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[. i¡6. a. s emporta jufques a dire : Cela ferait capable de nié
faire renoncer à la foi & fàcrifieraux démons. C’étoit te
fujet ordinaire des railleries dans la place publique , 8c
dans tous les lieux ou s aflembloient les gens oijfifs. L’un
diioit : J ai été le premier qui ai mis la main fur un tel
moine, & je l airoüe de coups. L’autre r J’ai découvert
la retraite d un tel. L autre ; J ai bien échauffé le juge
contre lui. L autre fe vantoit de l’avoir traîné par
la place , & mis au fond d’une priibn. Là-defïus les
». a®^-ans s eclatoient de rire. Les Chrétiens en ufbient
ainfi ; &lespayensfèmoquoient des uns & des autres.
S. Jean Chryioftome entreprit de defàbufer le monde
fur ce fujet, non pour l’intereft des moines qui mettoient
leur gloire dans fes iouffrances ; mais pôur l’iiitereft de
leurs calomniateurs. Dans le premier livre il fait voir
l ’utilité de la vie monaftique , & la néceffité de la retraite
, par la corruption qui regnoit déilors, même parmi
les Chrétiens, principalement dans les grandes villes.
Dans le fécond, il s’adrefïe à un pere payen, qu’il fup-
pofè outre de douleur, de ce que ion fils a embraffé la
vie monaftique. Illuimontrequec’eftla véritable phi>-
lofophie : que par le mépris des richeflès , de la gloire
& de la puifïànce temporelle , un moine eft le plus riche
, le plus libre , le plus puiflânt, le plus honoré de
tous les hommes , le plus propre à confbler ion pere.
Pour montrer le pouvoir des moines, il dit ces paroles
ui.i. ». j* remarquables : Perfuadons à vôtre fils de prier quelqu
un des plus riches entre les perfonnes pieufès , de
lui envoyer telle quantité d’or que vous voudrez ou
plutôt de la donner a un tel pauvre : vous verrez le
riche lui obéir plus promptement, que ne vous obéï-
roit un de vos économes. Et quand celui-ci deviendroit
pauvre , votre fils l’ordonneroit à un autre, & enfuite
L i v r e d i x - n e u v i e ’ me. '
à un autre. Il conclut par cette hiftoire : J’ai eu un ami
fils d’un payen, riche, eftimé, confiderable en toutes maniérés.
Le pere d’abord anima contre lui les magiftrats,
le menaça de prifon, le dépoüilla de tou t, & le laiffa dans
un pais étranger, manquant même de la nourriture ne-
ceffàire. Il efperoit par là le réduire à une vie plus fup-
portable. Mais le voyant invincible, il s’eft laifle vaincre
lui-même : il le refpeéte maintenant plus, que fi ce fils
étoit fon pere ; & bien qu’il ait plufieurs autres enfans
eftimez dans le monde, il dit qu’ils ne font pas dignes
d’être les eiclaves de celui-ci.
Le troifiéme livre eftadrefte à un pere Chrétien , &
leiaint y décrit plus au long l’excellence de la vie mo- e ^
naftique. Il y dit hardiment que l’on voit auffi peu de
moines fè relâcher , que l’on voit peu d’hommes réüfïir
dans les études; & que ce qui renverfe tout le monde,
c’eft que l’on croit que la pratique exaéfe de I’évangi- t‘ 1I,u 430, •
le j ne regarde que les moines , & qu’if eft permis aux
autres de vivre négligemment. Il y rapporte une hifi- »• 1®.
toire remarquable d’un moine , qui à la perfuafion
d’une mere vertueufè, voulut bien être le précepteur de
fon fils. Il le tira de la maifon paternelle, & le mena dans
une autre v ille , fous prétexte d’étudier les lettres grecques
& latines. Là ce jeune homme vivoit à l’exterieur
comme les autres : il n’y avoir rien de farouche, ni de dur
dans les maniérés, rien de fingulier dans fon habit, fon
regard, le ton de ià voix : mais chez lui on l’eût pris
pour un folitaire des montagnes. Sa maifon étoit
réglée , fuivant l’exaétitude des monafteres, n’ayant
rien au delà du neçeflaire. Comme il avoit l’efprit
pénétrant, une petite partie de la journée , lui fuffifoit
pour l’étude des lettres humaines ; & il donnoit tout
le refte à la pfiere continuelle, ôc à la lecture des livres
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