
tion fur le bord <Ju Rhin, uniquement féparée de
l’étranger par ce fleuve , & communiquant facilement
avec l'étranger par le pont de K e l, feul p o n t1
qui établiffe telle communication dans toute l'é tendue
de l’Alface ; il parolt , dis-je, que cette ville
eft naturellement un entrepôt général où fe viennent
.rendre toutes les marchandifes étrangères,,
pour être échangées contre les marchandifes nationales
que le même objet y attire. C ’eft fur cela
qu'eft fondée la libre communication d,e Strafbourg
avec l’étranger , foit directement & immédiatement,
foit médiatement par les autres bureaux de l ’Alface ,
au moyen des acquits à caution accordés aux marchandifes
dcûinées pour la ville de Strafbourg.
Ç e f t à . la faveur de cette pofltion , que les négo-
cians de çette ville ont établi un commerce d’entrepôt
floriffant, qu'on rifquero'it d'anéantir , fi on im-
pofoit des droits nouveaux fur ce qui leur parvient
d,e l'étranger. Si toutes ces raifons font favorables
à leur franchife aCtuelle , l'intérêt général de l ’état
ne parle pas moins pour eux $ & c’eft pour cela
que dans la.lettre jointe au projet adreffé à M . l’intendant
d’Alface , on propofe de conferyer a Straf-
bourg toute fa franchife , & de la mettre du nombre
dps quatre villes franches qui feront placées aux
quatre coins au royaume, toutes dans des pnft-
tipns favorables pour former des entrepôts florif-
fans j &• dès-lors Strafbourg a tout ce qu’elle demande
, & tout ce que l’avantage de (a fituation
doit lui procurer, indépendamment de fes privilèges*
I l ne paroît donc1 pas qu’il foit queftion de
rien changer à fon état vis-à-vis de l’étranger. Il
peut y avoir quelque- changement pour les marchandifes
que , de fon aveu, elle tire de France en
grande quantité : mais c’eft à fon avantage , car il
nç lui en vient aucune qui n’ait acquitté les droits
de fqrtie des cinq grofles fermes , ainfî que les droits
dé péage d?Alface , & il y en a beaucoup qui font
chargées en outre des droits locaux & de communication.
O r les droits de traites dans le nouveau
tqrifÇont combinés bien plus avantageufç nient pour
lé commerce , qu’ils ne l’étoient dans le t a r i f de
1664 j ê£les droits locaux, aiiifî que les bureaux de
l’intérieur, font fupprimés : les privilèges de St-raf-
boprg lui font confervés en entier ; fon état ne
ohange point à l ’extérieur. Elle refuferolt donc fou
bien , .f i elle çefufojt le nouveau t a r i f
Les .négociant de Strafbourg tirent, dit-on , de
France beaucoup de marchandifes des jfles & de la
compagnie des Indes. Qu’eft-ce qui les en empêchera
, foit par la voie de l’étranger dont Ils fç fervent
aujourd’h u i, foit par la voie des tranfits , auxquels
il feroit peut-être poflible de donner un peu
plus d’extenfiqn ?
Ils tirent actuellement leurs toileries - fines de la
Syifle , de la Siléfie , de Souabe & de Hollande , &
des.laines de Bohème, de Macédoine , du pays des
Deux-Ponts , &c. Ils le feront de m ê m e & rien ne
s’y oppofera, tant pour ces objets de commerce, que
pqur tous les autres «font ilsjquiffçnt actuellement.
Les marchandifes qu’ils tirent de Fraü ee, viea-
nent par l’étranger , en remontant le Rhin , par le
moyen des bateliers de cette ville. L e corps des bateliers
eft le premier des vingt tribus de Strafbourg,
il confifte en plus de cent familles réfideutes dans
la ville , ouçre 300.bateliers qu’ils entretiennent fur
le Rhin jufqu’à Laifterbourg pour aides-piloces &
allèges. On n’a pas envie de toucher aux privilèges
qui leur font accordés. On ne doute pas de l’avantage
de cette uavigation & de l’inconvénient qu’il y
auroit de la voir tranfporter de l’autre côté du Rhin
chez.une puiflTance étrangère. Mais comment cela
arriveroit-il , puifque Strafbourg conferve avec l ’étranger
la même liberté dont elle jo u it, & qui
anime fi fort le commerce & la navigation dans les
autres ports françs ?
