
précautions indifpenfables pour le maintien de l’ordre
dans la fociété.
i ° . I l paroît'que pour accorder les intérêts précieux
de la liberté, avec les réglemens d’une fage
p o l i c e , il fuffit de rappeller les communautés à
a leur état primitif. Qu’étoient-elles dans l’origine î
D e (impies agrégations fans attributions de privilège
, dans lefqu elles tout citoyen avoit droit d’eil-
trer. On a vu comment la fuccefïïon des temps avoit
dénaturé ces établiffemens, & introduit une foule
d’abus dont nous avons développé les caufes & les
progrès. On peut rendre aujourd’hui ces fortes d’ag-
grégations encore plus (impies qu’elles n’étoient à
leur naîffance , 8c ne laiffer fubüfter d’autres liens
entre les ouvriers d’une même profeffion, que ceux
qui uniffbient , dans les gouyernemens anciens, les
citoyens d’une même tribu. Les marchands & arti-
fàns ne doivent être affujettis qu’à un (impie enre-
giftrement, lors duquel ils déclareront leur nom 8c
leur é ta t , pour être inferits fur un rôle public. Cette
infeription doit fe faire au greffe de la jurifdi&ion à
qui appartient la police de la ville où ils s’établif-
fen t, (ans qu’il y ait ni ferment, ni réception judiciaire
; de la manière déjà preferite par les arrêts
du con leil, qui ont été rendus pour fervir de règlement
aux communautés qui ne font point en
jurande, l i leur fera enfuite délivré une expédition
de cet enregiflremenc, qui ne fera fujet à aucuns
droits. Cette formalité fera la feule nécellàire pour
affurer'a chacun le libre exercice de fon état, &
la faculté accordée à tous les citoyens de fe faire
inferire pour tel art ou profeffion qu’ils voudront
choifir, introduira une pleine & entière concurrence.
z°. Il doit être permis , par une difpofîtion ex-
preffe de la loi , de réunir & de cumuler plufîeurs
arts & métiers. Autrement, ce feroit laifler fubfîfter
les dividons des corps & communautés', & par
conlêquertt les privilèges exclufifs. Si le marchand
drapier ne peut vendre que du drap, il faut qu’il
ait le droit d’empêcher que tout autre en vende que
lui. Il ne fuffit donc pas que chacun ait la liberté
de fe faire enregiftrer pour telle forte d’art ou négoce
qu’il voudra choifir j il faut encore qu’il puiffe
n’être étranger dans aucune profeffion, & réunir
toutes celles qu’il croira devoir embraffer. Ce n’eft
pas même à la puiflànce publique qu’il appartient
de le déterminer dans fon choix ^ en fixant les réunions
par des réglemens , ou en : ne les permettant
que pour un certain nombre de métiers analogues.
L ’ intérêt de l’ouvrier ou du trafiquant doit
être fon unique lo i , & cet intérêt né fera jamais
a v eu g lé , au moins ne fera - t - il jamais dangereux
pour la fociété dans l’état de liberté & de concurrence.
Ce feroit donc prendre un foin , bien inutile , ;
eu plutôt tr&-nusfible, que de prononcer par la
loi des réunions & incorporations de tous les métiers
qui ont entr’eux quelque affinité. Il faut que
le choix des réunions doit abandonné aux ouvriers
eux-mêmes. A mefure que le s . facultés du marchand
& de l’artifan s’étendront, il étendra Tes fra-*
vaux & fon commerce en fe faifant enregiftrer pou*
une nouvelle profeffion.
3^ Plus d’apprentiffage , plus de cômpagnonage,
aucun chef d’oeü'vrè , ni formalité de réception. On
doit être convaincu de l’ inutilité de ces preuves.
L ’-apprentifïàge n’en fubfifteua pas moins de fait.
Les ouvriers feront euxrtnêmes intéreffés à en former
d’autres, dont ils tireront des fecours utiles en
les faifant travailler pour leur compte ; le nombre
.de leurs adjoints ne doit point être borné , pas plus
que celui de leurs outils ou métiers. Des que ces
apprentifs fe fentiront en état d’entrer en. concurrence
avec leur maître, ils fe feront enregiftrer
comme lui $ l ’ouvrier habile ne fè verra pas con^
damné aux mêmes épreuves que l’ouvrier inepte r
à qui il faut cinq ou fix' ans d’apprentiffage. II
jouira de la fuperiorité de fon travail & de fon
induftrie. Celui qui aura la témérité d’entreprendre
le métier avant de le fçavoir ; en fera puni- pas
l’indigence ; de pareils exemples feront rares.
