
«78 I M P
corupe£fc far. fon eftimation , pour éviter cet-inconvénient
t dont il connoît le dommage.
Après ces précautions, on peut efpérer, avec
le temps , de parvenir à faire un bon xarif, & d’y
réunir la clarté, la /implicite & la proportion de
Timpofîrion , avec ta facilité de la perception & de
l’expédition. Mais, quelques foins qu'on fe foi:
donne pour former un pareil tarif', quelque grande
que foit futilité qfe en doit réfultcj: ,c<j>us ces avantages
peuvent difparoître ' dans Inexécution , par la
compo/ition des droits , o» la fraude des droits établis,
ou 1 introduction en contrebande, enfans malheureux
de l’intérêt pexfonnel, qu’on ne regarde
pas toujours comme ils devroient être confidérés.
Là haine contre le fermier , /Sentiment du peuple ,
en général, favorrfe fouvent la pitié màj. placée
qu on a pour Le. contrebandier : on le regarde pref-
que toujours comme une viâime innocente ,- que
lès employés des fermes,facrifient à leur ayidité ; &
les^ tribunaux ne fe portent qu’avec peine à lui
infliger les peines, quils a encourues. Démafquons
la contrebande j & éclairons le public des rayons
de la vérité- v
Qu’eft-ce qu’un homme qui fait métier & mar-
çKandifes -de contrebande ?, C’eft un. homme qui in^.
troduit, par des-voies . illicites , des m^rchandifés
prohibées ,: à l ’effet de les vendre, & d’en fubfti-
tuer la confommation à celles des marchandifes nationales
& aurorifées. ’ .
.Le gain qu’il fait dans ce commerce , eft le feul.
motif qui l’y détermine ; cet intérêt.eft purement
perfonncl, puifqu’il n’en peut réfulter d’utilité q,uç'
pour lu i, & dès-lors il eft peu favorable ; mais-fi
l’u.tilicé perfonnelle,& pécuniaire qu’il peut en retirer,
eft la ruine de fes concitoyens;,-il devient
pour lors un membre pervers néce/Tairé à retrancher
pour le bien de la fociété. C’eft/ce qu’il eft
àifé de démontrer. En effet, la contrebande des mar-
chandifes prohibées , attaque dire^ement les deux,
corps les plus utiles de l’état 3 & qui .font prefque
ïnféparables, puifqu’ils favorifent mutuellement leur ,
confommation; ce font les colons & les fabriquans.
Cent mille écus de marchandifes; introduites en contrebande
ne feront pas la fortune d’un marchand ;
& les mêmes cent mille écus employés en fabriques
de l’intérieur , auroient occupé cent métiers , qui
auroient entretenu au moins /ix cent perfonnes, qui
auroient confommé au moins le produit de trois cent
arpens de terre. Une feule contrebande de cent mille
écus ôte donc les moyens de vivre. a fept ou huit
cent citoyens ; & lès réduit à la misère : ils deviennent
pour lors à la charge des autres _, non-feulement
par les- foibles fecours que la charité peut leur
fournir, mais parle rejet des impofîtions qu’ils ne-
peuvent plus acquitter. Peut-on voir, fans , indignation
tant.de citoyens utiles & précieux devenir la
viélime de l’avidité d’un feul ? Cependant ce tableau
a eft point exagéré : on ne coanoît que trop les
lièges ordinaires de la contrebande &• l’on peut
pigment vérifier que les lieux .o.j* ‘elle s’exçrce le
I M Pv
plus , font prefque dépourvus de fabrique & de p<m
pulation. Un marchand de contrebande de moins
feroit reparoître beaucoup d’autres citoyens ; & ce
feroit enrichir la fociécé , que de les en retrancher.
Il faut convenir que les prohibitions favorifent
la contrebande ; & ce feroit fans doute un bien de
ne lai/Ter febfifter que celles qui font abfolument
néce/Tàire's, Un bon tarif y remédieroic d’ailleurs;
& les marçh.andifes prohibées , rangées dans la çlafle
des plus forts droits, fe répandroient plus difficilement
, parce qu’un exécuteur intére/Té femble répondre
plus finement de l’exécution de la loi, &
la fraude des droits paroît devoir être plus difficile
q.ue riatrodmftion en contrebande.
Pour fçavoir ce qu’on doit penfer fer la fraude
des droits du roi, il faudroit commencer par con-
npfo-e les mptifs des droits & les conféquences de
la fraude. Peut-être, après cela, n’aura-t-on pas
tant de çompafllon & d’indulgence pour les fraudeurs.
