
5 10 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e
plus juftcsde Dieu, de la naturefpirituelle & de l’origine
du mal. Mais il ne comprenoit pas encore l’incar -
xiii.cm/.ih nation, ne regardant J. C. que comme un excellent
homme : toutefois il goûtoit déjà l’écriture fainte, particulièrement
S. Paul. En cet état, il s’adrefla au prêtre
Simplicien, qui depuis fa jeunefTe jufques à un âge avancé,
avoit vécu dans une grande pieté. Il avoit inftruit
iàint Ambroifè , qui l’aimoit comme Ion pere. Auguftin
lui raconta tout le cours de fes erreurs ; & lui
ait qu’il avoit lû quelques livres des Platoniciens,' que
lerheteur Vi&orin avoit traduits en latin. Simplicien
le félicita de n’être pas tombé fur les écrits des autres
philofophes pleins de feduétion : au lieu que ceux-ci
sut. î. infinuoient par tout Dieu&fon Verbe. Il lui raconta la
converiion de Viétorin : à laquelle il avoit eu tant de
part. Auguftin en fut fenlîblement touché, & defiroit
». j. ardemment de l’imiter : non feulement en recevait le
baptême , mais en renonçant comme lui à la profeiïion
de la rhétorique.
converfion de Un jour qu’il étoit à fon logis avec Alypius, un Afris.
Auguiiin. cain nommé Pontinien, qui avoit une charge confide-
rable a la cour, vint les trouver.Quand ils fè furent affis
pour s entretenir , Pontinien apperçût un livre fur la
table qui etoit devant eux : il l’ouvrit & trouva que
c etoit S. Paul. Il fut furpris de trouver là ce fèul livre ,
au lieu de quelques livres de lettres humaines: il regarda
Auguftin avec un fouris mêlé d’admiration & de
joie : car il etoit Chrétien, & faifoit fouvent de longues
prières, profterne devant Dieu dans l’églifè. Auguftin
lui a'iant d it, qu’il s’appliquoit fort à ces fortes de lectures
, la converfationfetourna fur S. Antoine, dont
Pontinien raconta la vie , comme très connue aux fi-
deles. AiiguftinSçAlypius n’en avoient jamais oüi parler
L i v r e d i x-h u i t ' i e’ m e . 5 1 1
ils étoient furpris d’apprendre de fi grandes merveilles — -
gc fi recentes 5 & Pontinien n’étoit pas moins étonné ^ N* 3 86«
qu’ils les euflent ignorées jufques alors. Il leur parla de
la multitude des monafteresqui remplifloient les defèrts,
& dont ils n’avoient aucune conoiilance.Ils ne favoient
pas même qu’à Milan où ils étoient, il y en avoit un
hors les murs de la ville, fous la conduite de S. Ambroife.
Enfin Pontinien leur raconta la converfion de deux
officiers de l’empereur, qui fe promenant avec lui à
Trêves, & ayant trouvé chez des moines la viedefàint
Antoine, en furent tellement touchez, qu’ils embraflè-
rent fur le champ la vie monaftique.
Auguftin fut profondement touché de ce difeours. Il 7,
y avoit douze ans que la leéture de l’Hortenfius de Ci-
ceron l’avoit excité à l’étude de la iàgefTe. Il avoit cherchera
vérité, il l’avoit trouvée ; il ne manquoit qu’à fe
déterminer, & il ne voyoit plus d’exeufè. Pontinien s’étant
retiré, Auguftin fe leve, & s’adreffant à Alypius,kii *.
dit avec émotion, le vifage tout changé, & d’un ton de
voix extraordinaire : Q u ’eft ceci ; que faifons nous ? des
ignorans viennent ravir le ciel, & nous avec nos feien-
ces, infenfèz que nous fommes, nous voilà plongez
dans la chair & lefàng ? Avons-nous honte de les fui-
vre ? & n’eft il pas plus honteux de ne pouvoir même
les fuivre ? Alypius le regarda fans rien dire, étonné de
ce changement, & le fuivitpas à pas dans le jardin, où
l’emporta le mouvement qui l’agitoit. Us s’afîirentle
plus loin qu’ils purent de la maifon. Auguftin fremifi
foit d’indignation de ne pouvoir fe réfoudre à ce qui
fembloit ne dépendre que de fà volonté : il s’arrachoic
les cheveux, il fè frappoit le fro n t , il s’embrafloit le
genou avec les mains jointes. Alypius ne le quittoir
point, & attendoit en filence l’événement de cette agi