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population eft l’heureux effet de tous leurs efforts
réunis.
Mais peut-êfre les manufactures ne font-elles pas
fi utiles en elles-memes ; peut-être feroit-il plus
avantageux de vendre les matières premières à l’étranger
, fauf à racheter de lui les marchandées
fabriquées dont on peut avoir befoin. L ’Efpagne
nous en fournit la preuve, en livrant fes laines à
l’étranger ; & dans le fon d, ne vaut-il pas mieux
avoir des cultivateurs ,' que des fabriquans ? L e protecteur
le plus zélé de la contrebande ne pourroit
pas dire mieux. Mais éclairciffons cette queftion,
8c difons que la valeur de la matière première eft
toujours plus que triplée par la main-d’oeuvre de la
marchandife fabriquée ; qu’ ainfi c’eft tripler les produits
de l ’agriculture pour l’éta t, que lui affurer le
bénéfice de cette main-d’oeuvre : ajoutons qu’un fabriquant
n’ôtera pas un cultivateur, mais au contraire
que beaucoup de fabriquans multiplieront les
cultivateurs, en animant la culture, parce qu’il faut
vivre pour travailler, &qu e le fabriquant çonfomme
les productions du f o l , tant en vivres qu’en matières
premières.
Mais l’Efpagne vend fes laines : dèux raifons
eflèntielles pour cela. L a première, c’eft que les'
pays chauds ne font pas fi favorables à la main-
d’oeuvre. La'■ fécondé', c’eft que fa récolte en laines
lui donne un grand fuperflu au-delà de fa con-
fommation ; & tout état aura toujours intérêt de
vendre le fuperflu de fa confommation. C ’eft en
cela que réfide l’intelligence d’un bon t a r i f : ban-
niflèz-en toute prohibition, fi cela eft poffibie ,
parce qu’elle ne fert qu’à exciter la contrebande ,
8c réglez des droits de fortie fur les matières premières’
, de concert avec le commerce , eu égard à
la quantité de matière première; à l’emploi qui
s’en -fait dans les fabriques, & à l’extenfion dont
font fufceptibles & la culture & l’emploi. Retenir
le fuperflu , ce feroit diminuer la culture ; livrer le
néceflaire à l’étranger, fans une préférence pour le
national, ce feroit anéantir la fabrique. Confèrver
l ’un & l’autre , c’eft les mettre en état de fe fournir
de mutuels fecours, dont elles ne manqueront pas
de profiter.' Notre auteur Lorrain ne peut fe dif-
penfer d’en convenir lui-même ; & dans fa dernière
lettre, il avoue que des manufactures bien animées,
font le bien réel d’un état ou d’une province. Si le
t a r i f reporté à la frontière extrême doit produire
cet effet, cpmme il l’a produit dans tous les lieux,
foit nationaux , foit étrangers , qui ont vu croître &
élever leur commerce à l’abri des ta r ifs , la Lorraine
doit defirer de jouir des mêmes avantages , à
moins que des cirConftances locales ne s’y oppofent.
C ’eft ce qu’ iLeft queftion dé difctrter; & cela peut
être affez court.
Retranchons encore de l’ouvrage que noüs examinons
, le détail tçès-long, & qui ne fera pas contredit
, des privilèges de la Lorraine. Si 4e t a r i f
peut détériorer fon é ta t , il eft inutile d’y op-
pofer fes privilèges: î’intemion ne peut- être que
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de la favoriser ; & le fait une fois prouvé, que
le t a r i f lui eft contraire , fait tomber tout
projet à cet égard. Si au contraire il lui eft favorable,
Ce ne peut pas être l’intérêt de quelque particulier
décoré de la défenfe des privilèges, qui
doit l’engager à refufer fon bien. Ces préjugés pernicieux
ne peuvent entrer , & encore moins fubfifter
dans l’efprit d’un citoyen & d’un véritable patriote.
Il fuffit d’être inftruit pour les abandonner. Nous,
avons prouvé qu’un bon ta r if étoit l ’intérêt réel de
toute nation. L ’expérience doit nous avoir convaincus
par-tout de ces principes ; & le fuccès de quelques
réformations faites en différens temps dans les
ta r ifs imparfaits de la France , en ont mis la
preuve fous nos yeux. Ainfi un bon ta r if bien
travaillé dans l’ intérêt du commerce, eft l’intérêt
réel de la Lorraine. Celui qu’on propofe çft-il dans
ce cas ? On l’efpère r c’eft certainement l’intention
de tous ceux qui y ont travaillé. Se font-ils trompés?
