
<?74 I M P
culture , notre cômmerce & notre population. Cleft
daprès ces principes univerfèllemem fuivis par toutes
les' nations policées, que l’exiftence des ta r ifs
eft devenue néceflaire. C’eft en vain que les fyftêmes
'es plus agréables, mais les moins fondés, ont présenté
quelquefois l’univers comme une feule répu-
® lique dont tous les hommes exiftans font citoyens.
La vérité fe refufe à cette idée, purement philofo-
phique j fi quelque puilfance étoit plus qu’une autre
en état de l’adopter, ce feroit fans doute la'France,
qui, par la variété & l’abondance de fês productions,
Je nombre, le génie & l’induftrie de les habitons
, fe voit a portée de profiter plus avantageu-
fement d’une liberté univerfelle ; mais il exigera
toujours des nations qui auront befoin des prohibitions
ou des ta r ifs pour fe défendre contre la
fupériorité de quelques autres , & dcs-lors \ts ta r ifs
Utiles en général pour la finance*, comme nous l’avons
montré, deviennent univerfeUement néceflaires
pour l’agriculture, le commerce & la population.
Ce dernier article eft une fuite des deux autres. Par-,
tout où l’agriculture & le commerce feront animés ,
ls population fera nombreufe, parce qu’il y aura :
toujours des hommes par-tout où ils trouveront à
fubfifter commodément & à s’occuper utilement.
L’encouragement de l’agriculture par les ta r i f s ,
confifte à charger de quelques droits modiques les
productions étrangères , afin de donner au moins une
petite préférence aux productions nationales de même
e%èce dans la confommation intérieure, a animer
cette confommation^par l’affranchiflèment de tous
droits dans la eireul*ion intérieure , & à réduire au
taux le plus léger les ta r ifs de fortie fur nos productions.
Ces principes feroient univerfeUement vrais
dans un état qui ne feroit compofé que de cultivateurs
; mais cet état feroit fort borné, & ne feroit
pas ufage de toutes fes forces, fi le commerce ne
venoit a fon fecours.
Ce font les fabriques qui contribuent le plus à
l’encouragement de l’agriculture , parce que le fabriquant
confomme les vivres , pendant que la ■
fabrique emploie les productions en matières premières
qui lui font propres. Le négociant eft lui-
même très-utile ; mais comment ? En fourniflânt au
fabriquant les matières premières, foit nationales, I
foit étrangères, dont -il peut avoir befoin , & en procurant
le débouché des fabriques. Ses profits feroient
peu jnféreffans pour l’état , s’il ne faifoit que combattre
les fabriques nationales par l’introduction des
' fabriques étrangères : mais quand le négociant anime
la fabrique, leurs efforts réunis produifent né-
ceffajrement le bien de tout l’état. Le commerce
exige donc auffi fes ménage mens 5 & s’il rend des
fervices effentiels à l’agriculture , il eft jufte qu’en
retour il obtienne auffi quelque préférence : c’eft
ce que les ta r ifs peuvent encore utilement procurer
par deux operations differentes. La première,
fur les productions nationales, en donnant une pré-
férence aux fabriques par l’impofition d’un cJxffit de
foftie proportionné à leur abondance ou à leur xa- I
1 M P
reté & à Fémploi qu’on en peut faire dans les manufactures.
L a fécondé , fur les productions étrangères
, par l ’impofition de droits d’entrée fixés fur
le befoin des fabriques' .& fur l’abondance des productions
nationales de mêmes efpèces, ou peut-être
équivalentes. C’eft dans l’harmonie de tous les membres
principaux d’un état, que confifte véritablement
fa force. Ces principes font généraux, & ne s’appliquent
pas plus à la France qu’à toute autre nation ;
nous les voyons auflî univerfeUement fuivis. Toutes
les puifiances travaillent continuellement à leurs
ta r i f s , & on jugeroit de l’ étendue de leur agriculture
, tlè leur commerce & de leur population,
par la fagefïe & par l’intelligence de leurs tarifs ;
d ou l’on peut conclure que quoique les ta r ifs appartiennent
effentiellement à la finance par le produit
des droits qu’ils renferment, ils ne font pas
moins utiles pour toute l’adminiffration d’un état
en général,■ & du commerce en particulier : mais
les mêmes principes qui démontrent l’utilité d’un
t a r i f travaillé & rédigé dans les vues que nous venons
d’expofer , prouvent en même-temps tous les
inconvéniens qui en pourroient réfulter , s’il n’y
etoit pas conforme ; & Cette réflexion nous conduit
a examiner quelles font les qualités que doit avoir
un t a r i f pour être véritablement utile.
