
S a in t -M a lo entretiennent avec les nations de l’Eii-
r °pe , eft celui d’Angleterre , celui de Hollande &
celui d Efpagne. Ils envoyent auffi dans le nord &
dans la mer Baltique.
Son commerce dans l ’Amérique comprend la
peche de la morue , la fourniture des ifles du Canada
, & autres colonies françoifes ; & fouvent le
négoce de la mer du f îid , mais prefque toujours
celui - ci eft de contrebande, & fujet à de grands
rifques.
L e commerce furie s côtes d’Afrique, n’eft gu ères
moins hafardeux ; & comme prefque toutes ces côtes
font comprifes d'ans les concellions des compagnies
de^ commerce/, françoifes ou étrangères , les. Maloins
n’y envoyent que des vaiffeaux interlopes qui
y vont trafiquer , aux rifques d’être enlevés par
ceux des compagnies à qui en appartient le négoce
exclufîf.
Enfin, l’Afiê a vu auffi des vaiflèaux de S a in t - \
M a lo dans fes mers , depuis que la compagnie fran- j
çoife des Indes orientales, a cédé aux marchands de j
cette ville , le privilège d’y envoyer, en partageant i
avec eux une partie des retours, fuivant le contrat j
pafle entr’elle & eux.
L e commerce que la ville de S a in t fM a lo entretient
avec l ’Angleterre, occupe chaque année environ
cent bâtiments An g lo is , du port depuis vingt
jufqu’à cent tonneaux. Les ports d’où ils partent,
font Londres, Liane & Yarmouth; Hanton & W ai-
mouth , Exceftre & Plûno-uth ; les ports & les côtes
de Cornouailles & Briftol.
D e Briftol, il vient du charbon de terre 8ç du
plomb : on leur renvoie des toiles, du fayon,dumiel,
& beaucoup d’huiles.
Les ports d$»Cornouailles & de la Manche-Saint-
George , fourniflent de l’étain, du charbon de terre
& quelques barils de hareng blanç. Les Anglois destinent
à ce négoce jufqu’à trente ou quarante bâtiment
de vingt à trente tonneaux. I l leur faut des
toiles de H a lle , Languenau, V itré , Fougère's, Pon-
torfon, Noyalles & de Quintin ; des layons, des huiles
, des vins, des eaux-de-vie , des peaux de veaux
& de chèvres en p o i l , du miel, des plumes & de la
volaille.
A Exceftre & à Plimouth , il faut, les mêmes
marehandifes qu’en Cornouailles. I l en vient année
commune, pour cinquante ou foixante mille
écus dp ferges, revêches, ratines & quelques draps
fins.
I l faut auffi à Hanton & à W àitnouth, de pareilles
marehandifes que cejles qui font propres pour le s .
côtes .de Cornouailles. Les cargaifons font en dra- ■
peries groffières ., comme limeftres, poulies , cre-j
zeaux, mignonettes & çotons, environ pour deux
cent mille livres,.
Linné & Yarmouth donnent du plomb, du charr
jbon. de terré, de la graine de lin , des harengs forets, j
Ils reçoivent des vins, des eaux-de-vie & des toiles : I
ce commerce entretient quatre yaiffeauç de quarante
â foixantç tqnneaux.
Enfin, à Londres, on charge beaucoup de plomb,
de la couperofe, de la noix de galle, & pour environ
vingt mille écus de grofles draperies, peneftons,
frifes & crezeaux. On y envoie des toiles de La va l,
de Rouen, de Quintin, de Ha lle, de V itré , de Pon-
torfon & d eN o y a le s , avec du favon , de l ’huile 5c
du vin de Bordeaux. Ce commerce fe fait avec vingt
ou vingt-cinq vaiflèaux, depuis vingt tonneaux ju f qu’à
cent.
Saint-Malo ne fait- pas avec les Hollandois un
négoce fi confidérable qu’avec les Anglois ; les bâ-
timens de Hollande,- qui y viennent chaque année,
n’allant guères qu’à ving-cinq ou trente navires.
Leur chargement confifte en planches de Sapin, en
mâts, en cordages , en chanvres,, en gmidron , en
huile 3c fanons de baleine, en fromages , en harengs
& en épiceries,
Les cargaifons de retour fe font de m ie l, dé
favons 5c d huile de Gènes & de P rovence, que les
Hollandois emportent quelquefois pour leur compte
, mais que le plus fouvent les Malounis chargent
à fret fur leurs vaiffeaux , pour les envoyer çn
Hollande.