Ils ne confultent par-tout, que pour en être
inftruics parfaitement & en détail, & pour fe réformer.
Dans ces circonftances, font-celes privilèges
qu’on peut oppofer ? N o n , car ce feroit un abus
intolérable , que de fe fervir du prétexte de fes
privilèges , pour refufer fon bien. Qu’on préfente
des obfervations fages & bien fondées, tendantes à
réformer le tarifa & à le rendre encore plus utile
au commerce, qu’on les préfente avec cette douceur
& cette fimplicité, compagnes inféparables de la
vérité & du patriotifme , on fera fur d’être écouté :
mais chercher à faire valoir bien haut des privilèges ,
dans le temps que, loin de les attaquer, il n’eft
queftion que de faire le bien du privilégié^ c’ eft
manquer à la fois & au patriotifme & à la confiance
qu’on doit avoir pour une adminiftration qui préfente
& confulte un projet fi, ouvertement & dans
tous les détails.
Qu’entend-on par ce reproche fi fouvent répété,
qu’on veut aftimiler la Lorraine à-la France? Quoi I
il fuffira qu’un réglement utile ait lieu en France,
pour qu’il fort rejetté en Lorraine? Les gens fages
& les véritables patriotes pehfent bien autrement.
Les Anglois font fouvent nos ennemis, & toujours
nos'rivaux en matière de commerce; cependant
nous ne refufons pas de prendre chez eux les .co.n-.
noiflances', les inftruétions & même les régies qui
peuvent notis être utiles. Tâchons de ne pas.imiter
mutuellement nos vices ; mais faifons tous nos efforts
pour nous reffembler par nos vertus. Ce feroit
tomber dans la çritique , que d’en dire davantage fur
cet objet.
Revenons au point effentiel : c’eft l’avantage de la
Lorraine. Nul pays riche fans manufactures, &
nulles manufactures floriflantes fans t a r i f Ces deux
vérités confiantes ont été établies de la manière la
plus folrde dans les deux premiers chapitres de cet
ouvrage.’ L’auteur Lorrain en Convient : il avoue
formellement la première dans fa quatorzième lettre,
& ne difpute pas la fécondé , qu’il niexoit en vain ,
puifqu’un bon t a r i f n’eft fait que pour briffer libre
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^exportation des marchandifes fabriquées, & gêner
l’importation des marchandifes nuifibles où concurrentes
dans la confommation intérieure. Si c’eft un
bien ineftimable'd’avoir des fabriques floriflantes , fi
un bon ta r i f eft eflèntiellement utile pour cet objet,
il ne refte"plus que deux points à vérifier : le premier",
fi le pays eft fufceptible de 'manufactures ;
le fécond, fi le t a r i f qu’on propofé eft véritablement
bon & avantageux pour le commerce. .
' La Lorraine eft-elle propre à l’établiflement des -
manufactures ? Pour en juger, prenons les principes
mêmes qu’on préfente. Pour, que des fabriques
puiflent s’établir avec avantage , il convient, i° .
que les matières premières foient abondantes ;. z°.
que la main d’oeuvre foit à bas prix ; 30. qu’il-y
ait des débouchés faciles & multipliés.; 40. que.la
population foit nombreufe.
Nous ii’irons pas bien loin pour fçavoir que la
Lorraine eft dans un cas très-favorable' pour les deux
premières conditions. On nous inftruit. qu’elle fe
fiiffit apriîe-même pour les toiles & les gros draps
de fa confommation, qu’elle en débouche même en
France & à l’étranger : nous fçavons qu’ellè a beaucoup
de tanneries ; & cependant on nous attefte
qu'elle vend des cuirs verds, des chanvres , des lins
& des ‘ laines brutes à l ’étranger. Elle a donc en
abondance des matières premières , qui ne peuvent
qu’augmenter dans une culture animée par la con-
fommatîon. L a main-d’oeuvre en général eft à bon
marché-en Lorraine ; & cela’ ne peut, guère être
autrement dans un pays qui fournit peu de travail.
A u refte, dans le commencement des établiflemeùs,
la main-d’oeuvre ne peut guère manquer d’etre un
peu chère : il faut faire venir des ouvriers pour
inftruire les hâbitans du pays ; ce qui coûte beaucoup
: l’ouvrier novice -ne débite pas lui-meme
beaucoup d’ouvrage , ce qui le rend cher ; &
quoique le prix de la journée foit quelquefois plus
haüt, dans la fuite la main-d’oeuvre revient à meilleur
marché , à raifon de la quantité d’ouvrage p roduit
par cette journée : c’ eft par là que la fabrique
de1 Rouen & autres fe foutiennent avantageufement
dans un pays où le prix de l’homme de journée eft
plus cher que dans bien . d’autres ; & le fuccès des
fabriques de Sedan eft une preuve que dans le voi-
finage de la Lorraine , le prix de la main-d’oeuvre
eft Favorable aux manufactures.
