.
Les habitans de Calais fe vantent toutefois de l’antiquité
de leur pêche , & prétendent que ceux de
Boulogne & de Dieppe , en un mot , de toutes les
autres villes de France qui font cette p ê ch e , aufïï-
bién que les étrangers , n’y ont été animés 8c inftruits
que par leur exemple.
Si leur prétention n’eft point chimérique , H eft
du moins certain qu’ils la foutiennent mal aujourd’hui
-y leur ville , en [comparaifon des autres villes
Françoifes, n’y envoyant que peu de bâtimens, &
tout le produit de leur pêche , dans les meilleures
années , n’allant guères qu’à environ 3 00 leths qui
font au plus iz o o o harengs.
Il faut convenir néanmoins que cette ville eft plus
heureufement fituée pour cette pêche qu’aucune
autre de France. Les pêcheurs de Boulogne , de
Dieppe , du Havre , 8cc. étant prefque toujours obligés
de reconnoître Calais en allant à leur pêche , a
caufe des vents qui les contrarient trop quand ils ne
prennent pas cette route.
Il y a deux principaux endroits , où les François
font la pêche au hareng , les Bancs 8c la Manche.
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L a pêche des Bancs eft la plus importante ; le
poiffon qu’on y prend étant g ro s , gras, de bonne
qualité, en bon état & en grande abondance. Elle
| le fait depuis le commencement de juillet jufqu’à la
I fin d’août.
La pêche qui fe fait dans la Manche , n’appro-
[ che pas de celle des Bancs j le poiffon y étant moins
I gros & de moindre qualité , a caufe qu’étant fati-
t gué par la longueur de fe courfe , il maigrit, &
I qu’il ne trouve point de petit poiffon pour fe
I nourrir.
On croit que le dernier défaut vient de l’inexé-
! cution de l’ordonnance de la marine de 1681 , qui
! a réglé la grandeur des mailles de la drage à un
I pouce neuf lignes en quarré- ; ce qui n’étant pas j
B obfervé , & les mailles fe faifant beaucoup plus i
I petites que l’échantillon des amirautés, i l arrive que i
E les pêrcheus prenant le petit poiffon qui devroit j
E fervir de pâture aux harengs , ces derniers reftent j
I maigres ; ce qui répand un mélange dans le paquage
I qui fait un tort confîdérable à la réputation de la
E pêche Françoife.
Tout le hareng qui fe vend , fe diftingue en ha- \
I teng en vrac , eh hareng p a q u é 8c en hareng
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e hareng en vrac eft celui qui n’ eft qu’à moitié
I felé. Les pêcheurs qui vont fur les Bancs du N o rd ,
i étant obligés d’y refter jufqu’à ce que leurs bâti-
I mens foient entièrement chargés du hareng qu’ils y
1 pêchent, & ce poiffon pouvant fe corrompre pen-
! «fant ce temps-là , pour éviter cet inconvénient, ils j
i le renferment dans des barils avec aflez de fel pour
Î>révenir la corruption , fe réfervant à y mettre à
eur retour tout celui dont il a befoin pour une en-
j tière falaifon.
L e hareng p a q u é eft celui qui a reçu toutes
I fes façons , c eft-à- dire , qui a é;é felé à fait, arrangé
& foulé dans les barils.
L a différence qu’il y a entre la confîftance des
$ barils de hareng en vrac & des barils de hareng
i paqué , eft ordinairement d’un tiers 5 en forte que
| dix-huit barils de hareng en vrac , n’en produifent
| que douze de hareng paqué.
Chaque baril de hareng paqué contient iz o o de
I hareng , douze barils font le leth , il faut fept mi-
I nots de fel pour faler chaque leth.
