
3 S8 H i s t o i -r e E c c l e s i a s t i q u e .
Une autre fois, apparemment avant l’arrivée de l’empereur
, il fut attaqué à coups de pierres jufques dans
l’églifè, au milieu desfaints myfteres, qui furent troublez;
& cette infulte lui fut faite par des vierges, des
moines &des pauvres, du parti des Ariens. Voici comme
il en écrivit à Théodore, depuis évêque deTyane,
qui en étoit fenfiblement touché : Votre reflentiment
eft bien fondé ; mais peut-être vaut-il mieux montrer
un exemple de patience ; car la plupart des gens ne font
point touchez des difcours comme des actions. Il eft
bon de faire punir les coupables, pourlacorreétion des
autres ; mais il eft meilleur & plus divin defouffrir: l’un
retient les méchans, l’autre les convertit. Embraiîons
cette occafion de les vaincre par la clemence , & de les
ramener à la vraie religion , plutôt par le reproche de
leur confidence , que par la crainte de notre reifenti-
ment. Ne nous laiflbns pas furprendre au démon, qui
nous voudroit faire perdre promptement cette grande
oeùvre.
L ’empereur avoit mis S. Grégoire en polTeffion de la
maifon épilcopale , & des revenus de l’églife de C. P.
qui avoit la réputation d’être très-riche, par les libera-
litez , que tout ce qu’il y avoit de plus grands dans le
monde lui avoient faites, depuis le tems de fa fondation,
Elle avoit dans iès treibrs quantité de vafes & de
meubles précieux, & de grands revenus de tous côtez.
Saint Grégoire n’en trouva aucun compte dans les papiers
de fes prédeceiïeurs ; & les receveurs qui en avoient
la charge , ne purent l’en inftruire , tant la diffipation
avoit été grande fous les prélats Ariens. Onluiconfeil-
loit de prendre quelque laïque pour en faire la recherch
e ,& d e s ’y appliquer avec ardeur; mais il n’en voulut
rien faire , perfuadé que chacun ne rendra compte à
L i v r e d i x - s e p t i e ’me. 38 9
Dieu, que de ce qu’il aura reçu, & non de ce qu’il au-
roit été jufte qu’il reçût. Il regardoit comme une honte
pour la religion, qu’un étranger prît foin des affaires de
l’églife : il iavoit bien que les gens intereffez blâmeroient
fa conduite ; mais il étoit perfuadé qu’elle feroit approuvée
des gens de bien, parce qu’encore que l’avarice foit
mauvaife en tout le monde , elle eft encore beaucoup
plus odieuiè dans les eccleiîaftiques, & deilors on n’en
voyoit que trop les furteftes fuites. C’eft ainfi qu’il s’en
explique lui-même. Il vivoit toujours fort retiré, tandis
que les autres faifoient leur cour affidûment aux perfon-
nes puifïàntes, particulièrement aux eunuques de la
chambre, & employoient mille artifices pour s’infinuer
dans le palais. Pour lu i, ce n’étoit que par la neçieffité
qu’il voyoit les grands, quand la charité l’obligeoit à
leur demander quelque grâce ; & lorfqu’il mangeoit à
la table de l’empereur , fon humeur libre ne fouffroit
pas peu <ie la contrainte que le reipeit attire en ces oc-
cafions.
Cartn. i.p, t j .
Carm. io.p.%9,
•D.
C cc üj