C h a’ P I T R E II.
D e s qualités que doivent avoir les ta r ifs pour
être véritablement u tile s .
Les qualités d’un t a r i f font beaucoup plus faciles
à traiter dans la fpéculation que dans la pratique.
Les principes fur cette matière font toujours vrais
en général ; mais mille circonftances., foit particulières
, foit locales, s’oppofent quelquefois à leur
application , ou du moins , forcent d’embraffer des
modifications qui paroiflent s’éloigner des régies
générales. Il eft peu de matières qui ne foient fuf-
eeptibles de pareils inconvéniens ; & ces exceptions
qui font rares, fi les principes font bons, ne fervent
qu’ à les confirmer. Ce n’ eft pas ici' le moment
-de parler de ces exceptions ; renfermons-nous, quant
à préfent, dans les régies générales. ,
Un ta r i fâ t droit de traite-ri’eft autre chofe que
la fixation des droits que tous les citoyens doivent
payer fur les marchanaifes-pour leur contribution
aux chargés de l’état .j contribution d’autant plus
jufte , qu elle eft réglée par leur confommation. La
conféquence de cette définition doit établir pour
premier principe, qu’un bon ta r i f doit être uniforme
pour tous les fuiets d’un même prince, &
pour tous les concitoyens d’un même état. L es autres
impofitions peuvent varier par bien des raifons : par
exemple, en France, les tailles, les g ab e lles , les
droits d’aides peuvent, & même ne doivent pas
être tous également & univerfeUement pejsçûs. Indépendamment
des privilèges de certaines provinces,
privilèges toujours sefpeôtables lorfqu’ils font véritablement
utiles à la province, & que ce n’éft pas
1 M P
le feul préjugé qui les défend contre les inconvéniens
qui en réfultent au préjudice du furplus de
l’état, il faut convenir que plufieurs circonftances
locales peuvent écarter ces natures d’impofîtions
d’une province , quoiqd’elles foient admifes dans
des provinces limitrophes. L a nature feule des productions
peut être quelquefois une raifon déterminante
j mais à l’égard des droits de traite , nous
avons vu dans le précédent chapitre, que leur utilité
décidoit par-tout leur exiftence, & il'e ft plus naturel
que les bureaux de perception diftinguent une
province de l’étranger , que de la feparer de fes
concitoyens. Nous verrons dans la fuite que cette
raifon de convenance qui eft très-forte, eft appuyée
par-tout de la raifon d’utilité. Comment cela pour-
roit-il être autrement, fi le t a r i f qu’il s’agit d’exécuter
eft plus favorable au commerce qu’aux produits
de finance?. Et nul t a r i f ne peut être bon, s’il eft
travaillé dans d’autres vues ; peut-être même que les
produits n’en diminueront pas autant qu’on peut le
croire. On a fouvent vu, en fait de commerce , que
les droits' perçus fur une plus grande quantité de
marchandife ; fuite néceflaire d’un 'commerce bien
animé, faifoient difparoître , ’en partie, la diminution
de leur quotité. L ’uniformité eft donc une
qualité efîentielle d’un bon ta r i f
Il faut auflî qu’un ta r i f [oit fim p le , pour qu’il
inftruife facilement le contribuable de ce qu’il doit
payer, & le fermier de ce qu’il doit recevoir. Les
commis ne font que trop portés à former des difficultés
dont la-fin leur procure quelquefois des profits
peu légitimes : le contribuable, de fon côté ,
cherche à payer le moins qu’il peut. L ’intérêt particulier,
ce mobile général de tous les hommes &
de toutes leurs a ôtions , fait naître tous les jours
des conteftations fans nombre fur le paiement des
droits de traite; & s’il n’eft pas poffible de fupprimer
toutes ces difficultés, il faut du moins tâcher
de les prévenir par un ta r i f fimple , qui ne laifle
aucune équivoque fur Je montant des droits qui doivent
être acquittés.