Il n en faut pas davantage pour prouver que la
ville de Strafbourg trouvera un avantage réel dans le
nouveau t a r i f Séparée du refte de l’Alfa ce, comme
elle l’a toujours é té , elle conferve les faveurs &
les franchifes qui lui ont été allurées par la capitulation
de i 6 § i & par les arrêts de 1683 & 16518.
Ces deux arrêts, & même celui de 1684 juftifîenc
de la barrière établie entre cette ville & le refte de
la province ; & tout le monde coiinoîe la barrière
fubfiftante entre la province de l’Alface & les autres
provinces du royaume. A l’égard des marchandifes
que Strafbourg tire de l’étranger , foie pour importer
dans le royaume , fok pour reverfer à fé-?
tranger, elle refte dans la même poficion où elle
eft. .Par rapport aux marchandifes qu’elle tire ea
grande quantité de l’intérieur jdu;royaume , elle ne
payera qu’un droit combiné dans l'intérêt dü commerce
, an lieu de deux , & plus qu’elle paye aujourd'hui
; car dans l’état préfeat elle ne tire point
de marchandifes des provinces limitrophes , qu'elles
n’acquittent le droit de fortie du ta r i f de 16 64 , &
les droits de péage d’Alface ; & fi elle les tire de
provinces plus éloignées , elles acquittent encore
les droits locaux & les droits de communication de
province à province. L'avantage eft donc très-réel
pour Strafbourg ; quand un arrangement utile pour
elle toucheroit à fes privilèges, elle ne devioit peine
y avoir regret 5 mais dans le fait fes privilèges font
I cqnfervés en entier j 8ç on ne fait qu'y ajouter de
nouveaux avantages.
Nous .en trouverons encore de plus grands- pour
la province d’Alface , en difeutant fes véritables)
intérêts. Commençons par établir fa fituation actuelle.
Elle paye de tous côtés j. toutes les.mar-,
chandifes qu’elle tire de France , font fujettes aux
droits locaux & aux droits du t a r i f de 1664. Elle
payé les droits de péage fur ce qui lui vient de
l’étranger ; elle eft fournife-aux droits fur les cuirs,
& à un allez grand nombre de prohibitions d’au-:
tant plus nécelfaires à maintenir , qu’elles fèrojenc.
plus funeftes par fe dérangement des proportions,
établies par le commerce lui-même dans la formation
du nouveau ta r if : très-peu • de manufao-.
tiirçs , ^ toutes languiflfames , animent mal la
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tulture & là population. T e l eft le tableau de leur
état : examinons-en les eau fes & les conféqüences.
L e fol dé l’Alface eft excellent & fufceptible de
prefque toutes les productions utiles. Les habitans
font laborieux , induftrieux , & la main d’oeuvre éft
à bon marché : cependant ils n’emploient point
toutes les matières premières de leur cru , auxquelles
ils pourrofent donner un nouveau prix par
le travail de leurs fabriques. Nulle g êne, foit réelle j
foit idéale , ne s'oppofe au fuccès de ces fabriques
qui languiflent : cependant, tandis qu’à leur porte
on voit dans • la Champagne une culture plus animée
fur un fol moins fertile, & des manufactures
floriflantes prefque en tout genre , occuper utilement
, quoiqu’à plus grands fra is, un peuple considérable
d’ouvriers & de confommateurs , d’où
vient cette différence ? Les Alfaciens nous le diront
eux-mêmes. Les bureaux font remplis de mémoires,
par lefquels on repréfente que les manufactures
d’Alfacé ne fauroient fe foutenir que par leur libre
communication avec les provinces de l ’intérieur,
d’autant plus qu’elles’ne peuvent actuellement fôu-
tenir la concurrence vis-à-vis l’étranger. Gela eft
probable en général dans des commenceraens d’éta-
bliffemens : cela eft prouvé par le fait pour l’A l-
face , qui tire la plus grande partie de fes toiles
& même de fes draps de l’étranger. Ces fabriques
ne pourront pas non plus lutter contre les manufactures
de l’intérieur , tant qu'elles payeront le
même droit qui donne une préférence aux manufactures
nationales fur les manufactures étrangères.
Elles n’ont donc point de débouché , & par cenfé-
quent point d’exiftence. Reportez ce droit de traites
à la frontière extrême , elles fe trouveront pour-
tors dans le même cas que les autres manufactures
de draperies & de toileries, qui , non contentes
de remplir la confommàtion de l'intérieur , ver-
fent leur fuperflu en grande quantité chez l'étranger.
