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fujette'au changement. Si elleeft la fubftance de Dieu,"
■ la fubftance de Dieu eft coruptible & fujette à-l’erreur :
ce qu’il n’eft pas permis de dire. Vous dites donc, reprit
Fortunat, que l’ame n’eft pas de Dieu, tant qu’elle eft
■ “ • fujette au pcche & à l’erreur. S. Auguftin répondit : J’ai
dit que l’ame n’eft pas la fubftance de Dieu , mais que
Dieu en eft l’auteur. Autre chofe eft celui .qui a fait,
autre choie ce qu’il fait. Son ouvrage ne peut lui eftre
égal. Fortunat dit : Puifque vous dites , que l’ame eft
faite, & qu’il n’y a rien hors de Dieu : je demande, où
il a pris la fubftance de l’ame ? S. Auguftin dit ¡Souvenez
vous, que vous avoüez comme moi que Dieu eft
tout-puifïànt. Or il ne le feroit pas s’ilavoitbeioinde
'• matière, pour faire ce qu’il veut; Aufli cro'ions-nous,
qu’il a tout fait de rien. Fortunat objeéia la contrariété
, Lj qui paroît dans le monde , entre les tenebres & ,la lumière
, la vérité & le menfonge,la mort & la vie, l’ame
& le corps : d’où il conclud : qu’il y a deux fubftances
dans le monde, l’une du corps, l’autre de Dieu. S. Auguftin
dit : Ces contrarietez qui vous frappent, viennent
de notre péché; Car Dieu a tout fait bon , mais il n’a
1 point fait le péché, qui eft le feul mal : ou plûtôt il y a
deux maux , 1e péché & la peine du péché. Le péché n’a-
partient pointa Dieu: la peine vient de lui, paroe qu’il
eftjufte. Car il a donné le libre arbitre à l’ame raifbn-
nable, qui eft dans l’homme : afin que nous puiiïions
mériter étant bons par vo lon té , non par neceffité. Il
avoit tout ibûmis à cette ame, pourvû qu’elle fè fournît
elle-même à lui. Si elle ne le vouloit pas, tout ce qui
luiauroitdû eftre foûmis, devoit tourner à fà peine.
Enfuite Fortunat ayant rapporté un grand paflage de
S. Paul, S. Auguftin en prit occafion de le prefïêrainfl
'*•,7‘ fur le libre arbitre : L ’amc à qui Dieu promet le pardon
L i v r e d i x - n e 'u v i e ’ m t i ¿ 2 7
de íes pechez, fi elle en fait penitence, pourroit lui répondre
ainfi fuivant votre créance : Q u ’ai-je mérité ?
Pourquoi m’avez-vous chafTé de votre royaume, afin
de combattre contre je nefçai quelle nation? Vous fça-
vez la neceffité qui m’a prefle, & que je n’ai point eu
de liberté. Pourquoi m’imputez-vous les bleflfures ,
dont vous êtes la caufè ? Si je fuis une partie de vous-
même , je ne devois rien fouffrir dans cette nation de
tenebres. Mais puifqu’elle ne pouvoit eftre corrigée
que par ma corruption : comment dit - on que je fuis
une partie de vous, ou que vous eftes incorruptible, ou
que vous n’eftes pas cruel, de m’avoir fait fouffrir pour
votre royaume, à qui cette nation de tenebres ne pouvoit
nuire ? & comme on continuoit d’examiner des
paflages de S. Paul, quoique l’on fut convenu de difcu-
ter par raifon, la créance des deux principes : les affi-
ftans firent du bruit, chacun commença à parler de fon
côté ; jufques à ce que Fortunat dit : que la parole de
Dieu avoit été liée dans la nation des tenebres. Ce qui
ayant fait horreur aux affiftans on fe fepara.
Le lendemain 011 reprit la conférence. On convint
que Dieu ne peut eftre auteur du mal : Saint Auguftin
infifta fur le libre arbitre , fans lequel il n’y auroit ni
punitionjufte , nimerite. Surquoi Fortunat dit: fi Dieu
donnoit la licence de pecher , que vous appeliez libre
arbitre, il confèntiroit à mon peché, & en feroit l’auteur,
ou ne fçachant pas ce que je devrois eftre , il feroit mal
de me produire indigne de lui. Et enfuite : nous péchons
malgré nous, contrains par une puiiïance contraire &
ennemie : autrement s’il n’y a que l’ame feule mile dans
le corps, à qui Dieu , comme vous dites , a donné le
libre arbitre , elle ne fe rendroit pas fujette au peché.
S.Auguftin répondit: qu’encore que tout ce que Dieu a
A n. Jg2.
X L .
Seconde journée.
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