Il faut auflî qu’un bon t a r i f foit unique , c’eft-à-
dire, qu’il comprenne en un feul droit tout ce que
la marchandife doit, payer dans toute l’étendue de la
domination, foie à l’entrée , foit à la fortie , & que
les- bureaux de perception foient portés à cet effet
a la frontière extrême. L e retardement de la mar-
ehandife dans les bureaux de perception , la vérification
, le déballage & le remballage de la marchandife
, les frais, les longueurs, & quelquefois les
avaries qui en réfultent, font fouvent plus onéreux
que les droits mêmes. L a multiplicité des ta r ifs &
Ses droits à acquitter le long d’une route, multiplient
les inconvéniens; & fouvent les droits acquittes,
qui entrent dans les caiflTes du r o i , 11e font
qu une médiocre partie de ce qu’il en coûte au commerce
, le. furplus eft en pure perte & pour le commerce
& pour l’état.
L a fixation de ces droits eft la plus grande djf-
fcculté du t a r i f } Sc dqwamÜe une cotinoifUuce exacte
I M P '67?
des véritables intérêts de l ’agriculture & du commerce
général de l ’état. C’eft uniquement dans des
vues utiles aux produirions du fol & de l’iuduftrie ,
que ces fixations doivent être faites. U fout être
bien peu au fait de tout ce qu’on appelle t a r i f ,
pour ne pas fçavoir que les gros droits împofés
fur plufieiirs articles, ne font faits que pour en
empêcher l’introduôrion ou la fortie ; qu’ ils ne font
prefque d’aucun produit, parce que c’eft la circulation
feule qui le procure, & que la diminution
de ces droits pourroit bien être utile à quel-
cjues particuliers, mais feroit fûrement funefte à
1 état, fi, comme on n’en peut douter, ces droits
11’ont été fixés fi haut, que pour le grand bien de
l’état. Si les droits de traites étoient les feuls revenus
d’un état,.& qu’il fut néceflaire d’en augmenter
le produit, on y parviendroic indubitablement en
les fixant à quatre ou cinq pour cent de la valeur
de toute marchandife ; mais ce feroit toujours une
très-mauvaife opération de finance, les produirions
du fol & de l’induftiie feroient »trop chargées; &
en laiiïànt moins d’eflbr à l’agriculture & au travail
des fabriques , on diminueroit néceffairement ces
deux fources abondantes de la richeffe de tout étar.
On ne fçauroit donc avoir trop de foin dans ,1a
formation d’un t a r i f , pour favorifer la confommation
intérieure par une libre circulation , pour ne
pas gêner l ’exportation du fuperflu par des droite
de fortie capables, de diminuer fa Confommation à-
l’étranger , pour arrêter dans les fabriques les matières
premières qui leur font propres, par des droite
de fortie proportionnés à l’abondance ou à la rareté"
de la matière, & à l’étendue de l’emploi que l’oa
en peut faire, pour favorifer l ’entrée des matières
premières dont oa a befoin, en ne les impofant qu’à
des droits extrêmement lég e r s , & pour écarter ,
autant qu^l eft poffible , les matières premières qui
pourroient nuire aux produirions du f o l , ou les
marchandifes qui pourroient s’oppofèr au fuccès des
fabriques, en les chargeant de droits d’entrée proportionnés
aux dommages qui peuvent réfultec
de leur introduction : mais il convient d’obferver à
cet égard que dès droits trop forts font fouvent dangereux
, foit en donnant trop d’appas à la fraude ôç
a la contrebande, qui font les plus grands ennemis
du commerce, foit en laiffant dans FinaÔUo«
l ’induftrie des fabriqués , par le trop grand avantage
qu on leur allure dans la concurrence.
Ces régies générales font indubitables ; mais il
eft imp.offi.ble de les détailler davantage, & leur application
eft fort délicate par l’étendue & la jufteffe
des connoiffances qu’elle exige. C ’eft pour cela
qu’on ne fçauroit trop confulter les intendans de
toutes les généralités du royaume, les chambres,.de
commerce ôc les plus gros négocians, pour con-
Inoître les intérêts généraux des provinces ainfi que
tous les intérêts particuliers des ports ; combiner
toutes ces vues & ces obfervations pour les concilier
, & faire réfulter de cette conciliation le bien
général de l’état, feul but légitime de l ’adminiftra-
Q <m 'i