L a facilité & la multiplicité des débouchés , ne
font pas les mêmes dans tous les pays de fabrique : il
eft certain que les ports de nier & les grandes rivières
navigables, les facilitent considérablement; mais beaucoup
de manufactures p r o fè r e n t , quoiqu’elles ne
foient pas dans un cas auflî favorable. Sedan qui
porte fes draps dans toute la France , & même beaucoup
à l’étranger, n’ a ni nier, ni navigation facile
de rivières: tous fes transports fe font par terre.J
On en citeroit beaucoup d’autres exemples & à
l’égard de la Lorraine, il fuffit qu’elle convienne
du débouché de fes matières premières , pour aflù-
• rcr qu’elle exportera plus facilement fesmarchan-
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difes fabriquées. Elle • annonce qu’elle a actuellement
le débouché facile de l’un & de l’autre ; mais
elle craint de le perdre. Pourquoi? L e t a r i f ne
lui ôte pas fon exportation, puifqu’ il' eft fait dans
P intérêt du commerce ; & pour faciliter cette exportation,
il y ajoutera le débouche delà France,
par la fuppréflion des bureaux qui la feparent de
l ’intérieur. Ainfi les débouchés' qui lui fuffifèntf
actuellement.,; de fon aveu , étant augmentés, ne
peuvent manquer de donner beaucoup de feflort à
fes fabriques. Mais, dira-t-on, le commerce de la
Lorraine fe fait par échange avec l’étranger, & il
ne voudra pas le faire autrement. Rien n’empêche
que ce prétendu commerce d’échange ne continue
en Lorraine : mais elle emploiera dans cet échange ,
les marchandifes' fabriquées ‘au lieu des matières
premières, & il lui fera plus avantageux. Faites
de la marchandife bonne Jk. à un prix modéré dans
fa qualité , & foyez fiîr de la confommation. Lyon ,
le Languedoc | Rouen & beaucoup d’autres lieux
de commerce ont des débouchés & des fabriques
très animées avec l’étranger. L a Lorraine en fera
de même, & elle le fera avec d’autant plus de- facilité
, q u e , fuivarït notre auteur Lorrain lui-même ,
les draps de la fabrique de Sainté-Marie, en L o r raine
, peuvent concourir avec ceux du Nord ; qu on
peut imiter ceux d’Angleterre , & le? établir à
meilleur marché par la fuite , attendu , dit-il, qu’on
a les matières premières équivalentes , & la main-
d’oeuvre à -plus bas prix. Il entre enfuite dans le
détail d’un nombre d’autres manufactures exiftantes,
& foutient que, pour la to ile , la Lorraine peut
fuffire à fa confommation. N e réfulte-t-il pas de
tous ces faits , que la Lorraine eft très-fufceptible
de manufactures ; qu’elles y ont même déjà germé
fans fecours, & qu’elles n'attendent que lé bénéfice
d’un bon ta r i f pour croître & multiplier ?
Aufli eft--ce le cri du peuple & du fabriquant : fera-
t-il étouffé par le cri de la contrebande? Mais, dira-
t-011 ,-elle ne fe fera pas moins, & le contrebandier
étranger remplacera le contrebandier I.orrain, pour
introdûire en France les marchandifes étrangères,
en fraude des prohibitions oû des droits exclufifs.
Laiffez-le faire ; commencez par être plus riche &
moins criminel, & vous verrez bientôt que votre
travail & vos richefles oppoferont à la contrebande
étrangère, une barrière encore plus forte que celle
des bureaux qui feront reportes à votre frontière
extrême.
Notre Auteur femble faire peu de cas de la fup-
preflion de la barrière qui fépare la Lorraine des
provinces de l’intérieur , ainfi que des bureaux qui
l'environnent du côté de l’Alface & des trois Évêchés
: il craint même que l’induftrie Lorraine ne
foit étouffée par la concurrence de'l’induftrie Fran-
çoife. Mais , i°..on fupprime plufieurs droits , pour
n’en impofer qu’un feul plus modéré en général,
8c mieux combiné dans l’intérêt du commerce : .c eft
un avantage certain , à l’évidence duquel il eft irapofllble
de fe refufer« it ..
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