Quelques préjugés que je crois faux , mettent
-fouvent au nombre de leurs protecteurs, des
gens qui ne .croient pas pour cela manquer au devoir
d’honnête homme & de citoyen.,.
Le; mo.tif des droits en général, eft le paiemént
des. charges de l’état : le motif des droits de traites
en particulier , eft le plus grand avantage du commerce,
Examinons les conféquences de la fraude
fous ces deux points de vde.
Difons d’abord, fur le premier motif, qu’il eft
de l’intérêt des peuples que les drdits établis donnent
tout le produit dont ils font fufeeptiaïes ; parce
que, fi une partie des droits impofés pourvoyoic
feffifamment aux charges de l’état, le furplus feroit
fopprittié, ou ne febfîfteroit utilement pendant quelque
temps , que pour libérer l’état, & préparer des
reïfources en temps de guerre, fans avoir recours
a dp 'nouvelles impofîtions encore plus pefentes dans
ce temps que dans tout autre. Tout ce qui diminue
le produit d’une impofition , eft donc un mal, parce
qu il donne lieu à de nouvelles impofîtions.
Cette raifon , toute folide qu’elle eft , ne frappera
peut-être pas tout le monde. L’efprit de critique qui
fe répand toujours, & d’autant plus facilement qu’il
trouve moins de contradicteurs, parmi des gens qui
ne vofudroient rien payer du tout ; l’efprit de critique
, dis-je, perfuadera beaucoup de perfonnes que
la fùppreffion de la fraude, fi elle é.toit. poffibie ,
ne feroit que groffir les .revenus du roi, fans aller
a la décharge du peuple. Effayons de prpuver que
c’eft contre le ci.toyen , & contre le bon citoyen, que
la fraude porte directement.
A .qui penfé-t-on qu’on faffe du tort, en fraudant
les droits du roi ? Eft-ce au roi ? Cela ne peut
pas être , puifqu’enfin il eft de l’intérêt dcfécae
qu’on en acquitte les Charges, & que , plutôt que
d’y manquer, on aurait recours a de nouvelle«
impofîtions. • -■
Eft-ce fur les .fermiers généraux ou particuliers
que tombe la fraude? Non, fans doute : la fraude
eft un iftçoxiyénienî cctanu, Le, montant n’en eft pas
TM P
fixé ; mais eette incertitude eft plus' favorable que
contraire,au fermier;.parce que, fi c’eft jm ancien
droit, il ne calcule le prix de fon bail , que fur
les produits réels ; fi c’eft un nouveau droit, & qu’il'
calcule par fpéculation, il forcera plutôt l’objet de
la fraude, que de le diminuer, & fon calcul fera
toujours à Ion profit.
L’inconvénient de la fraude ne retombe donc que
fur le citoyen honnête homme, qui porte feul tout le
faix de l’impofition : premier inconvénient très-confî-
dérable, puifqu’il opère l’inégalité de l’impofîtion.
Les employés occupés à empêcher la fraude, &
les fujets qui font leur tfnique occupation de la
fraude, font encore un inconvénient confîdérable,
puifqu’ils forment un peuple inutile pour l’état, &
août une partie travaille même contre fes intérêts.
Eft-ce pour de pareils citoyens qu’on peut avoir de
la compaffion & de l’indulgence? Mais malheureu-
fement les réflexions les plus belles & les plus fortes
ne réformeront point le fait. Il y aura des fraudeurs
tant que la fraude donnera des profits. Tout
l’univers penfe de même , & le François encore plus
qu’un autre : né'vif & brave, il marche à la fortune
avec plusfèle rapidité, par toutes les voies qui peuvent
l’y conduire. To.ut ce qu’on peut faire, c’eft
dé diminuer l’objet de la fraude , foit par une fixation
de droits qui laiffe peu d’appât au fraudeur,
foit par la rigueur des condamnations & l’exaéli-
tud.e de l’execution.
Je ne dirai qu’un mot des compofîcions fur les
droits. Si elles font autbrifées par le miniftère fer
quelque partie de marchandife en général, ce n’eft
point une compofition, c’eft une véritable réforma--
tion du ta r i f exiftant- : fi elles font faites par lés
commis, & approuvées par le fermier, elles ne
font pas. légitimes , & font expreffément défendues
au fermier. En effet cela doit être , parce que de
pareilles compofîtions font capables dé déranger les
proportions du ta r i f le mieux combiné.
