
été dans l origine. C q n’étoit d’abord que de Amples
afïociations formées dans le deffein de raffem-
bler _ les marchands & ar titans fous les yeux des
magiftrats qui préfidenr a la police , & de les
Soumettre aux rég-lemens faits pour la qualité &
perfe&ion des. ouvrages de leur art , ou néo-oce ;
nous aurons occafion de montrer J ans là fuiteTinu-
Ülicé de ce» ftatuts ,& règlement , qui ne préfen-
tent qu’un tilTu de difpofîtions minudeufes-, bifarres,
injuftes, fouvendmpoffibles, & p refque toujours nui-
fbies dans Texécution. Mais ce qui nous paroît à
prefent fi abfurde .fi contraire aux intérêts du
commerce fi indigne de la follicitude d un gouvernement
éclairé , peut avoir été fort utile &
meme inditpenfable dans les premiers temps , ou
les arts encore naiflans, avoiént betoin d’être dirigés
& fioutenus. Plufîeurs fiècles d’ignorance & de barbarie,
n’avoient laiffé en France aucune trace de
commerce. L ’état fortoit à peine d e 'fo n enfance
prolongée par le tumulte & l'anarchie du régne
féoda l, lorfque S. Louis s'occupa du foin de donner
quelques encouragemens aux arts, & d’animer
les travaux de l ’induftrie. I l établit des corporations
pu efpèces de confrairies dans lefq^elles il attribua
aux ouvriers les 'plus anciens , ou les plus diftin-
gucs par leur habileté , .une intpeâion fur les jeunes
& fur ceux qui étoient encore novices dans leur
art. Il voulut que ces derniers fuflem tenus pendant
quelques années, pour fe former à leur métier,
lous le» yeux des anciens, & fiffent preuve de leur
capacité avant dêtre admis. L a puiflànce fouve-_
raine, n’avoit attribué à ces différents corps aucun
droit exclufir. Les communautés n’étoient alors que
des efpèces d’écoles publiques ouvertes à tous les
citoyens , & formoient autant de fociétés particulières
qui ont préparé" en France l'ouvrage de la
civilifation générale.
.Ce s établiffemens ne furent faits d'abord que dans
les villes royales, ou nos rois étoient en poffeffion
du droit de police. Bientôt les feigneurs particuliers
& jufqu’aux fimples châtelains qui s’étoient attribué
les droits régaliens, fuivirent cet exemple , & voulurent
avoir, des Corps de métiers dans leurs villes
& feigrieuries. On trouve encore d’anciens ftatuts de
métiers rédigés en forme de Chartres par les comtes
.& barons. Mais l’exercice de /la grande police n*>
pouvoir appartenir qu’au roi , comme étant u
droit de fouveraineté. I l fut créé un office de g r a n û
chambrier de France qui avoit, dans toute-réten
due du royaume , l’infpe&ion des arts & du corn
merce. L e s rois des merciers établis pour veille
dans les provinces à l’exécution des ftatuts'& ai
maintien de la difcipline des corps & des commu
nautés , étoient inftitués p a r le grand-ckambrier
alnfi que les vifiteurs des poid s & balances. Ce
offices n’avoient aucun des cara&ères de notr<
fifcalité moderne , & fi le fouverain leur avoit attri
J5ué quelques droits, ils étoient fi modiques , que"l;
charge n’en étoit pas fort onéreufe pour rinduftrie
C ’eft fous le régne d’Henri I I I , que le s corps
de né tiers, ont commencé â être ënvifagés comme
une reffourçe de finance 3 l’édit de décembre ï 5 8 1 ,
renouvellé au mois d’avril 15^7 , introduisit à titre
de droit r o y a l, une taxe générale fur tous'les agens
du commerce & de l’induftrie 5 ces deux loix dictées
par ,1e befoin impérieux du moment , furent
préfentées fous le prétexte fpécieux de l’intérêt
public. Elles contiennent une roule de, difpolitions
pour prefcrire le temps des apprentifiages, la forme
& la qualité des chefs- d’oeuvres , les formalités
de la réception des maîtres, les élections & vifites
des jurés 3 pour régler le paiement des droit»
attribués au domaine, les mefures néceffaires pour
en afïurer la perception , la diftinélion des villes
jurées & non jurées , enfin l’adminiftration intérieure
des différens corps , qui furent tous claf-
fés & réglementés avec attribution de privilèges^
C ’eft le monopole univerfel réduit en fyftême &
établi dans le royaume avec tou t‘l’appareil de la
*légiflation.