L e commerce en Efpagne eft très-riche & le plus
confidérable que faffent les Malouins avec leurs propres
vaiffeaux. Le nombre qu’ils y en envoyent, n’eft
pas certain , dépendant du befoin que l’Efpagne ou
les Indes peuvent avoir des marehandifes de France ;
cependant ils n’y employent pour l ’ordinaire que ju f
I qu’à quinze frégates.
L e temps du départ de ces vaiflèaux, fè régie
par les avis que les négocions reçoivent de celui
des gallions & de la flotte pour l ’Amérique E s pagnole,
Les marehandifes dont on fait le chargement,
font des toiles de toutes fortes, des caftors, des fatins
de Lyon 8c de T ours , des étoffes d’or & d’argent, des
étoffes de laine d’Amieqs, de Reims & autres fabriques
du royaume- ; en un mot, ces cargaifons font
proprement comme la décharge de toutes les manu-*
factures de France, de toutes efpèces.
Les retours font compofés , pour la plus grande
partie , d’or & d’argent ; il y a auffi des cu irs, de la
cochenille, de l’in a igo , du bois de camppche , &
des laines du pays. Ces retours n’arrivent ordinairement
à S a in t-M a lo , qu’après dix-hujçjnqis ou deux
ans, à compter du départ des cargaifons que les Malouins
ont envoyé à Cadix. Il eft certain qu’ils font
toujours extrêmement riches, n’allant guères au-def-
fous de fix àfept millions , 8c y en ayant eu qui ont
quelquefois n>onté jufqu’à douze. .
Après le commerce d’Efpagne, la pêche de la morue
eft un des plus confidérabjes que faffent les marchands
de Sain t Malo,
L a pêçhç du Chapeau-rouge occupe quinze à vingt
vaiffeaux ,. depuis çent jufqu’à trois cent tonneaux ;
celle du petit nord, environ quarante ou cinquante-;
& celle d’n grand banc beaucoup moins que les deux
autres,
Les vaiffçaux pour Ja pêche çhapean-tongo
partent de Saint-M alo dans le mois de février , &
y entrent dans les mois de décembre & de novembre.
Ceux pour le petit nord ,fortent au mois d’avril, poür
être dans le mois de juin au lieu de leur pêche; &
ceux pour le grand banc font environ fix mois dafis
leur voyage , la pêche fe faifant depuis le mois de
mars jufqu’en juillet.
On peut voir ce qu’on a dit ci-deffus , de la pêche
des morues que font les vaiffeaux Nantois ; de
la deftination & de la vente de leur poiffon, & de
tout ce qui concerne ce commerce, n y ayant gue-
res de différence entre celui de Saint-M alo 8c de
Nantes.-
On ne dira rien ici du commerce des Interlopes
Malouins fur les côtes de l’Afrique , ni de celui
qu’ils font eh cette qualité, dans les ports de 1 Amérique
Efpagnole , fitués fur la mer du Sud ; parce
qu outre que depuis la paix d’Utrècht, ce dernier
eft devenu un commercé de .contrebande fur peine
de la v ie , on parle ailleurs amplement de l’an &
de l’autre.
On fe difpenfera auffi de parler des vaiffeaux que
les marchands de Saint-M alo ont commencé à envoyer
en Orien t, depuis la celfion que la compagnie
françoife des Indes orientales leur a faite de fon
privilège ; premièrement, parce que cette compagnie
ayant été unie à celle d’O ccidept, les Malouins. font
entrés dans l’interdi&ion générale de ce commerce,
comme les autres fujets du roi ; & en fécond lieu ,
parce qu’on^n a fait mention en un autre endroit de
ce Dictionnaire.
On ajoutera feulement à ce qu’on avoit à dire du
commerce de S a in t -M a lo , que cette ville en fait
ftun confidérable avec celle de Nantes, pendant la
• guerre , par lesprifes que fes armateurs y amènent;
& pendant la p a ix , par les retours de plufieurs bâ-
timens de Saint-Malo qui vont à la pêche de la
morue, qui ayant été vendre leur poiffon dans le
détroit, ou en Italie, viennent décharger à Nantes
les marehandifes qu’ils ont eues en échange , comme
des aluns de R ome, des huiles de Gènes, du café ,
du fromage de Parmefan, des drogues du Levant,
du vin , des favons , des fou des d’Alicante, des
vins & des raifihs de Malgué, des favons, du foufre '
& autres marehandifes d’Efpagne , d’ Italie & de
Provence.
