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ceaux. A Gaze même, trois freres, Eufebe , Neftable
3 1 ‘ & Zenon furent cruellement marryrifez. On les prit
v' c' 5' dans leurs maifons où ils étoient cachez, on les mit en
prifon, on les foüeta. Enfuite le peuple aiïemblé au
théâtre cria que c’étoient des facrileges, qui avoient
abufé de la licence des derniers temps pour ruiner la
religion. Ils s’excitèrent tellement par ces cris, que
l ’aiTemblée fe tourna en fédition. Ils coururent à la
prifon pleins de fureurs , en tirèrent les trois freres, &
commencèrent à les traîner , tantôt fur le ventre , tantôt
fur le dos : les déchirant contre le pavé & les frappant
de pierres, de bâtons & de tout ce qu'ils* rencon-
troient. Les femmes mêmes quittant leurs ouvrages ,
les piquoient de leurs fufeaux : les cuifiniers qui étoient
dans la place prenojent leurs chaudières de deifus le feu
& verfoient fur eux l’eau bouillante , ou les perçoient
de leurs broches. Après les avoir mis en pièces ôc leur
avoir caffe la tête, enforte que la cervelle étoit répandue
par terre, ils les traînèrent hors de la ville au lieu où l ’on
jettoit les bêtés mortes. Ils y allumèrent du feu, les brûlèrent
, & mêlèrent les os qui reftoient avec ceux des
cha meaux & des ânes : en forte qu’il n’étoit pas aifé de
les démêler.
A v ç c les trois freres fut pris un jeune homme nomme
Ncftor, qui fouffric comme eux la prifon & les
foiiets : mais quand on le traîna par la v ille ,- le peuple
en eut pitié à caufe de fa beauté : on le jetta hors
des portes, refpirant encore , mais en apparence prêt à
mourir. Quelques-uns l’enleverent & le portèrent chez
Zenon cou fin des martyrs, où il mourut comme on le
panfoit encore de fes bleiTures. Zenon avoit auffi pen-
fe être pris & tué avec fes parens. Mais tandis que le
peuple étoit occupé à les maffacrer, il trouva l’occafion
L i v r e q u i n z i e ' m e . 4 î
de s enfuir a Anthedon , ville épifcopale entre Gaze & " ------
Afcalon fur la mer à vingt ftades de Gaze, c’eft-à-dire , A N-
a une lieuë. Cette ville n’étoit pas moins idolâtre ; &
comme il fur reconnu pour Chrétien , on le battit de
verges cruellement, & on le chafifa. Il fc retira donc à
Majume & y demeura caché. C etoit l’arfenal de Gaze , s««».t.
dont Conftantin avoit fait une ville féparée , parce X1
qu’elle étoit fort attachée au Chriftianifme : il lui avoit
donné le droit de cité & le nom de Conftantia, ne voulant
pas qu elle fut fujette a Gaze , où l’idolâtrie regnoit-,
Julien par la meme jaifon ôta à Majume tous fes privilèges
, lui rendit fon ancien nom, & la remit fous la dépendance
de Gaze ; ce qui fubfifta pour le gouvernement
temporel. Mais pour le fpirituel, Majume eut toujours
fon évêque particulier, fon clergé, les fêtes de fes martyrs,
la mémoire de fes évêques, & les bornes de fon territoire
diitinguées.
Une femme Chrétienne établie à Gaze , connut par
révélation qu elle devoit retirer les reliques des trois freres,
Eufebe , Neftable & Zenon , & les remettre à l’autre
Zen on, dont Dieu lui fit connoître par la même voie
le vifage & la demeure. Elle alla donc peu de temps
après leur martyre , les recueillir de nuit ; & les ayant
mifes dans un vafe , elle les remit à Zenon , qui les con-
f&rya pour lors dans fa maifon : mais étant devenu évêque
de Majume fous l’empereur Th eod ofe , il les enterra
auprès du confeifeur N e fto r , fous l ’autel d’une
eglife qu il bâtit. Plufieurs autres Chrétiens s’enfuirent
par les villes & les bourgades à l’occafion de cette per- v' h,fl'
fecution , Si de ce nombre furent les ancêtres de l’hif-
torien Sozomene dans le même païs de Gaze. Les ,ha-
bitans de Gaze craignoient d’être punis de cette fédi- Gr,g. n«.
tion ; & l’on difoit déjà que l’empereur irrité, vouloit p’ 9l,D-
Tome IV , ~ p
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