Le hareng fo r eft celui qui a été feché & fumé
a au feu , les lieux ou on les fait forir , fe nom-
! mant le plus ordinairement roufïables , à caufe de
la couleur rouffe que les poiffons y prennent. A
j Calais & aux environs , on les appelle des coreffes.
| Les bâtimens que les François envoient fur les
I Bancs, fe nomment des caravelles , & font de z 5 à
S 30 tonneaux. Ceux deftinés pour ,la Manche ne font
I que de i z , 14 & i ç tonneaux, on-les appelle des
E trinquarts.
On croit que ce feroit un avantage , que les ca-
I tavelles qui font la pêche des Bancs , fuftent plus
i grands^ & d’un port plus confîdérable qu’ ils ne font
i ordinairement, non-feulement parce qu’ils contien-.
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droient davantage de poiffon , ce qui épargneront
la dépenfe ; mais encore parce quà la fin de la
pêche , & lorfque le hareng eft façonné, on pour-
roit s’en fervir ou pour le tranfporter dans les ports
de fa deftination , ou pour faire d’autres navigations
dans l’intervalle d’une pêche d’une année à
celle d’npe autre , au lieu de demeurer inutiles tout
ce temps-là , comme il eft arrivé aflez fouvent.
Les caravelles font montés de dix-huit hommes
d’équipage ; fçavoir , le maître , quatorze mate-
lots 8c trois moufles. Les trinquarts n’en* ont que
douze, au plus quinze y compris le maître.
Lès maîtres des bâtimens , ni les matelots , ne
s’engagent point à la folde , & vont tous au Lots
L e produit de la pêche fe divife en quatre-vingt
lots. L e propriétaire du bâtiment a d’abord fix lots ,
en confédération de ce qu’il le fournit & l’équipe
prêt à faire voile ; & il lui en appartient encore
fept autres pour quatorze filets qu’il fournit des
cent qu’i l en faut fur chaque bâtiment , le refte
appartient & fe partage à l’équipage. «
Indépendamment de ces treize lots , le propriétaire
a encore deux différens bénéfices j fçavoir ,
le fol pour livre du total de la vente du hareng,
en considération de ce qu’il en eft garant à l’égard
de fdn équipage, & les deux fols pour livre à caufe
des avances qu’il fait pour l’achat des vivres nécefe
faires pour la fubfiftance de l’équipage , dont le prix
aufli-bien que les deux fols pour livre , fe prélève
fur le montant de la vente du hareng.
Au retour de la pêche , ni le propriétaire, ni
les matelots n’ont pas la liberté de feler le poifîbh 3
mais il eft crié à l’enchère & adjugé au plus difent,
par les commis à la recette du droit du fol pour
livre : d’où il arrive que les bourgeois qui ont coutume
de faire des falaifons de hareng, concertent
enfemble le p rix jufqu’où ils veulent pouffer leurs
enchères j ce que bien des gens regardent comme
une efpèce de monopole très-préjudiciable aux propriétaires
& aux équipages.
On croit que falis faire tort au droit du fol pour
livre il feroit facile de remédier à cet abus , 8c
d’animer les équipages & les propriétaires à augmenter
leurs pêches y fi on leur laifloit la difpofîtion de
leur poiflon fans les affujettir à l’ufage de l’enchère.
Lorfque la pêche eft abondante , & qû’un bâti*
ment fe remplit dans peu de temps , c’eft la coutume
qu’il revienne dans le port où il a été équipé ,
ce qui pour l’ordinaire lui fait perdre une partie
de la feifon. L e remède à cela feroit d’obliger les
bâtimens à refter fur les bancs tant que le poiffon y
donne, & de leur envoyer des allégés prendre le
hareng qu’ils auroient mis en vrac , 8c leur porter
des barils de f e l , des vivres 8c des filets de rechange.
Les villes de France où il fe fait le plus d’arme-
mens pour la pêche du hareng y font Calais, Boulogne
, S. Vallery fur Somme , le Bourg-d’A u ,
T r é p o r t , Dieppe , S. Valle ry en Caux & Fecamp.
Il y a encore le H a v re , Honfleur & quelques autres j