
X X X I .
Tra vaux de
Martin pour
f r i.
V if a c. S.
104 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
qu’il étoit naturellement fuperbe ôc violent, fa femme
Juftine qui étoit A rienne, le détournoit de rendre honneur
au faint évêque. S. Martin aïant tenté une & deux
fois en vain d’approcher de ce prince, eut recours à fes
armes ordinaires. Il fe revêtit d’un c ilic e ,fe couvrit de
cendre, s’abilint de boire & de manger, pria jour & nuit.
Le feptiéme jour un ange lui apparut, & lui ordonna
d’aller hardiment au palais. S. Martin y va fur la parole
de l’ange : les portes «ouvrent, perfonne ne l’arrête, il
arrive jufqucs à l’empereur. Ce prince le voïant venir de
lo in , demanda avec emportement pourquoi on l’avoit
fait entrer, & ne daigna pas fe lever : mais fon fiege fut
couvert d’un feu qui l ’en chaifa promptement. Alors
reconnoiifant qu’il avoit fenri une vertu divine, il em-
braflalefaint plufieurs fois 5 & lui acccorda tout ce qu’il
defiroit,fans attendre qu’il lui demandât. Il lui donna
fouvent audience , & le fit fouvent manger à fa table :
enfin quand il p a rtit, il lui offrit de grands prefens,
que S. Martin refufa, pour conferver fa pauvreté.
s Dans le voifinage de Tours étoit un lieu révéré par
la le peuple , comme la fepulture de quelque martyr. Il y
avoit même un autel érigé par les é.vêques precedens.
Mais S. Martin qui ne croïoit pas de leger, demandoit
aux plus anciens du clergé , qu’on lui fît voir le nom
du martyr, ou le temps de fon martyre ; & n’en trouvant
point de tradition certaine, il s’abftint pendant quelque
temps d’aller à ce lieu-là, pour éviter de faire tort à
la religion, ou d’autorife? la fuperftition. Un jour enfin
il y alla avec quelques-uns des frères ; & fe tenant debout
fur le fepulchre, il pria Dieu de lui faire connoître
qui y étoit enterré. Alors fe tournant à gauche, >il vit
près de lui un ombre fale & d’un regard farouche , à
qui il commanda de parler ; l’ombre d it fon nom ; Sç
L i v r e s e i z i e ’m e . i oj
¿’étoit un voleur, mis à mort pour fes crimes, que le
peuple honoroit par erreur & qui n’avoit rien de commun
avec les martyrs. S. Martin le v it fe u l, les autres
entendoient feulement fa voix. Il fit ôter l’au te l, &
délivra le peuple de cette fuperftition.
Il ruina plufieurs temples d’idoles & abattit plufieurs
arbres, que les païens honoroient comme facrez ; fouvent
même au péril de fa vie. Aïant abattu un temple
très-ancien, il vouloit auffi couper un pin qui étoit proche
: le pontife & les autres païens s’y oppofoient. Enfin
ils lui dirent : Si tu as tant de confiance en ton Dieu,
nous couperons nous-mêmes cet arbre , pourvu que tu
fois deifous quant il tombera. Il accepta la condition ;
il fe laiffa lier, & mettre à leur gré du côté où l’arbre
panchoit : une grande foule s’affembla à ce fpeétacle ,
les moines qui l’accompagnoient étoient faifis de crainte.
L’arbre demi coupé aïant déjà craqué, & commençant
à tomber fur S. Martin , il éleva la main & fit le
Ligne de la croix : auffi-tôt l’arbre comme repouffié par
un tourbillon de vent, tomba de l’autre côté, & penfa
accabler les païfans qui fe croïoient le plus en sûrete.
Il s’éleva un grand cri, 5c il n’y eut prefque perfonne de
cette prodigieufe multitude, qui ne demandât l’impo-
fition des mains pour être reçu catecumene. Une autre
fois comme il abattoit un temple dans le païsdesEduens,
c’eft-à-dire, dans le territoire d’Auftun, une multitude
de païens fejettafur lui en furie, & le plus hardi l’attaqua
i’épée à la main. Le S. ôta fon manteau, & lui prefenta
le col à découvert : mais le païen aïant levé le bras,
tomba â la renverfe épouvanté miraculeufement, & lui
demanda pardon. Un autre le voulut frapper d’un couteau
, comme il abattoit des idoles : mais dans l’aétion le
coyteau lui échappa & difparut. D ’autres fois il perfua-
C e iij