
b l i t , dans tous les achats, la concurrence de tous les
vendeurs étrangers.
L a réunion de ces deux effets forme tout l ’avantage
dû commerce extérieur : le complément de
ces deux effets Forme le complément de la profpé-
rité d’un état.
Lorfque les productions nationales ont toute la
valeur dont elles font fufceptibles dans les ventes
qu’un état fait aux autres, il fe procure le plus grand
revenu de fes fonds. L o r fq u e , dans les achats qu’il
effc obligé de faire | il obtient tout au meilleur marché
poflible , il fe procure la plus grande jouiffance
polhble de fon revenu : ce n’eft que par la plus
grande concurrence poflible, à tous égards , qu’il
peut obtenir tous ces avantages.
L ’effet des droits établis fur l’entrée des marchan-
difes étrangères dans un état, eft d’éloigner néceflai-
remènt les vendeurs étrangers : c’eft même là tout
le but de ces droits.
Mais éloigner la concurrence des vendeurs étrangers
, c’eft établir le monopole . dans l’intérieur,
e’eft augmenter la déçenfe des propriétaires ‘des
fonds, ou les obliger a fe priver d’une partie de la
jouiffance de leurs revenus : car augmenter inutilement
la dépenfe , ou diminuer le revenu , font deux
injuftices abfolument égales : & la première , quoique
d’une manière indirecte, nuit autant que l ’autre
à lareproduction : car on ne cultive pas Amplement
pour recueillir, mais pour jouir de la recclte.
Si l’on impofe en Efpagne des droits fur l ’entrée
des vins de France, on augmente à la vérité d’autant
la valeur des vins d’Efpagne j mais cette augmentation
ne peut être payée que par les confom-
mateurs Efpagnols. On établit donc un monopole
.en faveur des propriétaires des vignobles d’Efpagne
contre les autres citoyens : en augmentant la dépenfe
de ces derniers, on'prend une portion de
leur revenu pour la tranfporier.aux premiers. En
encourageant la culture des vins , on fait donc un
tort réel à toutes les autres.
Mais, dira-t-on, comment confommera-t-on les
vins d’Efpagne , fi on laiffe importer les vins de
France ?
L e remède à toutes ces craintes eft dans la nature
jles chofes. L e vin d’Efpagne eft fur les lieux pour
les Efpagnols 5 le vin de France eft néceffairement
renchéri par les frais de traufport : il ne peut pas
fuffire feul à la confommation de toute l’Europe :
e’eft même un problème que de fçavoir jufqu’à quel
point la confommation en augmenteroit chez les
étrangers, dans le cas 011 on le laiflêroit librement
entrer par-tout : car il renchériroit à proportion ,
& la liberté ôteroit un grand appât pour la vanité.
Enfin il n’y a qu’un feul moyen de faire produire
au territoire d’un îoyaume , tout le revenu dont il
eft fufceptible, c’eft d’y laiffer cultiver les. denrées
qui lui font ies plus naturelles , & qui peuvent être
par-tout de la meilleure valeur : o r , pour diftinguer
quelles font les productions d’un état de la meilleure
yajeur, i l fout néceffairement Jes laiffer jouir
toutes également de la plus libre concurrence, fane j
au dehors qu’au -dedans.
Si l’on n’ a point de vignes en Angleterre, faudra-
t-il n’y point boire de vin? Non : il faut y-cultiver
le mieux qu’il eft poflible , les belles laines du pays ,
& les échanger contre les vins de France : tout fera
à fa place : les laines d’Angleterre feront valoir les
vins de Bordeaux , & les vins de Bordeaux feront
valoir les laines d’Angleterre.
Lorfqu’un état impole des droits fur la fortie, d’une
efpèce de production de fon territoire ou d ouvrage
de fon induftrie , il perd néceffairement fur la vente
qu’il en fait à d’autres tout l’excédent du p r ix , que
pourroit y mettre la liberté .générale de la concurrence.
Les propriétaires des fonds., qui donnent cette
production , n’ont plus le même intérêt a les-culci-
ver : une partie des terres pourroit demeurer fans I
culture , ou n’êcre cultivée que miférablement ; di- I
minution de re.venu, diminution de population : les
agens de l’induftrie fouffriront également une perte
proportionnée à la valeur du droit impofé fur la
fortie de leurs ouvrages.
| Si l’on fuppofe que l’étranger, acheteur de la
marchandife, paie le droit de' fortie 5 la valeur de
cette marchandife eft augmentée pour lu i , de tout le
montant du droit impofe : de-là il réfulte pour la I
nation qui l’impofe un défavantage réel dans fo coiv
currence avec les autres nations , qui peuvent four?-
nir la même marchandife à meilleur m arché, n im-
pofant pas le même droit.
Si ces droits font établis également par-tout ,
celle qui viendroit la première a rendre une entière j
immunité à fon commerce , auroit néceffairement la
préférence fur toutes les autres pour la vente aînfi,
au.moyen du droit impofé, une nation ne peut
vendre la même quantité de marchandîfes j & ce
qu’elle ne peut exporter, par cette raifon , tombe
pour elle en non-valeur : s’il eft queftion d une production
de fon territoire , elle ne peut plus en cultiver
la même quantité, les terres ne feront plus
d’un produit aulîi avantageux : fi c’ eft un ouvrage
de fon induftrie, la fabrique en diminuera, il n’y
aura plus le même travail, parce qu’il n’y aura plus
les mêmes falaires : il faudra qu’une partie des ouvriers
aille* çherchet ailleurs/ de l’emploi, & de*
là , dépopulation & ruine des richeffes.