Si ces proportions ne font pas juftes , il faut réformer
le t a r i f , & parler tout haut à cet égard:
c’eft l’intérêt de tout le monde, & oh éft fer d’être
écouté. Mais fi ces proportions-font juftes, & que
le bien public foit opéré par elles, c’eft un crime
que de les déranger: l’intérêt perfonnel n’eft jamais
excufable , quand il nuit à l’intérêt public.
Nous croyons avoir prouvé jufqu’ici l’utilité d’un
bon ta r if & indiqué les régies générales qui peuvent
fervir à établir folidement fes avantages, foit
dans fa formation , foit dans fon exécution. L’ao-ri-
culture & le commerce nous ont toujours fervi de
guides, & nous ne pouvions en choifîr de plus af-
furés. L’agriculture n’a plus rien à defirer : la confommation
intérieure & l’exportatiçn des marchan-;
difes fabriquées ne peuvent pas être traitées plus
ravorablemetit. Mais le commerce & la navigation
éprouvent une perte réelle & inévitable , fi on ne
vient à leur fecours pour la partie du commerce
purement étranger. Je m’explique. Dans un bon
ta r if telle marchandife a été chargée de gros droits
i m p
f poiir èh gêner l’ihtroduftion, & telle antre a été
chargée de droits plus légers pour favorifer la cen -
I fommation des marchandifes nationales , pareilles
ou équivalentes. L a marchandife dé cette efpèce qui
aura acquitté les droits, ne pourra plus refTortir dans
le commerce étranger en. concurrence avec pareille
marchandife fournie par l’ëtrangèr, &: qui n’aura
point éprouvé les mêmes charges. L e commerce
que le uégoçiant auroit p* faire à cet égard; , eft
abandonné à l’étranger, & la navigation qu’il auroit
occafionnée, eft perdue pour l’état. Cet inconvénient
eft trop général & trbp connu par-tout, pour
qu’on n’y ait pas cherché' des remèdes : on en a
employé de deux efpèces,. dont, l’un eft là reftitu-
tion des droits à la fortie, & l’autre eft là franchife
de l’entrepôr.-
L a reftiturion des droits, connue dans beaucoup
d’endroits, a de grands ineonvéniens de plufîeurs
côtés. A l ’égard du commerce, c’eft une grande
gêne pour le négociant, & une charge réelle pour
le commerce , que d’être obligé de commencer par
payer les droits , & d’attendre fouvent l ’examen de
formalités exactes, mai s nécefîair es pour en obtenir
la reftiturion. C’eft'auflï un .très-grand embarras
pour la r é g ie ,.q u i , pour éviter les fraudes pref-
qu’inévitables en pareil Cas, eft obligée de fuivre,
poiir ainfî d ire , les opérations’ de chaque négociant
: ce qui multiplie les employés, les frais de
régie , par une conféquence.néceflaire , multiplie
auffi les fraudés.
L a franchife-de l ’entrepôt éft bien plus jufte &
plus favorable : elle accorde ali commerce toiite la
proteétion qui lui eft due ; elle ne dérange rien au
ta r if , puifque la marchandife admife à l’entrepôt
n’eft pas entrée. Si elle en fort pour aller à l’étrang
e r e l l e ne doit rien, parce qu’elle ne s’eft jamais
trouvée dans le' cas d’acquitter les droits du t a r i f :
fi , en fortant de l ’entrepôt, elle-eft deftinée â entrer
dans la confommation du royaume , elle paie les
droits du tarif. L e commerce extérieur va toute fa.
liberté & toutes fes franchifes, les proportions
du ta r i f ’'ne font poiht1 dérangées : fe’eft le meilleur •
état qu on pût defirer ; & fept ou huit .entrepôts
francs de cette efpèce , dans les plus grands débouchés
& les plus grands lieux de commerce du royaume
, foit par terre, foit par mer, feroient très-
propres â animer le commerce & la navigation, â
multiplier les tranfporcs par terre, & 'a vivifier la
circulation univerfelle dans un écati. Les inconvé-
niens de ce projet ne peuvent fe rencontrer que dans
l’exécution : ils n’ont pas d’abord arrêté le m iniftère,
puifqu’enfîn ces entrepôts font autorifés par l’édit
rendu pendant le miniftère de M. C o lb er t, au mois
de feptembre 1664; Ont-ils exifté depuis , & dans
quelle forme on t-ils exifte? C ’eft ce qu’il eft peut-
être difficile de bien vérifier : mais on changea beaucoup
à- leur forme dans l’ordonnance de 1687 ,
& il paroît qu’ils exiftèrent pour lors , puifqu’ils
ont été fupprimés en i688i Les motifs annoncés
dans l ’arrêt de fuppreffi-or , ont été les ineonvéniens