
z io H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q j j e .
dit-elle , je 1 ai oüi dire ; ôc c’eft pour cela même que je
me preffe, craignant de manquer Toccafion de fouffrir
le martyre. Mais pourquoi mene-tu cet enfant, dit le
préfet ? Afin f dit-elle, q u il ait part à la même gloire.
Modefte étonné du courage de cette femme , retourna
au palais, & en aïant entretenu l’empereur, lui perfuada
d’abandonner une entreprife,dont le fuccès feroit honteux
& malheureux.
Valens réfolutdonc d’épargner le peuple,& ordonna
au préfet Modefte de prendre les prêtres ôc les diacres,
ôc de leur perfuader , ou de communiquer avec l’é v i-
que Arien, ou les chaffer de la ville,, ôc les envoïer aux
extrêmitez de l’empire. Modefte les aïant tous affem-
b le z , effara de les periuader, en difant : qu’il falloit être
infenfé pour vouloir réiîfter à un fi grand prince. Comme
ils demeuroient tous en filence, le préfet s’adreffa
au prêtre Euloge , qui étoit leur c h e f, ôc lui demanda
pourquoi il ne répondoit point. Euloge dit : Vous ne
m’avez rien demandé. Tou te fois, dit le p ré fe t, il y a
long-temps que je Vous parle. Euloge dit : Vous parliez à
tout le monde. Si vous m’interrogez en particulier , je
vôus dirai ma penfée. Et bien donc, dit le préfet,communiquez
avec l’empereur. Euloge répondit:Eft-ce que
l’empereur a reçu le facerdoce avec l’empire ? Le préfet
picquéde cette réponfe , reprit : Je ne dis pas ce la ,
impertinent,je vous exhorte à communiquer avec ceüx
avec qui 1 empereur communique. Nous avons un paf-
teur, dit Euloge , ôc nous fuivons fes ordres. Alors le
préfet les envoïa en Thrace au nombre de quatre vingt.
Les grands honneurs qu’ils rcçûrent pendant ce
voïage , exciterent la jaloufie de leurs ennemis. Car les
villes ôc les bourgades venoient au devant d’eux les féliciter
fur leur y iiloire. Valens en aïant reçu des plainte
s , les fit féparer deux à deux , prenant foin de ne pas
laiffer enfemble ceux qui étoient parens. Les uns conti-
nuerentde marcher enThrace, d’autres furent envoïez
aux extrêmitez de l’Arabie , d’autres difperfez dans les
petites villes deThébaïde. Euloge Ôc Protogene furent
envoïez à celle qui portoit le nom d’Antinoüs. C e - s«.v i. r. 53.34.
toient les deux premiers du clergé d’Edeffe , qui avoient
long-temps pratiqué la vie monaftique, Ôc fait de grands
progrès dans la vertu. Ils trouvèrent que Tévêque d’A n tinoüs
étoit catholique , ôc aflïfterent à fes affemblées.
Mais voïant qu’elles étoient peu nombreufes, & que la
plupart des habitans étoient païens,ils s’appliquèrent à
les convertir. Euloge s’enferma dans une cellule , où il
prioit jour ôc nuit. Protogene inftruit dans les faintes
lettres, & exercé à écrire en notes, aïant trouvé un lieu
commode,y établit une école:oùilmontroitaux enfans
cette maniéré d’écrire,& leur faifoit apprendre les pfeau-
mes de D avid, ôc les paffages du nouveau teftament les
plus convenables. Un de ces enfans étant tombé malade,
Protogene alla dans lamaifon,le pritpar lamain,&
le guérit par fa priere. Les peres des autres enfans l’aïant
appris,le menoient dans leurs maifons,& le prioient de
fecourir leurs malades:maisil refufoitdeprierpoureux,
jufqu’à ce qu’ils fuffent baptifezj ôc le defir de la guéri-
fon les y faifoit confentir. Si quelqu’un fe con vertilloit
en fanté, il le menoit à Euloge, frappoit à fa porte, ôc
le prioit de lui donner le baptême. Euloge fouffroit avec
peine que l’on interrompît fa priere : mais Protogene
lui reprefentoit que rien n’eft préférable aufalut des
hommes. Tout lemondes’étonnoitde voir un homme^
qui fçavoit fi bien inftruire, ôc qui faifoit de tels miracles,
ceder a un autre l’honneur d’adminiftrer le baptême.
On concluoit que la vertu d’Euloge étoit encore plus
D d ij