
¿i8 H istoire Ecclesiastique?
nation des tcnebres a formé le monde. Delà vient, que
les bonnes ames font ici dans la peine & la fervitude,
s’égarent &fe corrompent : enforte qu’elles ont eu be-
foin d’un libérateur, qui les délivrât de l’erreur du mélange,
de la fervitude. C ’eftce que jen’eftime pas permis
de croire, que Dieu tout-puiffant ait craint quelque
nation oppofée, ou qu’il ait été contraint par neceffité,
à nous précipiter dans les miferes. Fortunat répondit :
Je fai que vous avez été des nôtres, voilà des principaux
articles de notre foi : mais il s’agit de notre maniere de
vie, &c des calomnies dont on nous charge. Déclarez
donc devant les gens de bien qui font prefens, fi ce dont
on nous accufe eft vrai ou faux. Avez-vous affifté à la
priere?S. Auguftin dit : Oui, j’y ai affifté. Mais il y a
différence entre la queftion de la foi & celle des moeurs^
Ma proposition regarde la foi. Si les affiftans aiment
mieux que nous parlions des moeurs, je ne le refufepas.
fortunat dit : Je yeux d’abord me juftifier dans vos cf-
prits, par le témoignage d’un homme digne de foi. Saint
Auguftin dix :Pour vos moeurs, vos élus peuvent en ê-
rre bien inftruits. Vous favez que je n’ai été chez vous
qu’auditeur. Ainfi quoique j’aye affifté à votre priere,
il n’y a que Dieu &: vous qui puiffie favoir, fi vous en
avez quelqu’autre entre vous. Dans celle où j’ài affifté,
je n’ai rien vû faire de honteux. La feule chofe que j’ai
remarqué contraire à la foi que j’ai apprife depuis, c’eft
que vous faites vos prières contre le foleil. Quiconque
vous objeéte quelque chofe touchant les moeurs, doit
s’adrefferàvos élus. Ce que j’ai reçu de vous » eft la foi
que je condamne aujourd'hui ; qu’on me réponde à ce
que j’ai propofé.
Fortunat dit : Nousfoutenons auffi que Dieu eft incorruptible,
lumineux, inacceffible , incomprehenfible,
impaffible
L i v r e d i x - n e ü v i e ’m ë ;
impaffible : habitant une lumière éternelle & qui lui eft
propre ; qu’il ne produit rien de lui qui foit corruptible,
ni les ténebres, ni les démons, nifatan; & que l’onne
peut trouver dans fon royaume rien qui lui foit contraire.
Qu’il a envoyé un Sauveur fembïable à lui : que le
verbe né dès la création du monde, eft venu enfuite parmi
les hommes ; & a choifi des ames dignes de lu i,
fànétifiées par iès commandemens celeftes, imbues de
foi & de raifon: qui fous ià conduite doivent retourner
d’ici au royaume de Dieu, fuivant fa iàinte promefle.
Saint Auguftin dit: Ces ames qui viennent, comme vous
confeflez, de la mort à la vie par J. C. quelle çauiè les a
précipitées dans la mort? Fortunat dit : Répondez-moi,
je vous prie, s’il y a autre chofe que Dieu. Saint Auguftin
dit : Vous-même répondez, s’il vous plaît, quelle
caufe a livré ces ames à la mort. Comme Fortunat con-
tinuoit de chicaner , S. Auguftin dit: Nous ne devons
pas amuièr cette grande aflemblée , en paffànt d’une
queftion à l’autre. Nous convenons tous deux que Dieu
eft incorruptible, d’où je conclus ainfi : Si Dieu ne pou-
voit rien foufffir de la nation des tenebres, il nous a
envoyez ici fans cauiè : s’il pou voit fouffrir, il n’eft pas
incorruptible. Fortunat répondit, que J. C.afoufFert.
S. Auguftin répliqua-: Il a fouffert dans la nature humaine
, qu’il a priiê pour nôtre iàlut : ce qui ne conclud rien
pour la nature divine.
Fortunat au lieu de répondre, demanda : L ’ameeft-
elle de Dieu ou non ? S. Auguftin dit : Je veux bien dire
ce que vous me demandez ; fbuvenez-vous feulement,
que vous n’avez pas voulu répondre à mes queftions,
& que je réponds aux vôtres. Autre choie eft Dieu, autre
chofe Famé. Dieu eft impaffible & incorruptible:
nousvoyons que l’ame eftpechereflfe,' malheureuiè ôc
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