
évêques dans l’ordre de la religion; 8c que dans l’ordre politique les
évêques j même celui du premier fiege, obéïffent aux loix des empereurs.
Ge n’eft pas qu’il ne foit permis aux ecdefiaftlques comme aux
laïques, de pofleder toutes fortes de biens temporels. Vous avez vû
que dès les premiers tems même fous les empereurs payens, les egli-
fes avoient des immeubles, 8c que les évêques avoient en propriété
toutes fortes de biens même des efclaves. D'où il s'enfuit qu’ils ont
pu auiïi pofleder des feigneuries, depuis que par la foiblefle desfôu-
verains & par la mauvaiie politique les juftices font-devenuës patri-
i; moniales, & la puiflance politique laiflee en propriété à des particuliers.
Car fous l’empire Romain on ne connoifloit rien de fembla-
b ie , 8c perfonne n’étoit feigneur que le fouvcrain; mais depuis que
les feigneuries ont été attachées à certaines terres, en donnant ces terres
à l’églife on leur a donné les feigneuries ; 8c les évêques fontde-
CeUf. et, s. venus COmtes , ducs 8c princes comme ils font encore en Allemagne.
Angfi. Ainfi , .ce qui eft le plus éloigné de lïnftitütion, les moines que leur
H t f l . /■•«. x x x . humilité avoit mis au-deflous de tous les hommes, fe font trouvez
' 1 j] avoir des fujets 8c des vaffaux ; 8c leurs abbez ont acquis le rang de
feigneurs 8c de princes. Tous ces droits font légitimés, il n’eft non
plus permis de les contefter à l'églife qu’aux laïques": 8c pour revenir
à l’églife Romaine., il feroit très-injufte de lui difputer la fouve-
raineté de Rome 8c d’une grande partie de l’Italie dont elle eft en pof-_
feflïon depuis tant de ficelés: puilque la plupart des fouverains n’ont
pas de meilleur titre que la longue poffeflîon.
On eût donc raifon de condamner Arnaud de Brefle, quirevoltoit
les Romains contre le pape; foûtenant en général qu’il n’etoit permis
au clergé de pofleder ni feigneuries, ni terres, ni biens immeubles; Se
qu’il ne devoit fubflfter que d’aumônes 8c d’offrandes volontaires.
J ’avouë toutefois que j’aurois fouhaité trouver dans les auteurs du
tems d'Arnaud , les raifons par lefquelles on réfutoit fes erreurs. Car
les deux lettres de S. Bernard aux Romains fur ce fujet, ne font que
des déclamations pathétiques, où il n’entre point en preuve, 8c fup-
ppfe le droit du pape inconteftable. Aufli ne revoquoit-il pas endou-
tf. 145. 444- {e ja ¿ onatjon ¿e Conftantin, comme nous venons de voir. Cette
piece reçue pour vraye établiffoit le fait 8c le droit particulier du pape;
8c pour le droit du clergé en général, il étoit certain , comme je
viens de montrer.
X. Mais il falloit fe fouvenir de cette maxime fi fage de l’apôtre, que
'ïneoBvemftis ce efp permis .n’eft pas toujours expédient ; 8c confidercr, comme
?c'n\reUe.lnCe les" ancicns’ flue l’étendue de l’efprit humain eft trop bornée pour fuifire
^ -à exercer en même-temsla puiflance fpiritüelle 8c la temporeIle.il rnl-
1. Cor,.v 1 . h . loit du moins refpcfter la conduite des anciens, 8c penfer , que fi la
donation de Conftantin étoit vraie, S.Léon 8cS.Grégoirel’auroient
connue ; 8c auroient eu de bonnes raifons pour ne s’en pas prévaloir,
comme il eft certain qu'ils ne l’ônt pas fait. L ’experience de plus de
fix cens ans a fait voir combien leur conduite étoit fage. Des évêq
u e s * purement évêques donnent peu de prife à la puiflance feculiere:
au lieu qu’elle a continuellement à démêler avec des évêques fei-
gneurs. Ce n’étoit déjà que trop au gré des faints évcques d’avoir
des biens temporels à gouverner: nous voyons comme faint Chryfo-
ftomes’en plaignoit; & faint Ambroife le déchargea fur-lcn frere
Satyre du foin même de fon patrimoine.
Quand l’églife a établi la réglé de n’admettre aux ordres facrez que
ceux qui auroient embraffé la continence, elle n’a pas feulement regardé
la pureté convenable pour s’approcher continuellement des
faints myfteres: elle a voulu encore que fes principaux miniftres fuf-
fent dégagez des foins que le mariage attire neceffairement 8c qui font
dire à S. Paul , que l’homme marié eft partagé entre Dieu & le monde.
Or qu’eft-ce cjuc le foin d’une famille particulière en comparaifon
du' foin de tout un état ? Qu’eft-ce que la conduite d’une femme
avec cinq ou fix enfans 8c autant, de domeftiques, à proportion du
gouvernement de cent mille fujets.
• Nous fommes naturellement plus frappez des objets fenfibles, que
des choies fpirituelles. Un prince eft occupé à reprimer des crimes,
à prévenir des feditions 8c des confpirations contre fa perfonne 8c fon
état. Il travaille à le conferver 8c le défendre contre les ennemis du
dehors, 8c à profiter des occafions de l’agrandir. Pour cet effet il faut
lever 8c entretenir des troupes , fortifier 8c munir des places , amaffer
des treforS pour fournir à tant de dépenfes. Il faut avoir çorrefpon7
dance avec les princes voifins, négocier, faire des traitez de commerce
8c d’alliance. Ces occupations paroiflent à un politique lerieu-
fes 8c mandes : les fondions ecclefiaftiques en comparaifon lui fem-
blent petites 8e prefque des amufemens d’enfans. Chanter dans une
églife, marcher en proceffion, pratiquer des cérémonies, faire unca-
techifme, lui paroiflent des occupations vulgaires,. dont le premier
venu feroit capable. L ’important félon lui 8c le folide eft de maintenir
fa puiflance, 8c d’afloiblir fes ennemis. Il regarde la priere, la
lefture 8c la méditation de l’écriture fainte, comme des occupations
plus convenables à un moine qu’à un homme d’état; 8c il ne trouve
jamais de tems à y donner. .Vous avez vû comme S. Bernard craignoit
pour le pape Eugene , que l’accablement des affaires, ne f empêchât
- de faire les reflexions neceffaires fur fes devoirs & fur lui-même, 8c
8c qu’il ne tombât enfin dans l’endurciffement.
Peut-être croirez-vous qu’un évêque prince fe refervera les fonctions
fpirituelles, 8c fe déchargera fur quelque laïque du gouvernement
de fon état. Il s’en gardera bien, de peur que ce laïque ne devienne
le vcritable prince. I! abandonnera plûtôt à d’autres le fpirituel : car il ne
craint rien d’un prêtre, d’un grand vicaire, d’un évêque fuftragant-
Il leur laiffera volontiers l'étude de la theolùgie 8c des canons, la
prédication , le foin des âmes, dont il iefera, tout au plus, rendréun
compte général: mais il fera informé en détail de fes troupes, de fes.
^ Il iii
Synef. efift. j 7:
p. i*>8. ep. m .
H/7 7 . liv . xx ix ,
n. 4;.
Homil. in
Mattb*
1. Co. th . }>•
1. ConfiÂ* f- x.