T e lle eft la véritable origine des privilèges ex-
clufîfs accordés aux corps & communautés , & c’eft:
de cette fource que font émanés tous les abus introduits
dans l’adminiftration de ces différents corps.
L efprit fîfcal & la police réglementaire du dernier
fiècle , fe font exercés avec tant d’art & de fécondité
fur ce fond déjà fi ricfie par lui-même , qu’i l
eft difficile aujourd’hui de fe recoimoître dans le
détail immenfe d’une foule de loix , dont la plupart
n’ont eu pour objet que l’introduftion de nouvelles
taxes & impofitions, déguifées fous le titre
üérecîipn de maîtrifes , de fy n d ic a t , de ju rande
, ü infpection, de garde , de contrôle, &c*
Les édits de 15 81 & 1^9'] , n’avoient reçu qu’une
foible exécution dans les petites villes & dans les
provinces éloignées. Ce fut l’édit de mars 1673 |
qui porta les derniers coups à la liberté du commerce
& de l’induftrie, en érigeant dans toutes lès
villes & bourgs dur royaume , des corps de ju ra n d e ,
auxquels il devoit être expédié des ftatuts & des
lettres-patentes. Les corps furent multipliés à l ’infini
, il n’y eut prefqu’aucüne efpàce de travail &
dinduftrie dans la fociété , qui eut échappé aux
^regards avides des traitans. Comme l ’unique objet
de la loi étoit de procurer de prompts fecours à
l’état, pour les dépenfes prenantes de la guerre ,
la perception de la-taxe ne fut pas par-tout fuivie
de l’expédition des ftatuts ; il y a encore un grand
nombre d’endroits où les marchands & artifans ne
forment point corps autorifés dans l’é ta t, & ne fe
trouvent point érigés en jurande par lettres-patentes
enregiftrées dans les cours 3 mais ils 11’e'n ont pas
moins été fournis à la plupart des impofitions établies
en différens temps fur les communautés.
Depuis cette époque de 1*673 , il y a eu peut-être
plus de 40 mille offices créés avec attribution de
droits différents , foit fuir les marchands & artifàns,
toit fur les denrées & marchandifes; la plupart de
-ces offices illufoires & fans aucun exercice , prit été
acquis par les communautés elles-mêmes, qui fe,
font fait autorifer par des arrêts du confeil a les
réunir moyennant une finance plus ou moins forte ,
quelles n’ont pu payer qu’en fàifant des emprunts^
xuineux. Les droits attribués aux offices n’en ont
pas moins continué de fe percevoir ; ils ont’ été
abandonnés aux communautés qui les avoiént. réu-
•çilf C ’eft principalement pendant la guerre qui a
précédé la paix de Rifwrick, & pendant celle pour
Ja fucceffion 'd’Efpàgne , que ces créations d’offices
ont été multipliées'.' Offices de maîtres, gardes ',
jurés & fyndics en 1691 3 offices d’auditeurs dès
comptes avec attribution du droit royal en 1694 3
de tréforiers- receveurs des deniers communs en
11696 j de contrôleurs de poids , & de greffiers- des
arts & métiers & greffiers d’enregiftrement des bre- :
yets en 1704 3 jde contrôleurs du paraphe des re-
giftres en 1706 5 de gardes des archives ,• de conservateurs
des étalons en 1705» 3 de tréforiers payeurs
des gages en 1710:*; enfin en 1745 il y eut encore
une nouvelle création d’offices , fous le titre d’inf-
pecleurs & contrôleurs des gardes & ju rés. Les
communautés ont été affujetties depuis par un édit 4’aoùt 1758 , â fournir un fupplément de finance
pour tous ces .différens offices qui leur avoiént été
réunis & incorporés. .
On doit mettre auiinômbre. de ces-mêmes taxes
fur. le commerce- & l ’induftrie ,: les' créations de
njaîtrifes faites : en'différens temps & les droits de
confirmation au joyeux avènement. I l eft démontré
par un relevé exaét de t-outes ces impofitions réunies
, que depuis 1673.1, elles n^ont pas produit plus
de 40 millions. Cettèi reffburce de finance n’a pas
été gratuite pôur d’état; Chaque création d’offices a
été.un emprunt ruineux pour le fouverain & accablant
pour le peuple , par les intérêts qüe le roi s’eft aflu-
jetti de payer , par les gages.: qui ont été attribués
aux offices , par les rentes qui ont été créées au
profit des 1 communautés , par les droits qu’elles
ont été autorifées a percevoir. S i 'l e roi a’ touché
40 millions, il-lui en a coûté plus de 100 en* arrérage
s -O n peut regarder également comme perdu
pour l’état plus de ^00 millions levés par les
communautés en taxes & droits dé' toute efpèéë,
foit fur les marchandifes, foit fur les.agens du commerce.
