
LIX.
S. Martin communique
avec
les Ithaciens.
Sever■ Snip. d ial.
3 ry.
518 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
gnance, car j amais il ne fe laifloit approcher d’aucune
femme, mais ilfe trouvoit pris dans le palais, il avoit
des grâces à demander, pour délivrer des prifonniers,
rappeller des exilez , rendre des biens confifquiz. Il
étoit touché dé la foi de l'imperatrice; fon âge lui per-
mettoit de le faire avec bien-léance, car il avoit alors
foixante & dix ans. L’imperatrice ne mangea pas avec
lu i , elle le contenta de le fervir. Elle-même lui prépara
fon fiege, lui approcha la table, lui donna à laver,
& mit devant lui des viandes, qu'elle avoit fait cuire
de fes propres mains. Pendant qu’il mangeoit elle fe te-
noit éloignée de bout & immobile, danslapofture mo-
defted’utfe fervante. Elle lui donnoic à boire; & le petit
repas étant fini,elleconfervafoigneufementlesreftes
de fon pain , & jufques aux moindres miettes.
Mais S. Martin non plus que S. Ambroife necommu-
niquoit point avec Ithace ni avec les évêques , qui en'
communiquant avec lu i, s’étoient chargez de la même
haine: Maxime les foutenoit, 6c faifoit par fon autorité,
que perfonne n’ofoit les condamner : il n’y eut qu’un
évêque nommé Theognofte, qui rendit publiquement
une fentence contre eux. Ces évêques Ithaciens étant
aifemblez à Trêves pour l’éleêbion d’un évêque, obtinrent
de l’empereur qu’il envoïât enEtpagnedes tribuns
avec un fouverain pouvoir, pour rechercher les hérétiques,
& leur ôter la vie & les biens. On ne doutoit pas que
beaucoup de catholiques ne fe trouvaient enveloppez
dans cette recherche Caronjugeoit alors les heretiques
à la v û ë , fur la pâleur du vifage &c fur l’hîbir, plutôt que
par l’examen de la foi. Ayant obtenu cet ordre,ils apprirent
le lendemain,lorfqu'ils s’y attendoient le moins,que
5 . Martin alloit arriver à T reves; car il fut obligé d’y faite
plufieurs voyage^, pour des affaires de charité. Ils en
furent
L i v r e d i x - h u i t i e ’ m e . j i ?
furent fort allarmez, fichant que ce qu’ils venoientde
faire lui déplairoit ; &i craignant que plufieurs ne fuivif-
fent l’autorité d’un, fi grand homme. Ils. tinrent conleil
avec l’empereur ; Scil fut refolu d’envoyer au-devant de
S. Martin des officiers, pour lui défendre d’approcher de
plus près delà ville , s ilne promettoitdegarder lapaix
avec les évêques qui y étoient.S.Martin s’en défit adroitement
, en difant qu’il viendroit avec la paix de J. C.
Etant entré de-nuit, il alla â l’é g life , feulement pour
y faire fa priere; & le lendemain il fe rendit au palais.
Ses principales demandes étoient pour le comte Narfes
& legouverneur-Leucadius, quiavoientirrité Maxime,
par leur actachemenc au parti de Gtatien. Mais ce que
S. Mardh avoit le plus â coeur, c’étoit d’empêcher que
ces tribuns nefuflent envoyez eh Efpagne, avec la puif-
fan ced evieSt de mort; ôc il étoit en peine non feulement
pour les catholiques, qui pourroient être inquiétez
à cette occafion : mais pour les heretiques mêmes , â
qui il vouloir fauver la vie. Les deux premiers jours l’empereur
le tint en fufpens : foitpour lui faire valoir les
grâces qu’il demandoit, foitpar la répugnance depar-
donner â fes ennemis, foit par a varice, pour profiter de
leur dépoüille. Cependant les évêques voyant que faint
Martin s’abftenoit de leur communion, vont trouver
l ’empereur, & difent quec’étoit fait de leur réputation,
fi l’opiniâtreté de Theognofte fe trouvoit foûcenuëpar
l ’autorité de Martin.Qu’on n’avoit pas dû le laiffer entrer
dans la ville : que l’on n’avoit rien gagné a la mort
de Prifcillien , fi Martin entreprenoit favengeance Enfin
profternez devant l’empereur avec larmes, ils le conjurent
d’ufer de fa puiflancecontre lui.
Quelque attaché que Maxime fût à ces évêques, il
n’ofa ufer de violence contre un homme fi diftingué
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