Si l’on füppofe au contraire, que les droits fut
la fortie des marchandifes foient payés par la nation
même qui vend, il eft évident que les cultivateurs
& les propriétaires fur leurs denrées, ou les fahri- •
quans fur leurs ouvrages, perdront toute la valeur
du droit impofé : il s?enfuivra donc les mêmes con-
féqiiences que dans la première fuppoficion.
Toute denrée eft en concurrence pour la confommation
, non - feulement avec toute denrée de la
même efpèce , mais même avec toutes les autres
d’efpèce différente j car fi tel vin eft trop cher , non-
feulement on cherchera d’autre v in , mais encore on
s’en paffera tout-à-foit, & l’on s’en dédommagera
par la jouiffance d’autres denrées d’une efpèce difte"
lente. Si les vins de France, par exemple, font
renchéris par des droits à leur fortie du royaume j
non-feulement les peuples du Nord en confomineront
moins , mais ils feront tous leurs efforts pour
s’en paffer : ils chercheront à les remplacer par d’autres
boiffons faCtices, ou même à s’en dédommager
par l’achat d’autres marchandifes dans d’autres
pays. La France pourroit doue voir diminuer fon
revenu dans une bien plus grande proportion que
la valeur de ces droits ne rapporte au gouvernement.
Le but du commerce eft de procurer la confommation
: l’effet du droit eft de la reftreindre : voilà,
dans le même fyftême , des vues abfolument oppo^
fées. Le but du commerce extérieur eft de procurer
la confommation 6c l’emploi de toutes les marchandifes
furabondantes à la confommation intérieure :
or, dans un état bien ordonné , toute marchandife
qui s’exporte doit être ceufée furabondante $ car on
ne l’exporte que pour l’échanger contre d’autres
objets plus utiles, ou du moins fuppofés tels. En
gênant cet échange, on gêne donc l’accroiffement
des richeffes.
Les droits de fortie font ordinairement établis fur
l'exportation des matières premières des manufactures
: mais il eft évident que cette faveur, accordée
à l’induftrie," eft néceffairêment préjudiciable à la
culture : il eft fort à préfumer que ceux qui ont
établi ces droits n’ont pas toujours fait cette réflexion.
Reconnoiffons donc que ces droits fur Yimportation
6c Y exportation des marchandifes , nuifent j
également» dans tous les cas, au peuple vendeur ,
comme au peuple acheteur, que ces droits, en donnant
au commerce uné marche arbitraire & forcée ,
détruifent les effets qu’il doit produire naturellement
pour la profpérité générale, qu’en un mot toutes
cès loix prohibitives entre les diverfes nations de
l’Europe , ne tendent qu’à les replonger dans l’état
de barbarie, d’ou la renaiffance du commerce les
•avoit tirées.
Voici le fécond fragment qui traite en détail de
quelques impôts particuliers.
PROBLEME D’ÉCONOMIE POLITIQUE
S u r trois impôts•
T R É L I M I N A I R E G É N É R A L .
P R O B L E M E .
Commeut pourroit - on foulage r la nation du
poids des impôts , & en même-temps enrichir le
tréfor royal ?
S o l u t i o n .
En trouvant un moyen pratiquable de transformer,
fucceflivement & dans l’ordre convenable , tous les
impôts indirects en une perception directe des yrais
ïevenus du roi.
E C L A I R C I S S E M E N T S .
P R E M I È R E Q U E S T Ï O N .
Qu’appellez-vous impôts indirects ?
R é p o n s e .
J’appelle impôts indirects tous ceux qui font mis
fur les confommations, ou les perfonnes , comme
font en France la gabelle & autres impôts fur le
fe l, les droits d’aides & autres fur les boiffons j le
privilège exclufîf de la vente du tabac, les douanes
& traites foraines, les taxes fur les cuirs, les contrôles
qes àftes , le papier timbré, la ta ille, la capitation,
l’ induftrie, la corvée & autres femblables.
S e c o n d e q u e s t i o n .
Qu appeliez-vous perception directe des vrais res
venus du roi?
R Ê P O N s ' E.
J’appelle vrai revenu, du roi, une portion du produit
quitte & net de tout le territoire ; 6c perception
directe , celle qui fe fait immédiatement fur le territoire
, proportionément au revenu , comme les vingtièmes.
T r o i s i è m e q u e s t i o n .
Qu’appellez-vous transformer fucceflivement, &
dans l’ordre convenable ?
R é p o n s e .
C’eft de commencer par les impôts qui coûtent
plus de faux-frais, ou de fauffes dépenfes, tant an
peuple qu’au r o i , & qui privent en même-temps
la nation entière, 6c le fouverain lui-même, d’une plus
grande fomme de vrais revenus j tels que fon t, par
exemple 'la gabelle & autres taxes fur le f e l , les
aides & autres droits fur les boiffons, le privilège
exclufîf de la vente du tabac. Trois impôts très-ruineux
pour le peuple , & pour le roi.
Q u a t r i è m e q u e s t i o n .
Qu’appellez-vous des moyens pratiquables d’opé^
rer cette transformation?
R é p o n s e .
J’appelle moyen p ratiqu able , celui dont l’exéeu-
i tion ne dérangeroit.rien au fyftême aèluel des finances
, n’occafîonneroit aucun, vuide dans la recette du
tréfor royal, aucun embarras dans la comptabilité ,
ni même aucun préjudice aux fermiers généraux.
Objets auxquels i l né faut, ce me femble, porter,
aucune atteinte.
O r , , je crois cette transformation très-poflîble j
je la crois très-avantagéufe : c’eft ce que je dois
expliquer & démontrer, pour procurer , autant qu’il
eft en m o i, le profit du peuple 6c le profit du roi*