
68 H i s t o i r e E c c l e s i a s t iq u e .
commençât par reprendre Ingeburge.
Le roi Philippe ayant apris cette reponfe du pape
au retour de Tes envoyez, fe trouva fortembaraffé,
ne pouvant fe refoudre, ni à reprendre Ingeburge,
dont il avoit une averfion invincible, ni à quitter
Agnès, qu’il aimoit paifionnément. il appella quelques
prélats 8c quelques feigneurs, pour confulter
avec eux ce qu’il devoitfaire, 6c ilsrépondirenttouc
d’une voix , qu’il falloicobéir au faint fiege. Alorsil
dit à l’archevêque de Reims fon oncle: ce que le
pape m’a écrit eft-il vrai , quelafentencedefepara-
tion que vous avez prononcée, n’eft qu’une fable 6c
une illufion ? Le prélat n’ofaen difconvenir, 6c le
roi reprit: Vous êtes donc un impertinent d’avoir
prononcé une telle fentence. Il renvoya au pape le
prier comme auparavant de lever l’interdit 6c juger
enfuite le fonds de l'affaire: mais ne pouvant fléchir
le pape ni par prières ni par promeffes, il fe fournit a
fon jugement. Le pape envoya légat enFranceOéta-
vien cardinal évêque dOftie , dont l’inftruétion
portoit, qu’il feroit premièrement donner fatisfa-
étion entiere au clergé 6c aux églifes, fur les dommages
Scies injures qu’on leur avoit fait fouffriren-
fuite que le roi éloigneroit Agnès, non feulement
de fon l i t , mais delà demeure ; reprendroit publiquement
Ingeburge, 8c la traiteroit en reine, après
avoir fait ferment de ne la point quitter fans jugement
de l’égliie. A ces conditions le légat leveroit
l’interdit, fe refervantla correéfiondeceuxqui ne
l’avoient pas gardé d’abord.
Que fi l’on ne pouvoit periuader au roi de reprendre
iugeburge,6cs’il aimoit mieux pourfuivre la caf-
L l V RE SO 1 XANTE-QU I NZ I E’ME.
fation de fon mariage : le légat lui donneroit pour
intenter l’aêtion un terme de fix mois, pendant lequel
Ingeburge pourroit avertir le roi de Danemarc
ion frere de lui envoyer des avocats, des témoins 5c
les autres inilrudions neceilaires. Le pape du con-
fentement des parties aifocia à cette légation Jean
prêtre cardinal du titre de faintePrifque,enjoignant
aux légats de prendre pour affeffeurs des hommes
lcavans5c pieux, de fe conduire de forte que l’on ne
pût avoir aucun foupçon de leur intégrité, 6c de pro
curer à la reine Ingeburge toute fureté 6c liberté.
Oébavien arriva le premier en France,où il fut
reçu avec honneur par le roi 6c par les grands : il fit
premièrement faire la fatisfa&ion convenable aux
églifes 6c auxecclefiaftiques : puis il fit amener Ingeburge
àNéelleen Vermandois, où le cardinal légat
airembla à faint Leger les archevêques, les évêques
6c le clergé deFrance la veille de la nativité de
An. 12.00.
la Vierge feptiéme de Septembre 12.00. Agnès de
Meranie s’y trouva, 6c le roi quiétoitauflïpréfenc
reprit par ordre du légat Ingeburge,6c fit jurer en fon
ame qu’il la traiteroit en reine, 6c ne la quitteroic
point fansjugemÇnt de l’églife. Alors le légat leva
l’interdit qui avoit duré huit mois : on fonna les cloches,
6c la joye fut grande parmi le peuple. Le roi
éloigna de luy Agnè s, mais il ne la fit pas fortir du
royaume, parce qu’elle étoit gtoifc 6c prefte dac-
coucher.Elie mourut à Poifli 1
année fuivante izor.
peu après fes couches , ôc fa mort fut regardée
comme une punition divine.
Cependant le roi ne p o u v a n t le refoudre à bien
traiter Ingeburge repréienta au légat qu’elle ne pour
Roger, p• 810*
to. XI. conc, p-
2.0.