& de l’induftrie 3 ces fommes immenfes ont
été confomnïées en dépenfes purement ftériles. 1
U n rapprochement très-in ftruiftiffèroit 'c e lu i de
deux tableaux dreffés d’après les regïftres des communautés
y8>t les tarifs établis dans les'différens marchés.
L ’un préfenteroit l’ordre dés Emprunts & des
paiemens fucceffifs que les communautés'Ont 'été
obligées dé faire p ou r la réunion de ,ces différens
offices , & ' de l ’augmentation pro greffiv e des droits
établis en conféquence fur les ouvriers ,.apprentifs
& compagnons , fur les maîtres , fyndics & jurés ,
fu r les métiers & fabriques., fur les matièfes pre mières
, les matières ceuvrées & toute efpèce de
marchandifes. L ’autre contiendroit i ’étàt des ren -
chériflemens graduels , -qui font furvenus d’année
ç n année fur toutes les d en r é e s , fu r les ouvrages
de l’induftrie , fu r ie s Talaires des ouvriers & lur
les frais du cammerce. On verroit que les furhauf-
femens de prix fe font établis par dégrés & toujours
propoftionnellement aux charges. Rien * ne - feroit
plus facile , d’après ces deux tableaux, que de dé-
éompofeii le. prix aéluel de’toutes les 'chofês com-
merçables & d’en déduire 1ers furchargés , pour juger
du prix auquel elles devroient* être. On peut auurer
que le renchériffemenc efb au moins d’un quart fur
chaque-objet de confommation 3 ■ 1Jeffet néceflairô
de la fuppreffion de toutes ces entraves , fèroit donc
de réduire d’un quart le prix aftuel des façons &
des ouvrages / & par ; conféquent de diminuer également
d’un quart les dépenfes de chaque citoyen.
Que cette heureu’fe révolution fuivît immédiatemenc
l’extinélion des charges-, c’eft ce dont on ne peut
fe flatter. Mais pourvu qu’en même temps on fît dif-
paroître tous les privilèges exclufifs , elle s’opère-
j roit infenfiblement en peu d’années , par l’ effet de
:• la- concurrence;1
Il eft important de remarquer que l’on ne prétend
point parler ici des droits qui fe perçoivent
au nom du .prince , & qui forment la maffe des
impôts, indireéts- établis fur toutes les confomma-
tions..Peut-être feroit-il facile de démontrer que ces
fortes de taxes ne rapportent pas ad ro i, en revenu
net , ee qu’elles lui coûtent en f r a i s ' en pertes
réelles , en augmentation fur fes propres dépenfes,
en un mot , ce qu’il gagneroit par leur luppret
(ion: Mais nous n’entrons point dans cette difeuf-
fîon. Il ne s’agit uniquement que des droits qui fe
perçoivent par les communautés, & des .furchargés
produites par la multiplication des frais que leur
| exiftence occafionne. C ’eft cet objet feul dont, on
avance que la dédu«ftion réduiroit d’un quart le
prix de toutes les marchandifes , & cette propofî-
tion ne paroîtra point paradoxale , fi l’on confidère
que c e prix eft formé de deux objets. i ° . De là
valeur de la chofe , eu égard à ce que coûte la
| matière première-, & à tous les frais de commerce
: & de fabrication. i° . Du gain légitime du marchand
qui la vend & de l’ouvrier qui la fabrique : voilà
ce qui cônftitue le prix naturel 3 mais il y a un
! autre prix accidentel, qui eft formé de toutes les
| dépenfes de furcharge que les agens du commerce
& de l’induftrie fe trouvent obligés de faire , & dont
il faut néceffairemenf qu’ils exercent la reprife fur
les acheteurs. C’eft l’acheteur qui paye réellement
tous les frais d’appréntiflàge , de compagnonage ,
de chef-d’oeuvre , de maîtrife & de confrairie , les
cotifations & contributions annuelles dans les communautés
, les intérêts des dettes contrariées, les frais de bureau , de faifies , de procédures, de fol-
licitations , d’audition des ‘comptes , toutes les dépenfes
, en un mot., foit ordinaires & réglées ,
foit cafuelles & extraordinaires.. On va fe convaincre
par l’examen de chacune de ces dépenfes, qu’il n’y
a point d’exagération à foutenir , que le renchérit-
fement qu’elles produifent fur chaque objet d&
confommation eft au moins d’un quart.