4°. Nulle diftindUon entre les François & les
étrangers ; liberté entière au Suiffe, à l’ÂHemand 8c
à tout autre, de venir fe faire enregiftrer & fe confondre
avec les nationaux. L e ’’commerce 8c l’in»
duftrie n’ont point de patrie. L ’état n’a d’autre
intérêt que de multiplier les travaux, de détruire
le monopole & d’entretenir l’émulation en favori-
fànt toute efpèce de concurrence. Combien, d’étrangers
qui viendroient apporter en France leurs talens
& leur induftrie » & qui n’en font détournés- que
par notre police réglementaire i
. 5°. Faculté aux ouvriers outrafiquans d’ une ville-,
de fe tranfporter dans une autre pour y fixer leui
domicile, fans autre formalité que de le faire enregiftrer
au greffe de la jurifli&ion , ayant la police
dans le lieu où ils voudront s’établir. S’il n’y a
point de juftice dans le lieu , l ’infcription fe fera
au fîége le plus prochain.
6°. Ce feroit renoncer aux avantages du projet
propofé, & retomber dans tous les abus des y « -
randes, que de permettre aux agens d’une même
profeffion d’avoir entr’ eux aucun point de ralliement
j il fout les tenir ifolés 8c indépendans ; ni
affemblées de co rps , ni confrérie , ni fyndicat.
L ’affociation formée fous les yeux de la police ,
ne doit exifter que pour la police. Elle ne formera
plus corps, elle n’aura plus ni biens propres à ad-
mmîftrer,ni intérêts particuliers à défendre; elle
n’aura donc pas befoin de repréfentans. L a loi doit
porter une défenfe expreffe & générale à tous les
membres d’une même aggrégation de s’affembler
entr’eux , ni d’élire.des gardes ou jurés.. Si les prof
ilio n s de commerce , arts & métiers ont des chefs,
;ceùx-çi:, s’attribueront bientôt des ciiftinétions , des
droits, une infpeâion qu’il faudra payer. Ce feront
des. falariés aux dépens de la. corporation. De-la
les epeifations des membres ; de-là l’efprit de corps,
la féparation des arts & métiers, les prétentions
çiçfefiyes , les querelles & bientôt les procès j, euh»
le retour des jurandes , 8c la ruine de la liberté.
Nous retomberons bientôt fous le joug odieux du
monopole, à moins que la lo i , par les difpofîtions
les plus impérieufes, ne mette tous les agens du
commerce & de l’induftrie dans l’impuiffance ab-
folue de fe divifer pour fe réunir & former des
corps féparés. < ,
7°. En vain la fuppreffion des jurandes feroit
luire fur la France l’aurore de la liberté , (I fes
rayons bienfaifans ne pouvoient s’étendre jufques
fur nos manufactures. Dans plufîeurs villes 8c provinces
elles font en jurande. A mefure que les
fab ri quans d’une même efpèce fe font multiplies,,
ils ont formé entr’ eux corps & communauté. Mais
il y a encore dans le royaume plufîeurs fabriques-
qui font uniques, ou en très petit nombre, Ç eft
le feul défaut d e . .concurrence qui a arrêté leur,
multiplication. L a même. lo i qui fuppritnera les'
corps de ju ran d e , doit éteindre ces privilèges particuliers.
En fuppofanc même que le gouvernement
fut déterminé , par des motifs puiflants, a admettre
des exceptions toujours dangereufes, il n en feroit
pas moins important de prononcer une p.rofcrip-
tion générale, à laquelle le prince fe réferveroit
ae déroger , félon l’exigeuce des ca s , & par une
lo i particulière & connue. '... m r .
Telle s font les principales difpofitions donc le
concours paroît neceffaire pour opérer efficacement
le retour de la liberté générale. Ce qui peut manquer
au projet fera facilement fuppleé par la fa-
gèffe du gouvernement, 8c par la prudence éclairée
des magiftrats. Après avoir tracéla manière deprocéder
a la fuppreffiqn totale des jurandes , il né
royaume a i o millions. Il faudroit fans doute avoir
fous les yeux les états de toutes les villes & de
toutes les généralités , pour garantir la jufteffe de
cette eftimation. D’après ceux dont on a pu avoir
ïa connoiffance , on peut affurer que lle ne s’éloigne
refte plus qu’à prévenir quelques. objections^, & a
indiquer les moyens d’écarter les ôbftacles qui pourr
loient fe rencontrer dans l ’exécution.
