
A n. 1113.
XXVI.
Le roi Jean fè
fait abfoiidre..
Leblanc. Mon-
noies, p, 173.
348 H i s t o i r e E c c l e s i a s t î q u e .
furent indignez , croïant que la prophétie de Pierre
étoit fuffifamment accomplie, par la cefljon que le
roi a voit faite au pape.
Enfuite Pandolfe paila en France chargé de ces
lettres & des huit mille livres iterlin, pour partie de
la reftitution qui dévoie être faite aux prélats, auxquels
il perfuada de paiferen Angleterre pour recevoir
le refte. Puis il alla trouver le roi de France &
1 exhorta fortement à fe défiler de fon entreprife fur
l’Angleterre : difant qu’il ne pouvoit pas attaquer ce
roïaume fans offenfer le pape : puifque le roi Jean
étoit prêt à fatisfaire à Dieu & à l’églife ; 5 i à faire
ce que le pape lui ordonneroit. A ce difeours le roi
Philippe répondit fort en colere : qu’il avoit entrepris
cette guerre par ordre du pape, & déjà dépen-
fé plus de foixante mille livres pour armer des vaif-
feaux Si faire fes provifions d’armes & de vivres. Les
foi xante mille livres valoient alors trente mille marcs
d’argenc:qui feroient aujourd’hui un million cinquante
mille livres, à compter trente-cinq livres
pour marc. Philippe auroit effectivement paifé en
Angleterre fi le comte de Flandres fon vaiTalnel’avoit
abandonné, c’éroit Ferrand, c’eil-à-dire Ferdinand
de Portugal, qui avoit époufé Jeanne fille aînée de
Baudoiiin empereur de C. P.‘ &c avoit fait alliance avec
le roi d’Angleterre. Le roi Philippe tourna donc fes
armes contre Ferrand, mais avec peu de fuccès pendant
cette année.
Alors le roi Jean reprenant courage , refolut de
faire la guerre au roi Philippe en foutenant le comte
de Flandres , &: defeendant lui - même en Poitou ;
mais les feigneurs d’Angleterre refuferent de le fui-
L i v r e s o i x a n t e - 'd i x - s e p t . i e ’me. 3 49
vre qu’il ne fe fût fait abfoudre de l’excommunica- T ~
don. Il envoïa donc des lettres de vingt-quatre fei-
0-neurs à l’archevêque deÇantorberi & aux évêques
exilez avec lui, pour les aiTurer qu’ils pouvoient revenir
en Angleterre en toute confiance. Ainfi à la fol-
licitation de Pandolfe l’archevêque, les quatre évêques
de Londres, d’Eli, de Lincolne & d’Herford &
-les autres exilez s’embarquerent, & étant arrivez à
Douvres vinrent trouver le roi Jean à Vincheftre le
jour de fainte Marguerite vingtième de Juillet. Le
roi alla au-devant des prélats, &c fe jetta à leurs pieds
fondant en larmes & les priant d’avoir pitié de lui &
.du roïaume d’Angleterre. Les prélats le releverent de
terre en pleurant, & le prenant au milieu d’eux le menèrent
à la porte de leglife cathédrale, où ils reci- ■
terent le pfeaume M i f e r e r e , puis ils lui donnèrent
l’abfolution dans le chapitre. Le roi jura de protéger
l’églife & le clergé, de ramener la pratique des bonnes
loix de fes prédeceffeurs -, S1 d’achever avant Pâques
l’entiere reftitution qu’il avoit promife. Enfuite
l’archevêque le mena à l’éghTe & célébra la mefle ,
qui fut fuivie du feftin où les prélats & les feigneurs
mangèrent avec le roi. L’archevêque donna cette ab-
folution fuivant l’ordre que le pape-lui en avoit donné
à lui & à Pandolfe, pour en ufer en cas de neceflïté :
comme onvoitparune lettre du pape à l’archevêque,
écrite peu de temps auparavant.
Le roi Jean voulut alors partir pour faire fa def-
cente en Poitou : mais les feigneurs s’exeuferent encore
de le fuivre ; & comme il vouloit les attaquer à
main armée comme des rebelles, l’archevêque lui re-
prefenta qu’il alloit contre le ferment qu’il venait dç
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