Ce font auffi ces mêmes marehandifes dont les
vaiffeaux Malouins font des retours an Havre, d’od
elles font envoyées à Rouen & à Paris.
C o m m e r c e d e V t r é .
L a ville de V itr é fituée dans l’évêché de Rennes,
avoifîne les provinces de Normandie, du Maine &
d’Anjou , de trois, de quatre, & de fept lieues ; ce
qui favôrife avec elles un affez bon commerce.
Il n’y a point néanmoins dans cette ville , ni dans
fon territoire de commerce & de manufactures réglées
, les habitans y étant indifféremment de tout
métier fans diftinCtion.
Les fergiers font des ferges de fil-& de groffes
laines du pays, depuis douze jufqu’à vingt fols l’aune;
( ce qui s’entend, auffi-bien que tous les prix dont
on parlera dans la fuite, fur le pied qu’étoit l’argent
lorlque l’écu courant valoit foixante fols. ) Ils font
auifi des étamines depuis quinze jufqu’à trente fols
l’aune, qui fe débitent en détail & fe confommént
dans le pays.
Les tifferans réfîdans dans la ville & les faux-
bourgs , ne font que dé grofles toiles, des lins &
des .chanvres du pays pour l’ufage des habitans, fans
qu’il en fo^te pour vendre ailleurs.
Toutes lès femmes & les filles s’occupent à faire
des bas, des chauffons & des gants de fil blanc, mais
moins de Ces derniers que des deux autres fortes.
L e fil dont ils fe fabriquent, s’appelle fild eF o r è^
Il s’achete à Rennes où il eft apporté de Quintin &
de quelques autres lieux de bafle-Bretagne : fon prix
eft depuis douze jufqu’à vingt-quatre fols la livre.
L a deftination de ces ouvrages , outre la confom-
mation du pays & quelques 'envois.qui s’en font
pour Paris & les provinces du royaume , eft pour
l’Efpagne & les Indes occidentales, particulièrement
les bas. I l en for t, année commune , environ
pour vingt-cinq mille francs.
Les gants de fil font depuis dix jufqu’à foixante..
fols la paire. Les plus beaux bas avec le pied entier,
qu’on appelle chauffette, ne paffent pas quarante
fols ; ceux à demi-pied, trente lois ; & ceux à étrier ,
vingt-cinq fols : la plus belle paire de chauffons ne
■ va qu’à dix fols.
Cette fabrique occupe quantité d’ouvrières, mais
ne les enrichit guères, les plus habiles & les plus
Iaborieufès de celles qui y travaillent, ne pouvant
gagner au plus que cinq fols par jour, & les autres
communément trois fols.
• Ceux qui font faire de ces ouvrages pour les
envoyer à-Saint-Malo, à Paris ou ailleurs dans le
royaume , ont deux pour cent de commiffion. Les
groffiers de la -ville qui font ce négoce, poux leur
compte, peuvent gagner dix pour çent par an ; &
s’ils veulent rifqùer de les envoyer à l ’étranger, leur
gain peut aller à quinze pour cent-.
Cette fabrique des ouvrages de fil au tricot, eft
proprement la feule manufacture qui 'foie établie
dans V itr é 8c fes fauxbèurgs ; car pour les toiles
qu’on appelle toiles de Vitré\ dont il fe fait un fi
grand commerce au dehors, il ne s’y en fabrique
aucunes, & elles viennent toutes de trente paroiffes
qui font à trois lieues aux environs de cette ville.
* Ces toiles font propres à faire de petites & me-
unes voiles de navires, on des emballages de mar-
chandifes : la plupart s’envoient -en Angleterre ,
pour l’ufage des Colonies Angloifes ; le -refte eft
deftiné pour l’Efpagne. Elles fe vendent en écru,
& y demeurent toujours. Leur largeur eft d’une aune,
quelquefois plus , quelquefois moins-, l a longueur
de quatre-vingt aunes.
Il y avoit autrefois à Vicréâes marchands en gros
qui les achetoient furies paroiffes, & qui en tenoient
magafins, pour les envoyer de-là à .Saint-Malo , à