C h a p i t r e X.
D u paiement des dettes des communautés.
L e premier. & le plus grand obftacle à la fuppreffion
des jurandes , ce font les dettes des communautés.
L ’objet doit en être immenfe , 8c leur
maffe s’augmente tous les jours , malgré la rigueur
des loix qui défendent à tous les corps de
èonrraéter de nouveaux engagements. On a déjà
vu quelle étoit la fource de ces dettes ; elles proviennent
i° . des emprunts que les communautés
ont été obligées de faire pour acquérir les -offices
créés depuis l é p i , & pour payer les impofîtions
auxquelles elles ont été' affujetties dans les befoins
preffants de l’ état ; i ° . de la mauvaife adminidra-
tion de tous ces corps , qui font livrés a la rapine ,
& qui dans leurs moindres entreprifes dépenfent
toujours le double de ce qu’il en coûteroit a un
particulier. L ’expérience prouve que ce qu’elles ont
jencore fe moins à redouter de leurs adminiftra-
teurs,, ç*eft l’incapacité 8c la négligence.
Ou peut évaluer les dettes des communautés du
pas beaucoup de la vérité. Les communautés
feules de la ville de Paris doivent en capitaux de
rentes près dp y millions. Celles de Lyon doivent
plus,de 14 cent mille livres , celles de Rouen plus •
de huit cent mille livres ; les dettes des^ corps &
communautés de la généralité de Montpellier, montent,
félon les états qu’ils ont eux-mêmes drefles, £
990,71z 1. ; il en eft de mênie dés autres généra^
lices, du royaume. I l n’y a prefque pas de çom^
muhaûté, jufques dans lés 'plus petites villes , qu. -
n’ ait fait dés emprunts èn rentes viagères & confti-
tuëes : v.§>ila.. fans äöute une charge enorme qu il
faut acquitter ,. fi l’bn fe détermine a la fupprefüoa
des jurandes: ‘C’eft ce qui a toujours' arrêté l’exécution
d’un projet dont on reconnoît d’ailleurs tous
les avantagés.'.
Mais en fuppofant qu’on laifllt fubfifter les corps
& communautés ,. feroit-il moins néceffaire de
pourvoir au remboùrfernem dé leurs dettes ? P eut-
être dira-t-on qu’ï f fuffit: d’affûter ,1e paiement des
a r r ê ta g e sq u e rien m’obligé d’éteindre les capitaux,
' C e '1 p arti1 féroit en 'effet le ;plùs; fimplè , fi le«
communautés : avô'iënr des revenus affez étendus
pour fuffire à la charge des intérêts. Il ne s’agiroir’
plus que de prendre des mefures pour que ces rêvé-'
mis ne puffént à l’avenir être diftraits à d’autres era-, 1
plois & confôrhmés ën ' dépenfes inutiles. I l eft Vrai
que depuis tant: d’années que l’on travaille à cette
reformé générale , on a eu le temps de fe convaincre
que l’entreprife étoit chimérique. Mais, d’ailleurs
, il eft notoire que les revenus des communautés
ne peuvent nullement fournir au paiement
des arrérages des rentes; qu’ils fuffifent à peine aux
frais de régie. Leurs biens confident en maifons &
en rentés. A l’égard des maifons, elles leur fervent
de bureau, & fi elles en tirent au-delà quelques,
loyers, Ils font abforbés le plus fouvent par les réparations.
A l’égard des rentes, elles payent tout
au plus les dépenfes cafuelles : au moins en eft-il
ainfî de la plupart des communautés. S’il y en a
quelques-unes dont les fonds foient plus confide-
; tables, elles font en très-petit nombre. Audi de-
! mandent-elles , fans ceffe , des augmentations dé
i droits fur les marchandifes , que l'on eft forcé
j d’accorder à leurs befoins , ou la permiffion de
s’impofer elies-mêmes & d’affujéttir leurs membres
"a de nouvelles furcharges , qui excédent toujours
les intérêts qu’elles ont à payer. Depuis foixante ans
que les communautés emploient ces reffources rui-
neùfes pour fâtisfaire à leurs dettes , Je commercé
& l’induftrie en ont payé plus de dix fois le capital.
On n’aura pas de peine à le croire , fi l’on fe rappelle
ce que nous avons établi dans le chapitre 8,
que l’impôt annuel en droits de maîtrife , de ju rande
, &c. étoit au moins de n millions. I l eft
1 ’ F f f f f i j