Ces principes & l'expérience fuffiroient pour
prouver l'avantage que l’Alface doit trouver dans
l ’exécution du nouveau ta r if: mais entrons dans un
plus grand détail fur le commerce de l’Alfa ce, &
examinons-le fous trois points de vue. i° . Pour les
marchandifes qu’elle tire de France. i ° . Pour celles
qu’elle tire de l'étranger. 30. Pour l'exportation des
productions de fon fol & de fon induftrie.
Les marchandifes qu’elle tire de France font
deftinées , ou pour le commercé- d’exportation à
1 étranger , ou pour la confommàtion intérieure de 1 Alface. A l'égard du commerce d’exportation dont
■ Strafbourg eft le centre & prefque l’unique agent ,
nous ne répéterons point qu'il eft très-favôrifë par
le nouveau ta r if , dans lequel lès droits de traites
font combinés dans le plus grand intérêt du
commerce , & au moyen duquel tous les droits de
péage & de communication font fupprimés dans
riiitérieur.
L a confommàtion de l'intérieur de l'Alface y
trouve encore un plus grand avantage, puifque la
barrière qui eft aujourd'hui entre eette province &
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^intérieur, étant levée , elle communiqïiérà'librement
avec les'autres provinces , & eh recevra tout
ce qui eft néceffaire à fa confommàtion, fans avoir
aucuns droits à payer j au lieu que' , dans l’état
aCluel, ce qu’elle tire de l’intérieur pôur fes be-
foins, fës fabriques & fon commerce , eft fiijet aux
droits du ta r if de 1664. & des arrêts pofterieurs.
Paffons aux marchandifes ipie l’Alface tire de
l’étranger : obfervons d’abord qu’il eft de fon intérêt
d’en confommer le moins qu’il lui fera poflible.
Ajoutons qu’elle en remplacera une grande partie
par les marchandifes de France qu’elle recevra en
exemption de droits , au lieu qu’elle paye aujourd’hui
quelques droits fur les marchandifes étrangères
5 qu’elle doit même payer tous les droits uniformes
qui y ont été jmpofés , & que toutes les
prohibitions qui y font ordonnées , doivent y avoir
lieu. S’il eft quelques efpèces qu’on ne peut fe difc
penfer de tirer de l’étranger , le droit du nouveau,
m ri/' co mbin é ■ dans l’intérêt général du commerce, ne
fera jamais affez fort pour grever le confommateur.
Je ne parlerai point de la contrebande des marchandifes
prohibées , ni de la fraude des droits exclufifs.
Nous avons déjà prouvé dans le fécond chapitre ,
que , fi le commerce eft avantageux à quelques particuliers
, il eft funefte aux manufactures établies
dans la province , & s’oppofe abfolument a tous
nouveaux établiflemens. L a fertilité du fol de l’A l—
face, le génie & l ’indufti-ie de fes habitans, dôivenc
lui faire îentir plus qu’ à toute autre province , tout
le danger de cet inconvénient. Si la ligne des
bureaux de traités étoit portée fur la frontière d’AI-
face , elle verroit bientôt triompher I’induftrie de
fes habitans , & changer fon commerce de manufactures
étrangères en établiflemens utiles à elle-
même , aux autres provinces dn royaume , & ea
général à tout l’état.
Il ne nous refte plus à parler que de fes denrées
commerçables : commençons déjà par écarter l’idée
de mettre l’Alface parfaitement & entièrement dans
le cas des provinces des cinq groffes fermes. I l n’eft
ici queftion ni d’aides, ni de gabelles , ni de tabac -
toutes charges impofées fur la confommàtion intérieure
; il ne s’agit que des droits d’importation 8c
d’exportation à la frontière extrême , & de la fup-
prelfion de tous droits de traités à l’intérieur. Il nV
a rien certainement de plus différent : iln ’eft pas plus
queftion de vouloir toucher à la plantation , à la
Culture & au 'commerce du tabac en Alface ; tous
ces objets doivent irefter flans l’étslt où ils font actuellement.
Les tabacs qui forterit de l’Alface à l’ étran^
g e r , paient actuellement 1-3 f. 4 d. du quintal ; en
les mettant à la fortie dans la clafle de la plus
grande faveur , ils paieront- vrai-fenjblablement encore
moins. L e tabac étranger y paye 30 fols par
livre d’entrée. Si la culture des tabacs eft auflî abondante
en AKa.ee qu’on le prétend, il eft de l’intérêt de
cette culture’ de gêner l’introduftion dès tabacs
étrangers j & en général tontes marchandifes ou
denrees rangées dans les claffes les plus favorables